En direct des histoires d’hier – 9e épisode – T3 de Section R (Le Territoire des dix)
« Le territoire des dix » est le troisième tome de la « Section R », imaginée par Raymond Reding. Cette série met en scène le couple Sophie et Django, anciens champions olympiques qui, associés à « tonton », un ex-catcheur, forment une équipe de détectives travaillant dans le milieu du sport. Leurs enquêtes les amènent souvent à traquer des savants fous, des mégalomanes en puissance ou bien encore des sectes étranges voulant semer le trouble. C’est le cas dans cette aventure se déroulant dans un pays fictif du Moyen-Orient.
En effet, Django est l’ancien camarade d’école de Shukal, prince du royaume de Darmanie, Etat qui vient de créer une fédération de football. Le souverain, ouvert au progrès et convaincu des vertus du sport, aimerait faire bâtir un stade sur le vaste terrain bordant les grottes de Nlalash’Pah, dans sa capitale Dagbar. Il en est cependant empêché car ce territoire est supposément occupé par dix esprits malins, responsables de la mort de tous les géologues et autres spécialistes ayant tenté d’explorer les grottes. Cette croyance populaire a donné naissance à la confrérie des « Frères de la nuit », sorte de groupuscule supposée vouloir conserver la culture ancienne de Darmanie, ayant pour idole le « grand obscur », frappant de sa colère ceux qui fouleraient le « territoire des dix ». Totalement imperméables à ces superstitions et favorables à la construction d’un stade, Sophie et Django vont explorer les grottes pour résoudre le mystère de ce territoire.
Sport, aventures, action et résolution d’une énigme, le cahier des charges type d’une bande dessinée classique est rempli, pour cet épisode de « Section R » paru en 1973 dans le journal Tintin et en album en 1977. Raymond Reding y déroule ses talents habituels, bien connus des lecteurs des Trente Glorieuses : des personnages attachants, un dessin réaliste précis et une intrigue faisant la part belle aux valeurs du sport, en l’occurrence pour cet album, du football. Cependant, les soubresauts de l’histoire entraînent une situation qui pourrait paraître bien incongrue à nos yeux d’aujourd’hui. En effet, lorsqu’il y est évoqué un match entre deux équipes féminines, nombre de personnages s’esclaffent, comme si cette éventualité était absurde. Certes, Reding utilise les méchants de l’histoire pour tenir ce discours, mais les archives d’époque (dont une étonnante interview de JM Larqué lui-même) montrent que cette pensée était très répandue en ce temps-là. Elle n’en est pour autant pas du tout prophétique lorsqu’on regarde l’évolution du football féminin. En France, par exemple, le nombre de licenciées est passé de 18 000 en 1992 à 100 000 en 2016, pour atteindre 220 000 en 2023. Et on ne peut pas uniquement parler d’effet 1998 ou 2018, car ce phénomène est mondial. En effet, la FIFA organise depuis 1991 la « Coupe du monde féminine de football » où 32 équipes se disputent tous les 4 ans un titre aussi convoité que chez les hommes. A noter que la 9ème coupe du monde se tient cet été 2023 en Australie et en Nouvelle Zélande avec comme grandes favorites les américaines, déjà vainqueurs 4 fois et tenantes du titre.
Si la série « Section R » procurait une lecture sympathique et agréable, elle n’atteindra jamais le statut de légende qu’ont d’autres séries de Raymond Reding, comme Vincent Larcher (intrigue fantastique avec le foot en arrière-plan), Eric Castel (collection complètement dévouée au ballon rond), ou bien le mythique Jari, qui explore le monde du tennis. Elle reste cependant – à l’image de la réflexion des « frères de la nuit » sur le foot féminin – un marqueur de son époque où quantité de séries étaient créées pour les périodiques et où les intrigues qui, certes pouvaient quelques fois paraître peu fournies, montraient l’importance de grandes valeurs et ici, celles du progrès et des bienfaits du sport.
Article écrit par Mathieu DEPIT
