Hommage à Vincent « Mike » Deporter

Les lecteurs du Spirou des années 1990 se souviendront de Vincent « Mike » Deporter, cet auteur qui aura marqué pendant dix ans le journal entre 1987 et 1997, avec deux séries notables pour l’époque : Crazy planet et Les Fourmidables. Un auteur discret qui nous a quitté cette semaine, le 27 septembre. Les Amis de Spirou tiennent à lui rendre hommage à travers quelques témoignages de proches qui ont pu le connaître.

Photo de Mike Deporter
Mike Deporter en 2010.
CC Vincedeporter

Né le 13 février 1959 à Nivelles, Vincent « Mike » Deporter débute à 18 ans au studio Jean Graton, l’auteur de Michel Vaillant, puis publie Les Jeux olympiques d’Olympie à Los Angeles, en 1984, avant d’intégrer le journal Spirou en 1987 avec la série Crazy planet qu’il animera pendant deux ans. Dans le même temps, il publie la série de strips Roméo avec Philippe Rives à l’écriture pour l’hebdomadaire Maxi. Une collaboration qui durera 15 ans jusqu’en 1995, avec un recueil paru chez Glénat en 1994.

Gag de Crazy planet
Le gag de Crazy planet, préféré de Mike Deporter.
© Crazy planet – Mike Deporter – Dupuis

Thierry Capezzone qui l’a connu à cette période se souvient avec émotion de leur première rencontre : « La librairie Glénat à Lyon organise une rencontre entre différents auteurs Lyonnais. Mike Vincent Deporter y était, entre nous un truc s’est passé, on a tout de suite connecté. Après ce premier échange, il m’invite dans son appartement, transformé en atelier, où il vivait avec son épouse. C’est la première fois que je rencontrais un auteur de chez Spirou dans son atelier, mon rêve était d’être publié dans ce journal. Tout était bien rangé, il avait un côté hyper méthodique. Chaque chose devait être à sa place. Le fréquenter m’a apporté une énorme inspiration ».

Couverture de Spirou par Deporter
Sa première couverture dessinée pour Spirou (numéro 2573 du 4 août 1987).
© Crazy planet – Mike Deporter – Dupuis

Au début des années 1990, il participe à la relance des Pieds nickelés pour Vents d’ouest sous le pseudonyme commun de Cadero (avec Michel Rodrigue et Philippe Capezzone). Puis il publie avec ce même Thierry Capezzone, Les Dingo-pubs dans Spirou, une petite série qui vivra quelques mois dans le journal, reprenant le concept des fausses pubs. Son co-auteur se remémore cette période : « On a commencé à travailler ensemble. C’était une période galère, l’argent ne rentrait pas, mais Mike me donnait un peu d’argent pour que je puisse acheter des pâtes pour manger, alors que lui-même galérait, mais avec lui, les autres passaient avant. L’idée des Dingo-pubs, nous l’avons trouvée lors d’un voyage en train de deux heures vers Paris, où l’on a déliré sur le sujet à s’en donner mal au ventre. Grâce à mon ami, mon inspiration, mon mentor, le rêve d’être dans Spirou devint réalité ».

Dessin des Dingo pubs par Deporter et Capezzone
La première des Dingo-pubs était aussi la préférée de Mike Deporter. © Les Dingo-pubs – Mike Deporter et Thierry Capezzone – Dupuis

Il auto-édite Les Aventures de Merlin en 1992 et adapte en BD le film Un Indien dans la ville pour Glénat. En 1994, arrive Les Fourmidables dans Spirou. Thierry Tinlot, rédacteur en chef de l’époque, se rappelle de l’arrivée de la série dans les pages du journal : « Je me souviens qu’avant même la parution des premières planches des Fourmidables, nous avions l’intuition qu’avec son petit monde des fourmis il y aurait moyen de toucher un large public (Bernard Werber avait déjà fait un carton à l’époque). Nous avions envisagé ensemble des tas de déclinaisons (produits dérivés, animation, etc.) et avions fait une présentation aux commerciaux de chez Dupuis. Verdict strict et sans appel : il fallait d’abord que nous fassions un succès en album et après on en reparlerait… Peut-être… On n’en a jamais reparlé, du coup ».

Planche des Fourmidables par Deporter
© Les Fourmidables – Mike Deporter – Dupuis

La série Les Fourmidables prend fin en 1996 et conclut sa collaboration avec Spirou. Il quitte alors l’Europe pour s’installer à Atlanta où il travaille pour DC Comics sur Batman, Superman, mais surtout Scooby-Doo et Bob l’éponge. Néanmoins, il ne délaissera jamais complètement la BD européenne. Thierry Capezzone : « On n’a jamais perdu le contact, dès que j’avais un truc sympa je lui proposais et il répondait toujours partant. C’est comme cela que l’on a fait de nombreuses bandes dessinées sur l’histoire du Danemark ensemble, on s’appelait la dream team, c’était surtout la déconne team. ». Il était d’ailleurs en train de mettre en couleurs une histoire de Thierry Capezzone pour le Danemark lorsque le drame est survenu.

Planche de Folkvardsagaen
L’une des planches de la dernière histoire de Thierry Capezzone qu’il mettait actuellement en couleurs.
© Folkvardsagaen – Thierry Capezzone

Les personnes qui l’ont côtoyé dans la vie ou comme professionnel, se souviennent d’un « dessinateur ingénieux et très efficace » pour Thierry Tinlot, ou encore « d’un génie, un vrai comique, un grand cœur, peut-être trop gros, une étoile filante dans le monde de la BD qui aurait mérité plus d’exposition » pour Thierry Capezzone. Pour son ami Michel Rodrigue « il était l’un des rares auteurs à pouvoir dessiner aussi bien en humour, qu’en réaliste. Avec qui le travail est aussi un plaisir tant par sa réactivité, son professionnalisme et surtout de grands moments de rigolade. » Tous se souviennent d’un « garçon toujours joyeux, jamais avare d’un compliment ou d’un superlatif pour tous ceux qui l’entouraient. » et « d’un enfant génial, fou et déconneur, admirateur de jeux de mots et de gags, une générosité sans pareil ».

Dessin de Petzi
Dessin de Petzi par Thierry Capezzone, mise en couleurs par Mike Deporter.
© Petzi – Thierry Capezzone

Lorsqu’on leur demande des anecdotes marquantes sur Mike Deporter, Thierry Tinlot se souvient « je l’ai retrouvé à New York City et nous avons fait ensemble notre baptême en hélicoptère au-dessus de Manhattan en hurlant de bonheur (ou de terreur, je ne sais plus) », alors que Thierry Capezzone se rappelle « d’une énorme bataille de mousse au chocolat lors d’un festival BD en face de Tibet, on était tellement couvert de mousse au chocolat que l’on avait été dans les toilettes pour se changer mais comme on n’avait pas d’habit de rechange on était venu tout nu pour le dîner, avec juste quelques serviette autour de la taille en forme de couche culotte et on a fini le repas comme ça ». Michel Rodrigue conclu « C’est quelqu’un qui va beaucoup me manquer. Il restera à jamais 1 des 3 mousquetaires du studio Cadero avec Thierry Capezzone ».

Article écrit par Adrien LAURENT

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