L’Iris blanc – T40 d’Astérix

La parution de ce 40ème album d’Astérix, en plus de marquer une étape avec un compte rond, était d’autant plus attendu qu’un nouveau scénariste est aux manettes. Et pas n’importe quel scénariste : Fabcaro, un des meilleurs humoristes du medium, prend la suite de Jean-Yves Ferry qui avait eu du mal à convaincre dans les derniers albums.

Couverture de l'album L'Iris blanc
Couverture de L’Iris blanc © Astérix – Didier Conrad et Fabcaro – Hachette

Quelle solution pourrait trouver César, Jules pour les intimes, pour se débarrasser enfin du village d’irréductibles gaulois qui résistent encore et toujours à l’envahisseur ? La question est d’autant plus urgente que dernièrement, les mutineries, désertions et débrayages de légionnaires se multiplient en Armorique. Le médecin-chef de l’armée romaine, Vicévertus, détient peut-être la solution : rien de tel pour remotiver les troupes que de propager une philosophie nouvelle, basée sur la pensée positive. Et tant qu’à faire, autant la propager des deux côtés, cela adoucira peut-être l’agressivité du camp adverse…

Page 5 de l'album L'Iris blanc
© Astérix – Didier Conrad et Fabcaro – Hachette

En bon parodiste, Fabcaro ne pouvait pas rater la mode récente du développement personnel et de la psychologie positive. Le postulat de départ se prête admirablement à un schéma scénaristique qui a fait ses preuves : le parallèle avec La Zizanie (1970), Le Domaine des Dieux (1971), Obélix et Compagnie (1976), et même La Rose et le Glaive (1991), saute aux yeux en ce sens que ces albums font intervenir un élément extérieur, un stratège, chargé de vaincre les gaulois par des moyens détournés (semer le trouble entre eux, bétonner leur forêt, les corrompre à l’économie de marché ou les confronter à une armée féminine). Ici, le stratège est une espèce de BHL (le Steven Seagal de la philo, capable de traverser un théâtre de guerre en gardant son costume im-pec-cable) qui va tenter de redynamiser les romains tout en faisant baisser la garde des gaulois. Astérix, à qui on ne la fait pas, va rapidement voir clair dans le jeu du visiteur.

Page 6 de l'album L'Iris blanc
© Astérix – Didier Conrad et Fabcaro – Hachette

Les talents de dérision, d’observation et de dynamitage de clichés de Fabcaro tournent à plein, ce qui est un soulagement connaissant les fortunes diverses de ses précédentes reprises de grandes séries classiques. Manipulateur aguerri de l’humour absurde sur sketches courts à la Monty Python, l’auteur de Zaï Zaï Zaï Zaï et de Carnets du Pérou marche sur un fil pour le faire fonctionner sur une aventure au long cours. Même si la deuxième partie, un rebondissement faisant sortir l’équipe du village, est sensiblement plus poussive, le produit fini est d’une qualité plus qu’honorable et déclenchera l’hilarité du lecteur à plus d’une occasion (ce qui est plus qu’on ne peut en dire des albums de Ferri).

Page 7 de l'album L'Iris blanc
© Astérix – Didier Conrad et Fabcaro – Hachette

Au dessin, Conrad semble avoir beaucoup de mal à surmonter la pression constante qui pèse sur ses épaules en tant que successeur du Grand Maître. Son dessin est d’une sagesse et d’une prudence qui aseptise les planches et échouent à accompagner les gags de manière efficace. Le trait de plume, notamment, est bien trop fin pour donner le dynamisme et le relief nécessaires aux personnages, comme le découpage manque d’audace. L’originalité du scénario aurait mérité plus de libertés prises avec la mise en page et le traitement graphique en général. Et on passera charitablement sur quelques tronches mal fichues et des attitudes très maladroites…

Page 8 de l'album L'Iris blanc
© Astérix – Didier Conrad et Fabcaro – Hachette

La frilosité du dessin est donc heureusement compensée par une histoire loufoque aux dialogues bien sentis. Évidemment, les habitués de l’écriture et du style Fabcaro y trouveront leur compte plus facilement que les autres, mais ces derniers ne sont pas à l’abri d’une bonne surprise avec cet Iris Blanc (dont la floraison suffit à éclairer la forêt).

Page 9 du T40 d'Astérix
© Astérix – Didier Conrad et Fabcaro – Hachette

Chronique écrite par Philippe BARRE

Informations sur l’album L’Iris blanc

  • Scénario : Fabcaro
  • Dessin : Didier Conrad
  • Couleurs : Thierry Mébarki
  • Éditeur : Hachette
  • Date de sortie : 26 octobre 2023
  • Pagination : 44 en couleurs

Vous pouvez discuter de l’album L’Iris blanc sur notre groupe Facebook des Amis de la bande dessinée.

Consultez la liste de nos librairies partenaires pour vous procurer l’album L’Iris blanc.