Avec La pièce manquante, Jean Harambat transporte les lectrices et les lecteurs dans l’univers du théâtre anglais du XVIIIe siècle. Ce one shot est une célébration du 6e art, les arts du spectacle qui prend la forme d’une enquête passionnante pour retrouver le manuscrit perdu d’une pièce écrite par l’un des auteurs britanniques les plus célèbres, William Shakespeare.

Couverture de l'album La Pièce manquante
© La Pièce manquante – Jean Harambat – Dargaud

À Londres, la comédienne Peg Woffington est un brin courroucée. Depuis peu, les femmes ont le droit de monter sur les planches d’un théâtre afin d’y démontrer l’étendue de leur talent. Mais l’époque est puritaine. Les rôles de femmes sont tenus par de jeunes acteurs et les actrices ont l’obligation d’exercer leur art en pantalon. Conséquence, le public vient davantage regarder le galbe des jambes des actrices plutôt que de s’émerveiller de leur don de comédienne.

Peg, la tempétueuse rouquine refuse de continuer de participer à « cet étalage de cuisses comme au marché ». Elle s’en réfère à son soutien le plus précieux, son assistant Sancho qui lui souffle une idée : tenir le rôle de Dorotea, la jeune héroïne de L’histoire du Cardenio, une pièce du grand William Shakespeare adaptée du célèbre roman Don Quichotte du non moins célèbre auteur espagnol Miguel de Cervantes.

Néanmoins, Les deux protagonistes rencontrent un problème de taille : cette pièce n’a été jouée qu’une seule fois, il y a plus d’un siècle, et la retranscription exacte de ce moment – composée de la pièce et des anotations de mise en scène – a récemment disparue dans la nature, volatilisée ! Qu’importe, Sancho et Peg Woffington décident de mener l’enquête afin de débusquer le précieux document.

Page 5 de l'album La Pièce manquante
© La Pièce manquante – Jean Harambat – Dargaud

La pièce manquante, non pas d’un puzzle

En organisant son récit en trois actes distincts, Jean Harambat ne nous parle pas simplement de théâtre, mais nous plonge réellement dans les méandres des arts du spectacle. Aussi bien à travers les intrigues du récit que par ses dialogues, La pièce manquante est une bande dessinée qui respire la scène avec des personnages haut en couleur, des situations burlesques et des retournements de situations… théâtrales !

En outre, Harambat multiplie les références aux grands noms du théâtre et de la littérature du XVIIe et du XVIIIe siècle et des œuvres qui leurs sont associées. Chaque séquence du scénario est une véritable petite représentation et les lectrices et les lecteurs deviennent des spectatrices et des spectateurs attentifs à la recherche de la moindre parole, du moindre objet ou indice qui pourrait soutenir Peg Woffington  et son assistant à progresser dans l’enquête.

Bien que romancée, Lhistoire du Cardieno est basée sur des faits réels. Peg Woffington (née Margaret Woffington, 1720-1760) est une authentique actrice du XVIIIe siècle. En outre l’intrigue s’inspire effectivement d’une œuvre qui a disparue. Ainsi, outre la référence à ces pages fantômes, le récit de La pièce manquante prend davantage d’épaisseur en puisant de l’inspiration dans différents éléments de la biographie de l’actrice, notamment sur ses amours, son talent ou ses dons de funambule.

Page 6 de l'album La Pièce manquante
© La Pièce manquante – Jean Harambat – Dargaud

Ces cavalières « en séant »

Le caractère du dessin de Jean Harambat, qui illustra par ailleurs un hors-série de Blake et Mortimer La Fiancée du Dr Septimus, oscille entre l’effet cartoon et un trait vif, plutôt spontané qui impulse un véritable mouvement aux actrices et aux acteurs de La pièce manquante. Le dessinateur se montre précis dans la réalisation de certaines scènes, respectant immanquablement des réalités historiques, notamment sur la manière de monter à cheval des femmes du XVIIIe siècle, « en séant », c’est-à-dire les deux jambes pendant le long d’un des flancs du cheval.

La mise en couleur de Jean-Jacques Rouger reste sobre et sans artifice. Il joue habilement avec les différentes séquences de l’histoire, accentuant, par exemple les tons magenta lorsque le goût du sang et de la mort de la foule s’empare du récit.

La pièce manquante de Jean Harambat est un one-shot séduisant qui donnera peut être à chacune et à chacun l’envie de se (re)plonger plus précisément dans les nombreuses références littéraires citées tout au long des pages et de (re)découvrir Don Quichotte ou Otello, des classiques qui sont magnifiquement valorisés dans ce très bel album.

Après une première lecture, les plus curieux se laisseront tenter par une recherche sur Internet, non seulement pour en savoir davantage sur Peg Woffington et sur L’histoire du Cardieno, mais également pour se précipiter dans une seconde lecture afin d’apprécier encore davantage la précision du travail de Jean Harambat dans l’élaboration de son scénario et afin de mieux appréhender la substance de certaines pages qui apparaissaient comme mystérieuses lors de la découverte du récit.

Page 7 par Jean Harambat
© La Pièce manquante – Jean Harambat – Dargaud

Chronique écrite par Bruce RENNES

Informations sur l’album La Pièce manquante

  • Scénario : Jean Harambat
  • Dessin : Jean Harambat
  • Couleurs : Jean-Jacques Rouger
  • Éditeur : Dargaud
  • Date de sortie : 13 octobre 2023
  • Pagination : 154 en couleurs

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