D’ambre et de feu
Avec cet ouvrage, les Editions Jungle nous offrent un magnifique collector de l’oeuvre d’Agnès Domergue et d’Hèlène Canac. D’Ambre et de feu, à mi-chemin entre conte européen et folklore japonais, nous guide à travers les pas de Kitsune, jeune fille mi-renarde mi-femme, dans sa quête de vengeance contre le roi et sa rencontre avec Koyo le jeune fils de ce dernier.
L’Homme et la Terre
Dans ce récit, on retrouve un sujet très actuel, celui de l’Homme qui s’oppose à la nature, c’est ainsi que débute l’oeuvre d’Agnès Domergue. Le roi Humain, avide de pouvoir et de possession, s’oppose à tout ce qu’il ne peut contrôler. Il ravage tout ce qui ne semble pas se soumettre à lui, terres, animaux, esprits, etc. On retrouve d’ailleurs cette forte opposition à travers le roi ennemi de notre Kitsune, vil et aveugle et la déesse du soleil Amateratsu, qui éclaire et guide. Pas besoin d’aller beaucoup plus loin pour poser le décor et mettre en lumière la dangerosité du roi pour ces terres.
Lors de la rencontre entre Koyo, le fils du roi et Kitsune, une nouvelle opposition s’inscrit ici, mais celle-ci, d’une autre teneur. En effet, de par son caractère candide et curieux, par les traits ronds et la blondeur enfantine que lui attribue Hélène Canac, le jeune garçon s’oppose ici avec l’espièglerie et la ruse de notre jeune héroïne. On y retrouve en cela l’innocence de l’enfance face à l’instinct animal.
Par ces dualités, l’histoire nait et se complexifie, s’intensifie et se révèle. Alors qu’on retrouve bien souvent la facilité du blanc/noir, gentil/méchant, cette histoire-ci se crée avec un éventail de vérités et d’honnêteté qui donne à cette lecture un renouveau du conte classique et une histoire singulière.
Un conte immergé dans le Folklore japonais
Le Kitsune, personnage populaire des mythes japonais, est un esprit surnaturel et être polymorphe très souvent représenté dans la pop culture (on le retrouve à travers le personnage d’Ahri, mage mi femme mi renarde, dans le jeu vidéo League Of Legends, on en retrouve également une véritable inspiration à travers les masques des forces spéciales Anbu dans Naruto Shippuden ou le masque de Tanjiro dans Demon Slayer). Le Kitsune est ici le personnage principal du conte d’Agnès Domergue. Héroïne de notre œuvre, Kitsune (car c’est aussi son nom) est une jeune fille/renarde espiègle et rusée. Alors que son village et son peuple se retrouvent détruit, elle se lance alors dans une course de vengeance contre son nouvel ennemi juré, le roi humain.
Lors de son périple, elle fait la connaissance de nombreux personnages tout droit issus de la culture japonaise (tout comme elle). Amie et alliée du dieu-cerf, gardien de la forêt (non sans rappeler le fascinant film d’animation Princesse Mononoké), elle rencontre au milieu des cendres de son village, les émissaires de la grande déesse Amateratsu. Divinité importante au Japon, elle est la déesse du soleil, c’est elle qui éclaire le monde, et de par sa lumière guide les Hommes.
En parcourant les bois et traversant les marécages, elle y rencontre les Onibis. Petits êtres de feu, communs aux feu-follets de notre culture occidentale, les Onibis représentent dans la culture japonaise les esprits amers nés du corps des défunts (homme comme animaux). Bien que petits et mignons sous l’habile coup de crayon d’Hélène Canac, elle ne manque pas de mettre en scène l’amertume grâce à leur apparition nocturne au milieu des marécages et leurs teintes bleutées et violacées. Par le biais de cette rencontre avec ces petits êtres, Kitsune décide alors de l’objet de sa vengeance.
L’histoire d’Agnès Domergue s’inscrit ainsi dans ce foklore mystérieux et magique, avec une habilité et une réelle poésie. Chaque élément apportant l’un après l’autre, des clés pour comprendre le récit.
Au cœur de sentiments
Dans son aventure, Kitsune se bat face à de nombreux ennemis, qui ne sont pas toujours visibles. Héroïne aux multiples facettes, elle est un personnage complexe, inspirant par sa combativité et sa hargne, sa vigueur et son courage. Mais comme chacun de nous, elle est aussi parfois, sa propre ennemie. À travers les épreuves qu’elle traverse, colère et peine troublent parfois son jugement, et entraînent de lourdes conséquences.
Au travers de sa rencontre avec le jeune Kyoko, on y découvre tantôt la ruse, tantôt l’apaisement. Le retour à la candeur de l’enfance, mais aussi parfois le regret et la honte. Car malgré sa fougue et son courage, elle est aussi une enfant qui apprend sur le monde et sur elle même.
Quant au roi, empli de haine et de colère, il se figure n’être pas seulement le haut représentant du grand méchant des contes de notre enfance. Mais que peut-on comprendre et apprendre d’une figure si vile et repoussante ?
Avec cette magnifique version collector d’Ambre et de feu, Agnès Domergue nous embarque dans un récit haut en rebondissements. Avec les codes du conte classique, elle nous mène dans un monde rempli de mesures, où les jugements hâtifs ne sont pas conseillés. Par ce biais et la douceur de cette histoire, par le dessin poétique et précis d’Hélène Canac, la rondeur des traits et les jeux d’ombres et lumière qui guident le voyage, elles nous offrent toutes deux une histoire riche et inattendue. Une véritable pépite à découvrir ou à redécouvrir !
Chronique sur D’ambre et de feu écrite par Lola LAURENT
Informations sur l’album D’ambre et de feu
- Scénario : Agnès Domergue
- Dessin : Hélène Canac
- Couleurs : Hélène Canac
- Éditeur : Jungle
- Date de sortie : 16 novembre 2023 pour l’édition collector et 29 septembre 2022 pour l’édition classique
- Pagination : 92 en couleurs
Consultez la liste de nos librairies partenaires pour vous procurer l’album D’ambre et de feu.
