[Archive] En direct des histoires d’hier – 1ère épisode – La Foire aux gangsters

La Foire aux gangsters bien que n’ayant pas eu, si ce n’est récemment, droit à un album officiel, est pourtant une histoire populaire de Spirou et Fantasio. Non seulement parce qu’elle est adossée au Nid des Marsupilamis, ou parce que Gaston Lagaffe en est un des protagonistes, mais aussi parce qu’elle représente bien ce qu’on appelle l’âge d’or de la BD, mais aussi la vie de l’époque.
Planche de La Foire aux gangsters
© Spirou et Fantasio – André Franquin et Jidéhem – Dupuis
Publiée en 1958, l’histoire est une fiction typique de ce temps là – nos 2 boy scouts contre les méchants – et l’on y trouve le cliché des gangsters balourds au grand cœur, d’une fête foraine sympathique malgré ses stands truqués, d’une partie d’auto tampon, et de belles voitures américaines.
Planche de La Foire aux gangsters
© Spirou et Fantasio – André Franquin et Jidéhem – Dupuis
Si ces éléments sont des sortes de madeleines pleines de douceur nous rappelant malgré nous (et sans doute à tort) que le monde était plus doux avant, un autre point, tout particulier, nous montre bien l’évolution du temps, les changements du monde, et combien le talent de Franquin nous le fait oublier, tant la lecture est toujours fluide aujourd’hui. En effet, au début de l’album, le japonais Soto Kiki vient chercher Spirou et Fantasio pour demander leur aide dans une histoire de kidnapping d’enfant. Rien d’original, si ce n’est que pour ce faire, le nippon (petit et malingre) fait une démonstration de judo à nos 2 amis. Ceux-ci, surpris et effrayés, n’ont pas l’air de connaitre ce sport, et se sentent attaqués. Le judo, inventé par le maitre Jigoro Kano a vu le jour fin du 19ème siècle et est arrivé en Europe occidentale, dans les années 1930.
Planche de La Foire aux gangsters
© Spirou et Fantasio – André Franquin et Jidéhem – Dupuis
Tout en se développant continuellement, il est resté un sport de niche jusqu’aux années 1960 / 1970, où il connait un boom dû principalement aux films d’action du type Bruce Lee (même si ceux-ci ne traitent pas de judo). On peut comprendre que dans les années 50, Franquin ait introduit dans son histoire ce sport japonais d’une façon un peu mystérieuse, voire fantasmée avec humour (les prises fonctionnent si bien qu’on passe par la fenêtre !) à une époque où, tout en commençant à se faire connaitre en Europe, les mœurs de l’orient restaient un peu énigmatiques, et où voyages et brassage culturel étaient beaucoup moins développés.
Planche de La Foire aux gangsters
© Spirou et Fantasio – André Franquin et Jidéhem – Dupuis
En faisant apprendre le judo à Spirou, Franquin fait de son héros un précurseur, l’installe dans une certaine modernité, tout en respectant les fondements de la série, faite d’ouverture sur le monde et d’exotisme. La magie de la BD fait que, même aujourd’hui où personne n’est étonné de voir des enfants sortant d’un entrainement en kimono dans la rue, on peut relire cette histoire sans même penser que le temps a passé et l’époque évolué. »
Article écrit par Mathieu DEPIT