En direct des histoires d’hier – 2e épisode – T4 de Broussaille
« Le discret pouvoir de Jizo » est la première des histoires racontées dans « Sous deux soleils », 4ème opus de Broussaille. La série, bien qu’arrêtée en 2003, porte toutefois en elle des valeurs du monde actuel, notamment le côté écologique de son héros, connu des lecteurs de Spirou par les « Papiers » qu’il présentait, avant de connaitre des aventures au format plus classique. Celles-ci, sublimées par le trait gracieux, rond, prenant de Frank Pé et les récits bienveillants de Bom, n’ont malheureusement donné vie qu’à 5 albums.
Dans l’histoire qui nous intéresse (avec Franck Pé seul aux manettes), notre héros à lunettes et sa belle visitent le Japon après avoir gagné un concours proposé par la marque de pâté de leur chat. Las ! Peu de temps après être arrivé sur l’île impériale, malmenés par une foule gigantesque à la sortie du métro, nos deux amis sont séparés malgré eux. Chacun va alors chercher l’autre dans l’immensité du pays, et découvrir la culture, la magie et la beauté de la terre du Soleil Levant dans leurs tentatives de retrouver l’être aimé, fidèle à l’esprit d’ouverture au monde et à l’autre qui caractérise la série. Cependant, si « Le discret pouvoir de Jizo » sait toujours nous accompagner de sa douceur et de sa rêverie, on peut aussi y voir quelques détails montrant les changements de notre mode de vie et de nos habitudes, alors que cette histoire parue en 2000 reste tout de même relativement contemporaine.
Pour exemples, au lendemain d’un diner de « Sushi », Broussaille tombe sur des « Mangas » dans un magasin. Si ces 2 mots sont usuels aujourd’hui, on en donne une traduction dans la BD, de manière à les faire découvrir aux lecteurs ! Et surtout, contrairement à l’album précédent « La nuit du Chat », où Broussaille ne peut que fouiller le quartier et demander de l’aide aux passants pour retrouver son matou fugueur, ce qui serait toujours le cas aujourd’hui, la mésaventure nippone de notre ami n’aurait pas duré si celui-ci l’avait vécu de nos jours : il aurait sorti son portable pour fixer rendez-vous à sa copine, et le tour était joué !
Rappelons qu’en France, la vente des mangas (en BD) n’a connu qu’un succès d’estime jusqu’en 2000. Elle atteint 20 millions en 2020. Quant aux téléphones portables, s’ils connaissent leurs premiers « forfaits » en France en 1996, ils phagocytent complètement nos vies depuis l’ultra-démocratisation des smartphones, vers 2010. Le talent de l’auteur, sachant parfaitement nous entrainer à sa suite dans cette aventure japonaise, gomme ces détails, et nous fait conserver au cœur la douce amertume qu’on peut ressentir après la lecture d’un ouvrage important.
Article écrit par Mathieu DEPIT
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