Sur le bout des doigts

N’avez-vous jamais rêvé de connaître un auteur de bande dessinée intimement, autant à travers son art que en tant de personne ? Et si vous pouviez vous reconnaître à travers un scénariste ou un dessinateur tout en comprenant son parcours si singulier ? C’est possible avec Sur le bout des doigts de Colin Atthar, une bande dessinée parue aux éditions Ankama.

Sur le bout des doigts propose un véritable périple à travers l’histoire de Colin Atthar, cet auteur de bande dessinée de 24 ans, sur le point de réaliser son autobiographie. Alors qu’il est en pleine angoisse de la page blanche, le voilà poussé dans ses retranchements par une sorte de petit démon-chat qui l’habite.

La complexité de la vie et l’angoisse de la page blanche

Par une multitude d’allers-retours entre le présent et le passé, Colin Atthar est poussé à réfléchir à ce qu’il va vraiment raconter sur lui. Tant de choses composent une vie, même lorsqu’on est encore jeune et que l’on a encore beaucoup à expérimenter.

Ce qu’explore l’auteur, ce sont les multiples couches qui font de lui la personne qu’il est au moment où il s’apprête à se lancer dans la bande dessinée et son autobiographie. Nous en apprenons tant sur son histoire familiale dans la région de Marseille que sur sa montée sur Paris dans un milieu artistique pas toujours tendre. Son adolescence, entre tout ça, c’est aussi une sacrée crise identitaire qui l’a marqué, ainsi que les comportements des jeunes qui l’entourent qui lui renvoient une image perturbante de lui-même !

Mais finalement, qu’est-ce qui mérite vraiment, dans son histoire, d’être dit à travers une œuvre qui sera lue par un public ? Comme son démon perturbant cherche à le lui apprendre, il ne va peut-être pas encore assez au fond des choses, malgré toutes ces couches d’oignon qui sont déjà très intéressantes en soi. Écrire son autobiographie, c’est oser gratter plus loin que la surface, et vraiment creuser au plus profond, pour espérer rendre son histoire universelle ! Alors, Colin accepte malgré tout de parler de la question du genre… qui pourrait bien se révéler être centrale.

Une autobiographie dense, mais surtout très franche

L’album Sur le bout des doigts ne peut laisser personne indifférent tant il est dense, parlant d’énormément d’aspects qui font une vie bien remplie. On ressort de la lecture avec l’impression d’avoir réanalysé sa propre vie et une certaine impression de vertige. Bien des jeunes s’identifieront au personnage principal, ne serait-ce que ceux qui ont vécu la période de la Covid, mais aussi et surtout tout ceux qui ont pu être désenchantés par leurs études ou ceux qui ont mis du temps à assumer leur genre !

Colin Atthar réussit à nous emmener en balade à travers sa vie avec beaucoup d’animation, de subtilité et d’honnêteté,même s’il se fait passer pour un créatif qui n’ose pas réellement regarder en lui-même. Sur le bout des doigts est sûrement le résultat d’énormément d’introspection et quoi de mieux que la créativité pour apprendre à se connaître soi-même et s’assumer tel que l’on est au grand jour ?

Un style animé, aussi brouillon que très travaillé

Le style de l’auteur originaire de Marseille a vraiment de quoi donner le tournis. Le lecteur ne s’ennuie jamais, que ce soit parce qu’on sort régulièrement du cadre traditionnel au niveau du découpage des cases, ou parce que le démon-chat vient relancer le jeu du questionnement entre plusieurs flash backs sur l’un ou l’autre aspect de la vie de Colin Atthar. Les traits et les expressions sont animés et les couleurs variées, sciemment travaillées en fonction de l’histoire qui est racontée. Parfois, le dessin est un peu brouillon, parfois plus travaillé, souvent, deux couleurs maximum suffisent pour une case, et les visages plus verdâtres que couleur chair ne doivent pas nous dérouter.

Sur le bout des doigts, c’est aussi l’histoire que l’auteur a sur le bout de la langue mais qui met longtemps à être véritablement concrétisée dans la matière, tant il n’est pas facile de dire la vérité sur sa personne et de savoir ce qui vaut vraiment la peine d’être mis en lumière pour ses lecteurs. Finalement, l’auteur se montre très généreux avec eux, aussi bien sur la forme que sur le fond, et mérite d’être découvert en particulier par les jeunes adultes qui se cherchent encore.