Molotok-41 ne répond plus – T10 de Buck Danny Classic

L’action, la course à la survie et l’instinct « boy scout » sont des indispensables de la bande dessinée traditionnelle et ce T10 de Buck Danny Classic ne déroge pas à la règle. Buck Danny et ses amis y continuent leurs efforts entrepris dans l’album précédent, « Le vol du rapier ». 

On retrouve nos héros dans l’Amérique d’Eisenhower où les intrigues géopolitiques de tous ordres étaient légion. En cette année 1958, Buck et ses amis, dont l’objectif est de retrouver des savants américains censés être disparus 7 ans plus tôt, sont plongés dans la spirale de l’espionnage propre au climat de guerre froide qui caractérise cette époque. Méprisant tous les dangers, l’aviateur blond, son fidèle co-équipier Tumbler et Slim Holden font partie d’un commando devant se rendre en territoire soviétique pour libérer les malheureux scientifiques supposés morts depuis 1951. Mais, alors que la tension entre bloc de l’Est et bloc de l’Ouest est à son paroxysme, une telle mission ne peut se dérouler sans imprévus. Entre agents doubles, espions cachés et tensions d’un monde qui semble prêt à exploser, Buck Danny va avoir du fil à retordre ! Il doit, en plus, compter sans Sonny Tuckson, en bien mauvaise posture après ses exploits relatés dans l’album précédent.

Jean-Michel Charlier, scénariste iconique de la bande dessinée en général et de Buck Danny en particulier, avait l’habitude de dire qu’en ouvrant le journal du jour ou un livre d’histoire, on pouvait trouver au moins une dizaine d’idées de scénarios. En adaptant l’histoire véridique de la disparition des passagers du vol C-124 Globemaster de 1951 dans ce diptyque, Marniquet et Zumbiehl ont mis à profit la leçon de l’indépassable maître. Après un précédent album où les différents éléments de l’intrigue se mettaient en place petit à petit, les auteurs, dans cette fin de cycle, passent à la vitesse supérieure et privilégient l’action, encore et toujours. Buck et son équipe vont être malmenés entre courses poursuite, traquenards, combats sans préavis et situations quasi désespérées. Rien n’est épargné au valeureux militaire qui garde sa chevelure impeccablement coiffée malgré les évènements. Le militaire devra même se confronter à ses alliés de la CIA, froid et pragmatique dans des évènements où son esprit chevaleresque ne semble pas être adapté. On ne s’ennuie pas en lisant les tribulations de cette équipée qui rappelle les séries B des années 50 et 60 où Hollywood cherchait avant tout à distraire, non sans passer un message patriotique. L’humour propre à la série est quasiment absent de l’album, sans doute du fait de l’arrivée tardive de Tuckson. Le personnage, en général auteur malgré lui de situations burlesques, apporte ici la seule touche d’émotion d’une BD entièrement tournée vers la vitesse, le devoir et l’élan militaire, totalement compatibles avec les titres de la série publiés à l’âge d’or de la bande dessinée.

Le dessin de Le Bras est très agréable et parfaitement adapté à la collection. Sans recherche de fioriture ou d’excédent de précision, il accompagne l’action pure et simple.  Il se marie idéalement avec les couleurs de Formaggio, douces et dont l’absence de clinquant et de tape à l’œil s’inscrivent au mieux dans le cahier des charges d’une série se voulant classique. L’ensemble procure un aspect visuel très réussi rappelant les pellicules d’antan et les cinés club du samedi soir.

Avec « Molotok-41 ne répond plus », à l’image des parutions d’un passé fantasmé, on voyage avec nos héros bourlingueurs pour découvrir le monde qui était, à l’époque des faits relatés, encore si secret pour les lecteurs occidentaux rêvant d’exotisme. La lecture de l’album procure un bon moment hors du temps, loin des productions actuelles, plongeant dans le style des BD traditionnelles qui, qu’on les apprécie ou non, forment le socle d’un 9ème art dont les contours et l’imagination restent sans limite.