Maria et Salazar

A l’occasion du cinquantenaire célébrant la révolution des Oeillets, les éditions Des Ronds Dans l’O ont réédité ce 10 avril 2024 Maria et Salazar de Robin Walter paru en 2017. Dans ce roman graphique, l’auteur, surnommé Rob, nous raconte l’histoire du Portugal et plus précisément celle des années 50 jusqu’à nos jours, au travers du témoignage de Maria, Femme qui a émigré en France, et dans lequel bon nombre de portugaises vont se reconnaître. En s’appuyant sur le contexte historique, économique et social du Portugal, l’auteur nous trace le parcours de vie de Maria en partant des motivations qui l’ont poussée à quitter son pays en 1972, à rester en France pendant plusieurs décennies, jusqu’à celles pour lesquelles elle pourrait ou non y retourner.

Couverture de l'album Maria et Salazar — © Maria et Salazar – Robin Walter – Des ronds dans l’O

Alors que Robin est dans la maison familiale pour en préparer la vente, les souvenirs remontent, et avec eux, ceux de Maria, la femme de ménage. Maria a été comme une seconde maman et toute la famille est très attachée à elle. Mais en fait, qui est-elle vraiment ? D’où vient-elle exactement ? Pourquoi est-elle en France ? Rob réalise que personne ne peut apporter de réponses précises à ces questions et s’aperçoit, à la lecture d’un livre relatant la dictature de Salazar, qu’ils ne se sont jamais réellement intéressés à elle.

Il n’en fallait pas moins pour lui inspirer le sujet de sa prochaine bande dessinée. Il en parle alors avec sa famille et ses amis qui ont côtoyé Maria afin de recueillir leur souvenirs puis il interviewe Maria qui est toujours à leur service, ainsi que son époux Manuel.

De la fuite clandestine du Portugal à l’arrivée en France, de l’illégalité à l’obtention de papiers, des journées de labeur et de misère aux jours plus heureux, de l’espoir à la désillusion, Il se rend vite compte que son histoire est plus complexe qu’elle en a l’air et qu’il va lui manquer de la matière pour poursuivre ses investigations. Il va donc écumer les bibliothèques pour contextualiser leur témoignage, leur poser les bonnes questions et mettre en relief cette histoire commune à près de 900 000 portugais et tant d’autres émigrés devenus immigrés à travers le monde.

Page 31 de l'album Maria et Salazar — © Maria et Salazar – Robin Walter – Des ronds dans l’O

Un récit riche et accessible à tous

Robin raconte son enquête telle qu’il l’a vécue, le lecteur découvre ainsi l’histoire de Maria au rythme de l’avancée de ses recherches. En dessinant les photos que lui montre Maria, comme celle de son mariage, ou des flash-back, il donne du corps aux différents témoignages et à ce sentiment mélancolique et nostalgique typiquement portugais qu’ils nomment la Saudade. Le récit complet de la vie de Maria et Manuel est enrichit par l’ouverture de fenêtres en quelques pages sur l’histoire de la France et du Portugal. Une manière simple et claire pour comprendre par exemple comment Salazar a protégé le Portugal de la seconde guerre mondiale, mais aussi comment par la suite son régime est devenu de plus en plus autoritaire.

Page 34 de l'album Maria et Salazar — © Maria et Salazar – Robin Walter – Des ronds dans l’O

Un graphisme simple

Comme souvent le trait des romans graphiques est différent d’une bande dessinée classique et c’est la raison pour laquelle il est souvent mis de coté sans même être ouvert. Maria et Salazar ne déroge pas à la règle, les dessins sont réalistes sans être précis, exceptés les visages des personnages principaux dont les expressions sont à l’image de leur relation chaleureuse, presque toujours souriants . Les décors sont même parfois minimalistes. Ce dessin facilite la lecture en la rendant plus fluide jusqu’à ce que le récit prenne le dessus. Le choix du noir et blanc contribue au sentiment de tristesse causé par l’éloignement de la terre natale, de la vie passée et de certaines désillusions.

Marquée par la vie et ne se plaignant jamais, le témoignage de Maria, tout en émotion, nous aide à comprendre, avec les recherches de Rob et sa retranscription très bienveillante, que tout n’est pas tout blanc ou tout noir. Maria nous fait aussi réaliser pourquoi partir est souvent bien plus facile que revenir. Certes Rob n’est pas complètement objectif et on peut trouver à redire sur certains points mais c’est parce que Maria et lui parlent avec leurs cœurs et ça, ça fait du bien.