Lettres mortes

Une jeune femme atteinte d’amnésie comme point de départ pour s’immerger dans une histoire de famille complexe et un brin traumatisante, c’est ce que propose Christian Lallemand dans Lettres mortes, sur fond d’une correspondance entre Jodie et sa grand-mère.

Lettres mortes interpelle par sa couverture teintée de mélancolie et d’inquiétude, tant dans les couleurs, avec la dominante de gris, que dans l’expression du visage de cette jeune femme aux cheveux roux qui semble être en transit entre son passé et son avenir. Une lettre suspendue dans les airs lui apporte certainement des nouvelles inattendues ?

Du traumatisme à la guérison ?

Suite à un accident de voiture, Jodie se retrouve amnésique. Son docteur lui conseille de retourner dans son village natal, auprès de sa grand-mère avec laquelle elle correspondait activement. Malheureusement, celle-ci décède alors qu’elles allaient bientôt se retrouver.

Jodie entreprend tout de même le voyage, et rencontre toute une série de personnages de ce village où tout le monde se connaît. Que ce soit Narcisse, le facteur, qui se présente comme son ami d’enfance, d’anciens voisins de ses parents apparemment au courant de certains faits ou encore un dénommé Victor travaillant au journal du coin, tous apportent des éléments de compréhension à Jodie sur l’histoire de ses parents, mais aussi sur son propre passé.

Quand on finit par apprendre des éléments troublants

Dans Lettres mortes, l’auteur n’hésite pas à faire remonter des éléments troublants. Certains événements, comme la mort des parents de Jodie lors d’un incendie, ne seraient pas tout à fait accidentels.

Au fur et à mesure de l’intrigue, la jeune femme amnésique se retrouve confrontée à une vraie histoire de famille et de voisinage mêlant guerre d’Algérie, jalousie et sentiment de revanche qui ne manqueront pas de l’accabler. Le tout mêlé à une histoire de lettres disparues ! Jodie pourra-t-elle recoller tous les morceaux du puzzle et retrouver la mémoire autant qu’un avenir malgré un passé compliqué ?

Une atmosphère inquiétante grâce au dessin de Tangi

L’histoire est sérieuse et le dessin, par Tangi, se met totalement au service d’une ambiance inquiétante voire tragique. L’ensemble paraît équilibré et posé, sans à -coups, et les personnages ont souvent une expression mesurée. Si les gestes brusques et les débordements d’émotions sont rares, le dessinateur les réservant à certains moments bien choisis, ce sont surtout les traits anguleux des personnages, leur réserve constante et les couleurs plutôt ternes qui rendent le tout alarmant.

Lettres mortes s’apprécie aussi pour la variété de plans plus ou moins rapprochés sur des scènes impliquant plusieurs personnages, des objets intrigants, des éléments de la nature ou des lieux et des pièces plus détaillés dont on profite pleinement de la disposition. Des cases sont plus grisées pour évoquer des souvenirs du passé. Dans d’autres cases, le personnage est à peine visible, à part ses doigts ou sa silhouette, amenant une dose de mystère sur les intentions de celui-ci, …

En somme, cette BD est à la fois très lisible et sophistiquée, avec des spécificités du dessin qui servent les intérêts de l’intrigue, pas forcément drôle, le dessinateur, Tangi, réussissant très bien à amener une atmosphère mystérieuse et un brin inquiétante.

Christian Lallemand et Tangi nous emmènent ainsi dans un récit consistant, non cousu de fil blanc, où les personnages sont particulièrement bien caractérisés et exploités. Bien qu’étiqueté « tous publics », c’est plutôt un public plus adulte qui pourrait y être sensible !

Chronique écrite par Aurélie DORCHY

Informations sur l’album

• Scénario : Christian Lallemand
• Dessin : Tangi
• Couleurs : Tangi
• Éditeur : Éditions du Tiroir
• Date de sortie : 1er septembre 2023
• Pagination : 56 en couleurs

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