L’Art de la guerre – HS de Blake et Mortimer

Deux silhouettes reconnaissables entre mille, un ennemi démoniaque, des menaces sur le monde, des réceptions à l’ambiance guindée et pas un mot plus haut que l’autre quelle que soit la situation. Tout cela ressemble furieusement à un Blake et Mortimer ! Encore que…

Couverture de L'Art de la guerre
Couverture de L’Art de la guerre © L’Art de la guerre – José-Louis Bocquet, Jean-Claude Floc’h et Jean-Luc Fromental – Blake Et Mortimer

C’est à New York que nous retrouvons nos deux compères, tout juste arrivés d’un vol BOAC en provenance du vieux continent. Le capitaine Francis Blake a été choisi pour prononcer un important discours pour la paix à l’ONU, institution nouvellement créée en ce début des années 50, et Mortimer, en vieil ami curieux de découvrir le bâtiment moderne où siègent les Nations Unies, l’accompagne. Mais, comme à l’accoutumée, les ennuis ne vont pas tarder à venir à la rencontre des deux britanniques. En effet, un homme, apparemment amnésique vient d’être arrêté à la section égyptienne du Metropolitan Museum pour avoir gravé le message « Par Horus Demeure », bien connu de Blake et Mortimer tout juste sortis des aventures de la Grande Pyramide et de la Marque Jaune, sur une antiquité. Cet homme sans mémoire est-il bien Olrik ? Quelle menace vient-il encore lancer ? Quel rapport avec la conférence de l’ONU ? Et en quoi l’ouvrage L’art de la guerre, traité de stratégie militaire antique chinois, retrouvé dans la planque de l’amnésique va pouvoir aider Blake et Mortimer à comprendre le drame qui se joue ?

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© L’Art de la guerre – José-Louis Bocquet, Jean-Claude Floc’h et Jean-Luc Fromental – Blake Et Mortimer

Ceci n’est pas une aventure de Blake et Mortimer

Une aventure de Blake et Mortimer ? By Jove ! Hé bien, justement, non ! Même si l’ambiance globale et les personnages sont là, L’art de la guerre n’est pas, que ce soit dans la numérotation de la collection, ou dans la forme et le fond de l’ouvrage, une nouvelle histoire des deux fumeurs de pipe les plus célèbres de la BD. Dans cette aventure écrite par Fromental et Bocquet, on ne retrouve pas d’anglicisme, pas de souterrain, pas d’atmosphère nocturne imbibée de brumes, et très peu de récitatifs ou d’explications scientifiques. Exit donc le cahier des charges imposant le strict respect d’une mythologie jacobsienne au cœur des albums prenant la suite du Maître. L’intrigue de L’art de la guerre ne laisse toutefois pas le lecteur orphelin de certains aspects incontournables de la série qui fête ses 77 ans cette année. On y suit ainsi une histoire de machination avec quelques courses poursuites et, surtout, la traque de l’ennemi numéro 1 de nos deux héros, le tout en plaçant ça et là une ou deux références à des albums cultes.

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© L’Art de la guerre – José-Louis Bocquet, Jean-Claude Floc’h et Jean-Luc Fromental – Blake Et Mortimer

Les 1001 variations de la ligne claire

Si le scénario de l’album pourra surprendre les amateurs de Blake et Mortimer, c’est surtout son dessin qui se différencie fortement des autres opus de la collection. Floc’h y fait le choix assumé du minimalisme et de la simplicité la plus totale. En poussant le principe de la ligne claire à son paroxysme, le dessinateur montre un style le plus épuré possible, utilisant son encrage épais, véritable marque de fabrique depuis ses débuts. On note une absence totale de marque de mouvements, de surprises ou d’onomatopées, façon pour Floc’h de ne pas arrêter l’œil du lecteur et de l’emmener sans heurts de case en case. Comme quoi la « ligne claire » a des ressources inépuisables ! La forme de l’album est aussi totalement surprenante pour un aficionado de Jacobs et de ses suiveurs. Si les Blake et Mortimer classiques sont denses, avec des atmosphères palpables et documentées, ici, les planches sont faites de très peu de cases, ultra aérées avec un minimum de décors et des textes souvent très courts. Les « close up » sur les visages sont récurrents, on peut d’ailleurs souligner leur parfaite ressemblance avec les modèles originaux, notamment Olrik. Les couleurs, réalisées par Marion, la femme de Floc’h sont aussi, comme le dessin, une petite révolution dans le monde codifié des deux personnages. Loin des atmosphères sombres et inquiétantes de Jacobs, elles sont pop, flashy et criardes. Tout en restant « so Bristish », elles jouent clairement la carte du « swinging London » plutôt que celle de Wells et Conan Doyle !

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© L’Art de la guerre – José-Louis Bocquet, Jean-Claude Floc’h et Jean-Luc Fromental – Blake Et Mortimer

L’art de la guerre est donc un album étonnant et inclassable. Ni hommage, ni pastiche, ni copie, il montre une réappropriation des personnages dans un autre univers pas forcément différent tout en restant aux antipodes des canons d’une série entrée dans la légende. Au même titre que Le dernier pharaon de Schuiten, il sera à n’en pas douter l’objet de multiples commentaires et avis. Plutôt que d’entrer dans des polémiques peu constructives, retenons surtout que Blake et Mortimer continuent d’inspirer et restent, presque 80 ans après leur création, des héros qui, d’une façon ou d’une autre, n’ont pas fini de nous étonner !

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© L’Art de la guerre – José-Louis Bocquet, Jean-Claude Floc’h et Jean-Luc Fromental – Blake Et Mortimer

Chronique sur L’Art de la guerre écrite par Mathieu DEPIT

Informations sur l’album L’Art de la guerre

  • Scénario : José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental
  • Dessin : Jean-Claude Floc’h
  • Couleurs : Jean-Claude Floc’h
  • Éditeur : Blake Et Mortimer
  • Date de sortie : 27 octobre 2023
  • Pagination : 128 en couleurs

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© L’Art de la guerre – José-Louis Bocquet, Jean-Claude Floc’h et Jean-Luc Fromental – Blake Et Mortimer