À l’occasion du salon du livre, à Genève, Les Amis de la BD ont eu l’opportunité de réaliser une interview de Clarke, auteur, entres autres, de la mythique Mélusine qui fît les beaux jours du Journal de Spirou. Cette rencontre était également l’occasion d’aborder la genèse de sa dernière série, Urbex.

Photo de Clarke
© Clarke

Les Amis de la BD : Bonjour Clarke, peux-tu nous raconter ta rencontre avec Vincent Dugomier avec qui tu as réalisé ta trilogie Urbex ?

Clarke : Cela fait des années que je connais Vincent, mais nous n’avions pas vraiment travaillé ensemble. Une fois dans les années 90. Nous avions eu trois pages d’essai dans Spirou. C’était des pages qu’on donnait à un dessinateur débutant. Dugo était arrivé chez Dupuis un tout petit peu avant moi. On est resté en contact.

Les Amis de la BD : Et vous avez décidé de travailler sur Urbex bien plus tard…

Clarke : Il y a quelques années, j’ai travaillé sur un triptyque en noir et blanc avec différents scénaristes et publié chez Le Lombard (NDLR : Réalités obliques). Vincent m’a écrit quelques pages et c’est là que nous nous sommes dit que nous voulions bosser ensemble. C’était environ 6 mois avant de débuter le premier Urbex.

Couverture du tome 1 d'Urbex
© Urbex – Clarke et Dugomier – Le Lombard

Les Amis de la BD : Était-ce un univers que tu connaissais ?

Clarke : Cette histoire, c’est vraiment « pile-poil » ce que j’aimais. C’était un costume taillé sur mesure. Plus jeune j’ai pratiqué l’Urbex, la fille de Vincent en avait également fait. Donc, il y avait plein de retour. L’urbex est également dans l’air du temps et Vincent y a apporté une dimension supplémentaire en s’intéressant à la psycho-généalogie.

Les Amis de la BD : De quelle manière travailles-tu avec Vincent ? Comment se déroulent vos échanges ?

Clarke : D’abord, il nous envoie, à moi et à l’éditeur, le synopsis complet de l’album. Il est ensuite sujet à divers remaniements. Ensuite, il m’envoie des « crobards » par lot de 5 pages. Moi, j’ai de la latitude pour travailler mes pages et dès qu’elles sont faites, je les lui transmets. Il est le premier à les voir. Généralement ses intentions sont assez claires avec son premier découpage et moi j’adapte.

Photo de l'interview de Clarke
© Les Amis de la BD

Les Amis de la BD : Est-ce que tu retravailles ce que Vincent te propose ?

Clarke : À ce niveau-là, je travaille à la réécriture des dialogues. Je pense mes personnages à la manière d’un jeu d’acteur. Lorsqu’un comédien reçoit un texte, qu’il trouve que cela ne sonne pas bien, alors il les change. Je fais pareil.

Les Amis de la BD : La trilogie a-t-elle été écrite en une seule fois ?

Clarke : Vincent avait une vague histoire pour les trois albums, mais c’était à peine esquissé. Elle s’est développée au fil du temps.

Les Amis de la BD : Comment a-tu travaillé la recherche des décors ? La ville Pandora existe-t-elle quelque part ?

Clarke : Oui, j’ai effectué des recherches de lieux en me baladant sur un site spécialisé dans l’urbex. Ce qui est pratique avec cette discipline, c’est que les pratiquants font énormément de photos. J’ai donc trouvé un bâtiment qui s’appelle « Le Manoir Colimaçon », dans le nord de la France. Il y a même un site entier qui lui est consacré, c’est un vrai site d’exploration.

Photo de l'interview de Clarke
© Les Amis de la BD

Les Amis de la BD : La Villa Pandora en est-elle une copie ?

Clarke : Uniquement pour l’enveloppe extérieure. Pour le dessin de l’intérieur, je suis plutôt dans l’improvisation. Comme les pièces de la Villa Pandora changent en fonction des émotions des protagonistes, tantôt elles deviennent plus grandes, puis plus petites, je me suis follement amusé. Pour un dessinateur comme moi qui aime jouer avec les perspectives, c’est vraiment chouette !

Les Amis de la BD : Et pour les recherches sur les personnages ?

Clarke : Dans la BD, il y a deux jumelles. Pour leur enfance, j’ai effectué quelques recherches, j’en ai trouvé des particulièrement « creepy ». Pour les représenter adultes, je suis parti de la tête d’une jet-setteuse qui était espionne dans les années 20. En ce qui concerne Alex et Julie, mon fils à trouvé qu’ils ressemblaient à sa sœur et à lui.

Les Amis de la BD : Quelles différences y-a-t-il entre l’univers fantastique d’Urbex et celui Fantasy de Mélusine ?

Clarke : Dans Mélusine, il y avait nettement plus de fantaisie justement, mais le traitement restait le même, avec des pages parfois effrayantes.

Photo de l'interview de Clarke
Photo réalisée avant l’interview de Clarke © Les Amis de la BD

Les Amis de la BD : Est-ce compliqué de passer d’un personnage aussi emblématique que Mélusine à d’autres univers ?

Clarke : Non en fait, j’ai fait suffisamment de truc à côté pour ne pas souffrir d’un manque. Lorsqu’il a été décidé que la série s’arrêterait, Dupuis m’a laissé faire une fin qui me plaisait. J’ai pu réaliser trois albums supplémentaires et ainsi terminer la série correctement, dans le respect des lecteurs.

Les Amis de la BD : Pourtant, les histoires de sorcières reviennent à la mode, pas de regret ?

Clarke : C’était tout de même à la mode du temps de Mélusine aussi. Il y a beaucoup de copie de la série qui sont arrivées. C’était parfois amusant, d’autres fois, irritant. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le même genre de langage.

Les Amis de la BD : Comment avais-tu débuté avec François Gilson ?

Clarke : À l’époque, j’ai débarqué chez Dupuis avec un moulin hanté et une histoire avec des vampires et des fantômes… Autour d’un prêtre qui cherchait à exorciser l’ensemble ! François était également à la rédaction et on m’a demandé de discuter avec lui afin de voir s’il y avait matière à développer cet univers. De là, est arrivée Mélusine.

Couverture du dernier tome de Mélusine
© Mélusine – Clarke – Dupuis

Les Amis de la BD : Qu’est-ce qui a motivé l’arrêt de la série ?

Clarke : Quand le catalogue d’une série devient trop grand, l’éditeur arrête car le stockage devient trop cher. Avec un nombre trop importants d’albums, lorsqu’il faut faire des réassorts, la série doit être disponible dans sa totalité. Mais il faut stocker beaucoup… Ou alors vendre énormément !

Les Amis de la BD : Aujourd’hui, on te demande encore des dédicaces avec notre sorcière préférée ?

Clarke :Il y a encore 2 ou 3 ans oui. Maintenant, ça commence à se tasser.

Les Amis de la BD : J’aimerai que tu me parles d’un ovni : Durant les travaux, l’exposition continue… C’était délicieusement absurde !

Clarke : C’est une série qu’on avait faite avec Midam. Gilson n’était pas toujours très rapide, donc je m’ennuyais un peu. Midam m’avait montré des pages qu’il avait réalisées pour un magazine lié à la finance, le genre de truc un peu pompant. Le lendemain, je lui envoie quelques pages que j’ai faites. Nous nous amusons tellement, que nous transmettons un dossier chez Dupuis en se disant qu’ils ne vont rien en faire… La réponse est immédiate… et c’est un grand oui !

Couverture du tome 1 de Durant les travaux, l'exposition continue
© Durant les travaux, l’exposition continue – Clarke et Midam – Dupuis

Les Amis de la BD : La série a connu quelques albums et à surtout a été rééditée sous le nom d’Histoire à Lunettes…

Clarke : Moi, j’avais du temps pour dessiner et faire les scénarios. Midam un peu moins. Au fur et à mesure, j’ai continué tout seul. Là aussi, il était important d’aller au bout de cette série, notamment pour la réédition. J’ai adoré la publication de ces petits formats qui reprenait les histoires.

Les Amis de la BD : Quels sont tes prochains projets ?

Clarke : Actuellement, je travaille sur un projet pour Delcourt, et un autre pour le Lombard

Les Amis de la BD : Rien pour Spirou ?

Clarke : La rédaction m’appelle de temps en temps pour me demander une histoire sur un thème particulier mais ce sont des petits trucs.

Les Amis de la BD : Clarke, un grand merci pour le temps que tu nous a consacré et bonne suite de salon.

Dédicace lors de l'interview de Clarke
Dédicace réalisée durant l’interview de Clarke © Les Amis de la BD

Propos recueillis par Bruce RENNES

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En complément de l’interview de Clarke, vous pouvez lire notre chronique du tome 3 de la série Urbex.