Alors, tout tombe - T7 de Blacksad - Chronique des Amis de la BD

Amateurs de films noirs des années 50, réjouissez-vous : entre Scorcese et Fritz Lang, voilà la nouvelle cuvée de notre détective félin favori, John Blacksad, qui boucle pour la première fois une enquête hollywoodienne en deux tomes. Díaz Canales et Guarnido maîtrisent leur sujet et n’épargnent aux lecteurs aucune des facettes, si sordides soient-elles, du New York de l’après-guerre.

Couverture de l'album Alors, tout tombe — Couverture de l’album Alors, tout tombe © Blacksad – Juan Díaz Canalès et Juanjo Guarnido – Dargaud

Un “maître bâtisseur”, Lewis Solomon, architecte mégalomane dans les petits papiers du maire de New York, élabore un plan de circulation révolutionnaire où les transports en commun n’ont plus leur place. Il rencontre l’opposition des syndicats du métro, dont les présidents successifs sont éliminés par un tueur à gage. La veuve de l’un d’eux, la comédienne Iris Allen, met toute son énergie à la construction d’un théâtre de verdure sur un grand espace naturel de New York. Elle décède elle aussi brutalement… Mais Weekly, le journaliste qui s’est retrouvé mêlé à l’affaire alors qu’il faisait un reportage sur Solomon, se retrouve parmi les suspects de cet assassinat.

Planche 1 de l'album Alors, tout tombe — © Blacksad – Juan Díaz Canalès et Juanjo Guarnido – Dargaud

C’est là que la deuxième partie débute : Blacksad doit continuer son investigation sur la mort des syndicalistes, composer avec le retour opportun d’Alma, son ancienne flamme, et disculper Weekly. Tout semble tourner autour d’un énigmatique goéland, Shelby, âme damnée de Solomon. Blacksad se doute bien que le volatile ne joue pas les porte-flingues gratuitement…

Planche 2 de l'album Alors, tout tombe — © Blacksad – Juan Díaz Canalès et Juanjo Guarnido – Dargaud

Pour la première fois depuis l’an 2000, année de l’apparition sensationnelle de cette série policière anthropomorphique devenue un classique, Juan Díaz Canales élabore une histoire en deux parties, complexe, noire, impitoyable dans le New York des années 50. Voulant toujours donner à sa série le ton des films noirs de la grande époque avec ce qu’il faut d’eau de rose en arrière plan, Díaz Canales n’oublie aucune facette du genre : problèmes sociaux, magouilles politiques, corruption, conflits d’intérêts, chantage… au risque parfois de paumer ses lecteurs entre multiples personnages et intrigues enchevêtrées. Endurance et esprit clair sont donc des prérequis pour tirer tout le sel de cette aventure zoologique au demeurant passionnante, parfois poignante, telle un témoignage de ce que l’époque recelait de meilleur et de pire.

Planche 3 de l'album Alors, tout tombe — © Blacksad – Juan Díaz Canalès et Juanjo Guarnido – Dargaud

Ancien animateur des studios Disney de Montreuil, l’andalou Juanjo Guarnido profite de son expérience aux grandes oreilles pour, d’une part, donner à ses animaux un talent d’acteurs impressionnant, et d’autre part insuffler à ses planches le mouvement et le dynamisme nécessaires à une grande saga d’action. Le résultat est toujours à la hauteur des espérances, magnifié par des couleurs directes de toute beauté.

Planche 4 de l'album Alors, tout tombe — © Blacksad – Juan Díaz Canalès et Juanjo Guarnido – Dargaud

Chaque nouvelle sortie de ce polar incontournable est d’autant plus événementielle qu’elle se fait attendre (8 ans entre le 5 et le 6). Il s’agissait de ne pas se louper… Ce retour aux sources new-yorkaises du personnage, qui, de l’aveu des auteurs, s’était un peu dispersé hors de son habitat naturel dans les albums précédents, est signe d’un nouvel élan pour une série qu’on voit bien partie pour 20 ans de plus.