Jusqu’au bout du monde – T3 de Mademoiselle J.

L’oncle Paul est de retour pour nous conter le T3 de Mademoiselle J., nom de plume de Juliette de Sainteloi, intrépide reporter. Cette fois, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, elle part au secours de son amie Léa dans les confins de la grande URSS. Dans ce troisième opus, Verron et Sente ne ménagent pas la jeune femme qui se confronte aux récits de la folie nazie.

Couverture du T3 de Mademoiselle J
Couverture du T3 de Mademoiselle J. © Mademoiselle J. – Yves Sente et Laurent Verron – Dupuis

Fille de bonne famille, héritière du fortuné Henri de Sainteloi, grand patron de la Compagnie Générale Transatlantique mort tragiquement dans le tome 2 Je ne me marierai jamais, les aventures de Juliette, qui signe ses reportages sous le pseudonyme Mademoiselle J., sont narrées par le célèbre Oncle Paul. Celui-là même qui connut une belle popularité dans le Journal de Spirou par sa capacité à expliquer des faits historiques aux jeunes lecteurs et lectrices des années cinquante à soixante-dix.

Dans ce troisième volet, l’oncle Paul revient ainsi sur les aventures de la jeune journaliste partie en 1945 au secours de son amie Léa, arrêtée trois ans plus tôt par la gestapo parisienne puis déportée vers le terrible camp d’Auschwitz. La tâche est ardue pour Mademoiselle J. Dès la fin de la guerre, elle a enquêté pour retrouver son amie. Mais les récits qu’elle entend font froid dans le dos : elle y apprend l’existence des chambres à gaz et l’extermination massive des juifs. Portée par la mémoire de Ptirou, elle décide d’entreprendre un voyage dans les confins de l’URSS pour tenter de retrouver Léa. Intéressé par son projet de voyage et par un reportage sur les survivants des camps de concentration, le journal Le Figaro l’engage et finance le périple.

Page 3 du T3 de Mademoiselle J
© Mademoiselle J. – Yves Sente et Laurent Verron – Dupuis

De Jeannette à Juliette ou inversement

Parmi les femmes journaliste intrépides, les lectrices et les lecteurs du journal de Spirou connaissaient déjà Seccotine, mais également la célèbre Jeannette Pointu. Si Mademoiselle J. est la dernière arrivée du trio, Yves Sente place son héroïne un peu plus haut dans la frise chronologique ; ce qui lui permet de raconter par le truchement des aventures de Juliette de Sainteloi et de sa famille quelques faits marquants de l’histoire mondiale, de la Grande Dépression à la montée au pouvoir des nazis et aux horreurs de la Seconde Guerre mondiale.

Le scénario de Sente ne révèle pas de nouveautés sur les tragédies de 39-45. En revanche, il dévoile l’impact de la collaboration, de la vengeance et d’autres perfidies de cette période sur la vie de nombreuses familles. Il mêle également à tout cela une épopée passionnante, celle de Juliette qui parcourt l’URSS pour retrouver son amie. C’est l’aventure avec un grand A qui nous amène effectivement Jusqu’au bout du monde, avec très peu de temps morts. Notre héroïne qui, par ailleurs, souffre d’insuffisance cardiaque, marche sur les traces de Nelly Bly, considérée comme la première femme reporter de guerre au début du XXe siècle.

Page 4 du T3 de Mademoiselle J
© Mademoiselle J. – Yves Sente et Laurent Verron – Dupuis

Un récit aux milles teintes

Au dessin, Laurent Verron s’est sans doute offert une sacré bouffée d’oxygène en sortant du giron Boule et Bill. Toutefois, chaque épisode de Mademoiselle J. reste un défi permanent puisqu’il se déroule plusieurs années entre chacune des aventures de la journaliste. En 1929 pour le tome 1, 1938 pour le deuxième et le tome 3 s’achève en 1945. Au fil des albums, Juliette passe d’apprentie journaliste à Grand reporter expérimentée. Ainsi, outre son évolution intellectuelle, Verron doit s’attacher à faire vieillir son héroïne d’une histoire à l’autre. Ce n’est pas une mince affaire, mais c’est très réussi !

Page 5 du T3 de Mademoiselle J
© Mademoiselle J. – Yves Sente et Laurent Verron – Dupuis

Le découpage de l’histoire et des planches reste plutôt classique malgré un récit et des dialogues plutôt denses qui ne laissent aucun répit dans la lecture de cette aventure. On relèvera le degré de détail de chaque scène, de chaque case – l’appareil de Juliette qui traine au sol lors de son interrogatoire musclé par la gestapo – avec une mention toute particulière pour la représentation des magnifiques véhicules Citroën des années 40. En Outre, Verron nous dépeint avec précision le haut degré d’horreur vécu par les survivants des camps de concentration. Cela passe notamment par ces regards effrayés plutôt angoissants. On y discerne l’indicible dans leurs yeux.

Page 6 de Jusqu'au bout du monde
© Mademoiselle J. – Yves Sente et Laurent Verron – Dupuis

Entre les pages noir et blanc, tirant légèrement sur le cyan des scènes avec l’oncle Paul, la teinte pourpre des scènes où apparait Ptirou et les dizaines d’ambiances différentes qui parsèment le récit, Isabelle Rabarrot s’est appliquée à réaliser une mise en couleur compliquée qui sert parfaitement à l’histoire, avec quelques séquences vraiment remarquables : les pyjamas rayés bleus des survivants de l’holocauste qui tranchent avec les costumes plus sombres des badauds venus les accueillir. Entre les deux, et bien souvent tout au long de l’histoire, Mademoiselle J. se distingue par la couleur de ses vêtements qui focalise toute notre attention sur la journaliste. On remarquera, sur la couverture de l’album, la parka et la chapka immaculées de Juliette qui lui donnent un petit côté chevalier blanc en parfaite adéquation avec sa personnalité.

Ce troisième opus de Mademoiselle J. en appelle bien évidemment d’autres. On se réjouira de poursuivre notre découverte des événements marquants du XXe siècle en compagnie de cette journaliste brillante et talentueuse qui, malgré ses soucis de santé, marque de son empreinte, album après album, la véritable bande dessinée d’aventure.

Page 7 de Jusqu'au bout du monde
© Mademoiselle J. – Yves Sente et Laurent Verron – Dupuis

Chronique écrite par Bruce RENNES

Informations sur le T3 de Mademoiselle J

  • Scénario : Yves Sente
  • Dessin : Laurent Verron
  • Couleurs : Isabelle Rabarot
  • Éditeur : Dupuis « Grand public »
  • Date de sortie : 17 novembre 2023
  • Pagination : 62 en couleurs

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