T2 de La Bête
Les éditions Dupuis poursuivent leur exploration des grands mythes revisités. Frank Pé et Zidrou sont déjà rompus à l’exercice, ayant précédemment collaboré sur la très belle Lumière de Bornéo, un « Spirou vu par » qui a marqué l’année 2016. Véritable exercice de style pour les deux comparses, cette histoire sombre et (relativement) réaliste du Marsu victime du trafic d’animaux exotiques est donc sur le point de connaître sa conclusion.
L’évasion de ce singe jaune tacheté à queue interminable d’un bateau glauque de trafiquants et recueilli par un petit garçon bruxellois avait, dans le tome 1, tôt fait de fasciner et d’attirer la convoitise de scientifiques qui voient en lui un pourvoyeur de gloire. Le petit héros, Franz (François), est bien décidé à ne pas laisser son nouvel ami moisir en tant qu’attraction star du musée d’histoire naturelle d’Anvers. Le tome 2 s’ouvre donc sur une double poursuite : Franz bien décidé à libérer « Lange Staart » (Longue Queue), et le cryptozoologue Sneutvelmans prêt à toutes les astuces pour remettre la main sur son sésame vers les Unes des magazines.
Bruxelles d’après-guerre
Le contexte de la Belgique post-seconde guerre mondiale, intrigues amoureuses binationales comprises, est d’autant plus pertinent qu’André Franquin a créé cet animal fantastique en 1952. La reconstitution de ce Bruxelles poussiéreux en pleine reconstruction est dans la droite lignée de ce que nous a présenté Frank Pé dans le tome 1, une nouvelle fois magnifiée par un beau papier granuleux et de très belle tenue à la teinte naturellement écrue. Nul n’est besoin de faire l’éloge de la maestria du dessin de Frank, qui enchante les lecteurs de Spirou depuis le début des années 90 et son incontournable Broussaille.
Une histoire simple et complexe à la fois
Zidrou, de son côté, se fait un plaisir de sauter du coq à l’âne tout au long d’une large première partie, nous invitant à suivre de front trois intrigues : le périple de Franz d’une part ; la quête du zoologiste d’autre part ; et enfin celle de Jeanne, la maman de François, qui, en compagnie de M. Boniface, instituteur à la bouille bien connue des amateurs, essaye tant bien que mal de composer entre tout cela. Il faut bien deux tiers d’ouvrage pour que ces 3 histoires, comme on peut s’y attendre, se rejoignent en un final poignant et mélancolique. C’est donc sur ces deux premiers tiers que la lecture s’avère moins fluide et plus laborieuse, et que l’on relèvera même quelques grosses ficelles et erreurs de dialogues. Le plaisir n’en est heureusement atténué que temporairement.
Un très gros cran au-dessus de la tentative de Flix sur le même personnage, La Bête se range sans peine dans les très belles reprises des mythes made in Dupuis. Au scénario audacieux et impitoyable par un des tout grands conteurs d’histoires contemporains, et au dessin de toute beauté par un maître au talent indiscuté, s’ajoute la réalisation soignée (malgré un pelliculage de couverture très fragile) qui en fait de surcroît un bel objet de collection que les amateurs rangeront fièrement dans leur bibliothèque.
Chronique du T2 de La Bête écrite par Philippe BARRE
Informations sur le T2 de La Bête
- Scénario : Zidrou
- Dessin : Frank Pé
- Couleurs : Elvire De Cock
- Éditeur : Dupuis « Grand public »
- Date de sortie : 13 octobre 2023
- Pagination : 208 en couleurs
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