Passion – T1 d’Henri Vaillant

A la création de la série Michel Vaillant, que ce soit dans les histoires courtes « Bon sang ne peut mentir » ou « La vingt quatrième heure » ou bien dans la première aventure « Le grand défi », la marque Vaillante figure déjà au panthéon de l’industrie automobile et le clan Vaillant prospère et bien établi en région parisienne. Mais comment en est-on arrivé là ? Quelle est l’histoire de son créateur Henri Vaillant qu’on ne connaît que dans la force de l’âge ? Ce T1 d’Henri Vaillant, premier d’une trilogie qui lui est consacrée a pour objectif de lever le voile sur les origines de l’entreprise Vaillant.

Le lecteur assidu de la « première saison » de Michel Vaillant ne possède que quelques minces éléments concernant le passé d’Henri. Celui-ci, lors de la soirée d’annonce du mariage de Michel et Françoise relaté dans l’album « Des filles et des moteurs », partage, le temps de quelques cases le souvenir de sa première course au Mans au hasard d’une rencontre avec celle qui fut sa coéquipière. Si l’album « Passion » reprend cette péripétie, il nous livre bien d’autres clés pour comprendre comment Vaillante est devenue une firme puissante et respectée. On y suit donc Henri Vaillant, modeste breton fan absolu d’automobile lorsque, adolescent des années 30, il quitte sa région pour partir à l’aventure en Alsace rejoindre la firme Bugatti. Dès lors, la providence ne va cesser d’accompagner le personnage. Celui-ci, par un travail acharné va gravir tous les échelons et profiter des surprises du destin pour bâtir son empire ainsi qu’une des plus belles épopées de la bande dessinée. De bureaux d’étude en garages huileux, au gré des belles rencontres et des péripéties de la vie, plus rien ou presque ne semble pouvoir arrêter Henri Vaillant. Celui-ci, s’accrochant à sa bonne étoile, ne peut cependant résister aux soubresauts de la grande Histoire.

Si Henri Vaillant avait déjà été l’acteur principal d’une aventure de Michel Vaillant – « Irish Coffee », le lecteur n’avait jamais eu pour habitude que de voir ce personnage en second plan, agir en capitaine d’industrie, en homme mûr partageant son expérience ou bien en vieil homme sûr de lui piquant des colères homériques. Dans « Passion », on le suit dans sa jeunesse et le scénario de Marc Bourgne (par ailleurs dessinateur de la série mère « Michel Vaillant ») plante avec habileté les traits de caractère et la détermination d’un homme qui sait ce qu’il veut. Il n’oublie pas de faire de multiples clins d’œil à la fois à Jean Graton, créateur de la série (Henri Vaillant serait breton, comme lui), ainsi qu’à son œuvre. On découvre comment Henri a rencontré son cercle proche et aussi et surtout Elisabeth, sa femme et donc, la mère de Michel. Le scénario reprend tous les éléments d’une saga, entre personnages ambitieux voulant marquer son époque, intrigues amoureuses et l’Histoire en marche qui contrarie les plans, et reste tout à fait fidèle à l’univers de la série, à la fois dans son esprit et dans sa forme.

Le dessin de Claudio Stassi est parfaitement adapté à l’histoire et permet de lui donner encore plus de force et de contexte. Le lavis de l’artiste permet de différentier l’histoire – lointaine – d’Henri de celle de Michel dans la série principale et invite le lecteur à s’y intégrer, comme s’il partageait les souvenirs du personnage. Le ressenti n’en est que plus intense et, comme dans un vieux film de Duvivier, on ressent une nostalgie étrange et prenante à mesure que l’intrigue se déroule.

Les éditions Graton ont décidé de faire de ce tome un objet de luxe, puisqu’il est disponible sous un format « box » numéroté de 1 à 4000. L’éditeur a joué le jeu jusqu’au bout en plaçant dans le coffret, outre la BD, une reproduction de planche, des « photos de famille » des Vaillant, le dessin technique de la première Vaillante, un dessin d’enfant de Jean-Pierre, futur créateur des bolides que pilotera son frère Michel, ainsi que la reproduction d’un journal daté de 1939 relatant les exploits d’Henri au Mans.

« Passion » permet donc de comprendre comment tout a commencé. L’album, à suivre, donne à chaque amateur de l’épopée de Michel Vaillant une irrépressible envie de s’y replonger, comme si ce coffret était une mystérieuse boite poussant le fan à tourner encore et encore les pages de toutes ces BD qui l’ont fait rêver.