La Fin des cauchemars – T3 d’Urbex
Tout est dans le titre de l’ultime épisode de la série fantastique Urbex menée tambour battant par le duo Clarke et Dugomier. En toile de fond, cette trilogie s’intéresse à la psychogénéalogie… ou lorsque l’histoire familiale est la clé du mal-être des générations du présent.

Alex et Julie sont des adolescents passionnés d’urbex. Une discipline urbaine qui consiste en la visite, l’exploration même, de lieux construits et abandonnés. La découverte de la villa Pandora emmène les deux jeunes dans des tourments dont les fondements se retrouvent dans l’histoire familiale de chacun d’entre eux. La mystérieuse bâtisse est bien curieuse. Bien que détruite il y fort longtemps dans la réalité, elle réapparait la nuit au moment des déambulations nocturnes des deux lycéens.
Dans les explorations précédentes du deuxième album, Julie était confrontée à de mystérieuses douleurs fantômes. Dans ce nouvel opus, c’est au tour d’Alex d’être livré à des hallucinations terribles qui le poursuivent quasiment chaque nuit. Ces cauchemars le font vivre dans un monde encombré de sépultures. Quel est le lien entre les deux événements ?
« Tu crois qu’on refera un jour de l’urbex par plaisir et pas par nécessité ? » Alex est inquiet. Chaque nouvelle visite de la villa Pandora est l’occasion, un peu glauque, d’assister à des fragments d’histoire du passé de mystérieux protagonistes : un conflit permanent et régulier entre deux jumelles jusqu’au décès de l’une d’elle ou encore l’annonce du décès d’un fils à un père déconfit. C’est une évidence, le bâtiment, fruit inconscient d’un passé commun entre les deux ados, dissimule de bien curieux secrets qui influent sur leur vie familiale respective actuelle.

La fin des cauchemars de Julie et Alex
À la manette de cette série, Vincent Dugomier nous avait déjà démontré son goût pour le récit fantastique avec Les Démons d’Alexia qui relate les aventures d’une jeune exorciste engagée par le CRPS (Centre de Recherche des Phénomènes Surnaturels). Avec Urbex, l’exploration urbaine est le prétexte bien trouvé – à l’aide d’une discipline assez méconnue – pour plonger dans les secrets de la psychogénéalogie. Les traumatismes non traités d’un arrière-grand-père ou d’une arrière-grand-mère par exemple se transmettent de génération en génération. Les arrière-petits-enfants n’ayant généralement pas conscience de la raison du mal qui les ronge. Seule la reconstitution de l’histoire familiale et l’émergence d’un lourd secret peuvent aider à s’en sortir.
Au fur et à mesure de la trilogie, Vincent Dugomier remet ainsi en place les pièces manquantes des récits familiaux d’Alex et de Julie. La villa Pandora agissant comme un révélateur d’indices utiles aux deux adolescents pour découvrir que le comportement d’une ancêtre commune agit comme un poids abscons sur le comportement des différents membres de leur famille.
En outre, et dans une seconde lecture, le scénariste rajoute quelques problématiques supplémentaires liées à tous les adolescents : la recherche à tout prix de la popularité, la découverte de la sexualité et même de ses préférences sexuelles. Des thèmes qui ancrent le récit dans la réalité le jour avant de basculer dans le fantastique la nuit lors des scènes d’urbex.

Un découpage aéré et lisible
Le « coup de crayon » de Clarke, mythique auteur de Mélusine, est reconnaissable. Un dessin humoristique qui oblique vers une sorte de réalisme qui lui est propre. Jamais de gros nez, des personnages aux traits fins qui collent bien à la dimension fantastique de l’histoire. En approfondissant tout cela, on n’est jamais bien loin des expressions et du physique des personnages de la série de notre rouquine de sorcière.
Comme à son habitude, Clarke ne s’encombre de détail dans l’expression des visages lors de scènes éloignées. Ici, nul besoin de dessiner les yeux ou le visage des protagonistes. En outre, l’espèce d’impassibilité troublante de certains personnages rappelle qu’on est bien dans l’univers du dessinateur de Durant les travaux, l’exposition continue.

Le découpage de l’histoire est aéré, ce qui facilite la compréhension et la lisibilité du récit malgré la présence de nombreux dialogues. Une compréhension des séquences bien aidée par les couleurs de MiKl qui identifient les différents univers qui se côtoient dans l’album : la prédominance de jaune dans les cauchemars d’Alex ou le violet qui distingue les moments d’apparition des scènes du passé qui se jouent dans la villa Pandora, celles qui font progresser le récit. D’ailleurs, on remarque que certaine de ces scènes bénéficient d’un jeu de lumière particulier, à la manière d’un projecteur qui éclaire une seule zone d’une pièce de théâtre afin de mettre en valeur le ou les acteurs en cours de représentation.
Avec son étrange couverture renversée, La fin des cauchemars, tome 3 de la trilogie d’Urbex, tient la promesse imprimée sur l’autocollant apposé sur la couverture de l’album « L’ultime secret révélé ! » On est bien dans une série fantastique qui, si elle flirte parfois avec l’horreur, n’en reste pas moins une histoire plaisante, accessible, mais à restreindre aux adultes et aux adolescents.
Chronique écrite par Bruce RENNES
Informations sur l’album La Fin des cauchemars
- Scénario : Dugomier
- Dessin : Clarke
- Couleurs : MiKl
- Éditeur : Le Lombard
- Date de sortie : 22 septembre 2023
- Pagination : 56 en couleurs