Intégrale 3 de Boule et Bill

Un gentil garçon vivant avec ses parents dans un joli pavillon d’une banlieue de petite ville ; les jeux, les copains, les vacances ; les voyages dans une mignonne 2 CV rouge ; le tout accompagné par un chien roux, marrant, philosophe, facétieux, roublard et attachant. On a reconnu les ultra célèbres Boule et Bill, véritables institutions de la bande dessinée. Avec cette 3ème intégrale, on continue d’explorer l’histoire des deux personnages à une époque charnière pour le monde et pour la BD.

Couverture de l'Intégrale 3 de Boule et Bill — Couverture de l’Intégrale 3 de Boule et Bill © Boule et Bill – Jean Roba – Dupuis

Monsieur Dupuis n’a pas eu le nez creux en lançant à Jean Roba qu’il ne dépasserait pas les 50 gags de Boule et Bill… Non seulement l’auteur en a réalisé plus de 1000, mais la série est devenue, depuis ses débuts en 1959, tellement incontournable que même ceux qui n’en ont jamais lu une page la connaissent. Tout cela grâce au courage, à l’abnégation et à la volonté de son auteur, Roba, qui a très bien su mener ses héros vers le chemin du succès. A la fin des années 60, ce succès se renforce au point que la série devient un incontournable.

Page 1 de l'Intégrale 3 de Boule et Bill — © Boule et Bill – Jean Roba – Dupuis

La nouvelle vague et un changement dans l’univers de la BD

Roba a su imposer à l’éditeur du Journal de Spirou le concept de gag en une page, influencé par les « family strip » américain, qu’il s’est approprié. Racontant de petites histoires tour à tour drôles, émouvantes et gentillettes, le dessinateur se crée une place dans le cœur des lecteurs qui se retrouvent dans les personnages et l’univers de la série et, partant, dans les priorités de la firme de Marcinelle. Mais, en cette fin des années 60, comment faire perdurer le succès alors que le monde gronde et que la révolte qui arrive n’épargne pas le monde de la BD ? Dans son dossier introductif à l’intégrale, Christelle Pissavy-Yvernault l’explique parfaitement. Comme toujours, ce dossier est passionnant et l’auteure donne toutes les clés pour comprendre l’époque et la progression de Roba et de sa série. Alors que mai 1968 éclate et que la BD acquiert un nouveau statut en s’ouvrant au monde adulte, Boule et Bill pose, par petites touches, un certain modernisme sans se renier. Grâce à l’inventif Delporte, Roba utilise un nouveau format créé par Dupuis, les histoires illustrées de la « Collection du Carrousel » et une rubrique éditoriale du journal de Spirou, « L’avis de Chien de Bill », pour donner un nouveau ton à ses personnages. Racontées par Bill, ces aventures ironiques et pleines d’un humour caustique égratignent gentiment les voitures polluantes, les chasseurs ou bien encore la classe moyenne ronronnante, sans toutefois sortir du cadre familial et sympathique de la série. Aussi, dans les gags invariablement présents toutes les semaines dans Spirou, Roba apporte quelques nouveautés rafraîchissantes lui permettant de se renouveler en douceur, comme l’apparition de la tortue Caroline, bientôt grand amour de Bill, ce cocker décidément plein de suites dans les idées !

Page 5 de l'Intégrale 3 de Boule et Bill — © Boule et Bill – Jean Roba – Dupuis

Une série star dans un journal en pleine mutation

Alors que la tempête a éclaté au sein du journal Pilote, où certains auteurs ont organisé un procès contre leur rédacteur en chef Goscinny, le forçant à moderniser l’hebdomadaire et à lui donner un contenu plus adulte, chez Spirou, il n’en est pas de même. Delporte, insaisissable rédacteur en chef bourré de talent et d’idées, est licencié par Dupuis, peu ouvert à sa fantaisie qui colle pourtant parfaitement à l’époque. Roba, s’il est affecté par ce renvoi sonnant la fin des belles années de Spirou, trouve un autre collaborateur pour Boule et Bill en la personne de Degotte, dont le talent n’est pas reconnu à sa juste valeur par Dupuis. Les histoires qu’il écrit pour Roba sont plus enfantines que celles de Delporte, mais le succès de Boule et Bill ne se dément pas et le fameux « Référendum du journal Spirou » sacre la série. Joli retournement de situation quand on sait les difficultés que Roba a connues lorsqu’il a voulu la proposer à l’éditeur. Dix ans après son lancement, le style du dessinateur est affirmé, changé par rapport à ses débuts où l’influence de Franquin était prépondérante. Roba est devenu en une décennie un auteur clé de Spirou, et constitue avec Franquin, Peyo et Morris le « Fab Four » de Marcinelle. En cette fin des années 60, même s’il est conscient des changements sociétaux, il continue à exploiter sa série sur la voie qu’il a choisie : celle de l’enfance, de l’amitié, vu par un chien malin et attachant, loin de la violence et du soubresaut du monde des adultes.

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Le lecteur trouvera ainsi dans cette intégrale des gags sans doute déjà connus, mais qu’il aimera relire. Tous les marronniers de l’univers de Roba sont là : le bain impossible du chien, les jeux de Boule, la malchance du père ou bien encore les repas parfois difficiles de la famille, rythmés par un cocker bien gourmand. Le volume, et c’est sa richesse, propose aussi les méconnus « Avis de chien de Bill » et les histoires courtes de la « collection du Carrousel » montrant le talent d’illustrateur de Roba. Mais surtout, dans un dossier passionnant, Christelle Pissavy-Yvernault nous raconte les dessous d’une série chérie par ses lecteurs et les enjeux d’une époque étonnante. Plus que jamais en tournant les pages de ce volume, on sent que Boule et Bill, c’est la vie.