En direct des histoires d’hier – 7e épisode – T1 de Paul Foran

« Chantage à la Terre » est le premier album de la série Paul Foran. Publié en 1976, ce titre reprend une histoire parue dans Spirou en 1969. La collection narre les aventures assez rocambolesques de son héros au physique sportif  – Paul Foran donc – confronté à toutes sortes d’évènements bizarres ayant tous un lien avec le fantastique, ce qui l’amène à régulièrement sauver le monde de menaces souvent surnaturelles. C’est d’ailleurs exactement l’intrigue de ce 1er tome où Paul, invité à un congrès de géophysique en Allemagne va croiser la route de B. Radesky, bien étrange personnage dont la double identité d’homme-robot s’est révélée lorsqu’un puissant éclair orageux lui a déréglé le circuit interne… L’assignation de Radesky à l’hôpital par Foran et les médecins déclenche la colère de ses comparses venus d’un autre monde qui menacent de retirer la lumière à la Terre si l’homme-robot ne leur est pas rendu dans les 15 jours. Le lieu convenu pour restituer Radesky est un endroit désert du Tibet, et Foran est évidemment de la partie.

Couverture de l'album Chantage à la Terre de Paul Foran
© Paul Foran – Gil et Montero – Dupuis

Intrigue incroyable, frissons venus d’ailleurs et cliché de surnaturel, rien n’est de trop pour le scénariste José Larraz qui publie la série sous le pseudo de « Gil », accompagné ici du dessinateur Montero. Le cahier des charges surprenant de la collection, emplie de SF, d’aliens ou de fantastique horrifique à l’heure où notre « Journal de Spirou » publiait principalement des séries humoristiques ou d’aventures classiques portées par des héros courageux tout en gardant une excellente qualité, détonnait un peu. De fait, si la série compte un petit groupe de fans enthousiastes et nostalgiques d’une période où elle cassait un peu les codes, force est de constater que cette collection est aujourd’hui un peu oubliée du grand public et des archivistes de Spirou. Elle n’a en effet pas véritablement marqué son époque ni toujours vieilli de façon harmonieuse.

Planche 3 de l'album Chantage à la Terre de Paul Foran
© Paul Foran – Gil et Montero – Dupuis

Cet épisode de Paul Foran montre en effet, outre son histoire un peu grand-guignolesque, des éléments de langage et de situation qui sont purement de leur temps, pourtant pas si éloignés. Ainsi, à l’heure des débats sur la parité, il parait aujourd’hui un peu incroyable que quasiment aucune femme ne prenne part à l’action de cette BD. Pire ! Les deux seules rares présences non masculines ne sont pas exemptes de clichés puisqu’on y voit l’espace de quelques cases une infirmière (qui va se faire très rapidement agresser), et une certaine Nicole que l’on devine fiancée au héros. Celui-ci n’hésitera d’ailleurs pas, à l’heure de prendre son vol pour sauver le monde d’une menace extra-terrestre, à l’appeler « Petite » (sans vouloir faire d’humour) comme il se doit lorsqu’on est un boy-scout baraqué. Aussi, autre petit détail montrant une certaine époque un peu ancienne, le scénariste écrit « Thibet » (avec un « h »), ce qui est l’orthographe de cette région asiatique communément utilisée jusqu’aux années 50… Cependant, en lieu et place de nostalgie, on pourrait presque penser à une vague confusion tant la série a suscité une certaine controverse en son temps. Le scénariste Larraz – déjà connu dans Spirou pour les furtifs « Christian Vanel » et « Michaël » se verra en effet publiquement accusé par Jordi, dessinateur ayant pris la relève de Montero sur Paul Foran dès 1970, de n’avoir carrément pas écrit les scénarios de la série. Loin de ces polémiques, notons tout de même un certain manque de rigueur de la collection quand on s’aperçoit que, selon les épisodes, le héros n’a pas le même métier et est tour à tour physicien, laborantin, archéologue ou homme d’action…

Planche 4 de l'album Chantage à la Terre de Paul Foran
© Paul Foran – Gil et Montero – Dupuis

« Paul Foran » est donc, sans jeu de mots, un OVNI dans le paysage un peu aseptisé du Spirou des 60s / 70s. Si certains lecteurs s’en souviennent avec une belle émotion, justement par son aspect détonant, la série reste assez curieuse et non exempte de défauts. Elle reste toutefois intéressante notamment si on l’aborde avec l’œil du collectionneur intéressé par les séries éphémères à une époque où rigueur, documentation et exactitude pouvaient ne pas être des priorités face à l’urgence de production d’une industrie de la BD encore focalisée sur les périodiques davantage que sur les albums qualitatifs.

Planche 5 de l'album Chantage à la Terre de Paul Foran
© Paul Foran – Gil et Montero – Dupuis