T1 des griffes du Gévaudan

A l’heure où le folklore en fait rêver plus d’un, des légendes japonaises aux héros vikings, Sylvain Runberg et Jean-Charles Poupard nous emmènent avec le T1 des Griffes du Gévaudan au cœur du 18ème siècle, quand l’Hexagone tremble d’effroi face à celle qu’on nommera « la Bête du Gévaudan ». Entre récit historique et narration, ils nous entraînent au cœur de la chasse de la Malbête dans une France tiraillée entre croyances populaires et rationalité.

Couverture sur le T1 des griffes du Gévaudan
© Les Griffes du Gévaudan – Jean-Charles Poupard et Sylvain Runberg – Glénat

L’histoire dans l’Histoire.

Notre histoire débute au milieu du 18ème siècle, terrain de bataille entre deux idéologies contrastées qui créeront une rupture lourde d’enjeux pour les siècles à venir. En effet, l’affaire de la Bête du Gévaudan se déroule au beau milieu d’un monde déchiré entre croyance religieuse qui conte et punit et réflexions des Lumières qui théorisent et libèrent. A travers ce contexte historique complexe, Sylvain Runberg et Jean-Charles Poupard développent et articulent une chasse dantesque avec brio.

Page 3 de l'album de Jean-Charles Poupard et Sylvain Runberg
© Les Griffes du Gévaudan – Jean-Charles Poupard et Sylvain Runberg – Glénat

L’écart social, véritable levier dans notre histoire, prend toute sa teneur au travers du dessin de Jean-Charles Poupard. Du marron terne et pâle du paysan aux couleurs vives et aux détails des vêtements de l’aristocrate, nous sautons de la pauvreté extrême aux rencontres les plus protocolaires. La lumière joue également le rôle de curseur social au travers des pages. Si le peuple vit dans le gris du froid ou le marron de la boue, chaque rencontre entre membres de la cour se trouve bercée d’une chaude couleur d’été. Tout y est clair, raffiné. Des dorures des cadres aux bibliothèques, tout y est symbole de fortune et d’éducation. Douce représentation du gouffre social que rappelle habilement Sylvain Runberg dans cette œuvre.

Lors de l’affaire du Gévaudan, le roi Louis XV est tourné en ridicule devant les autres pays souverains. Comment une bête peut mettre à mal les plus fins limiers  du roi ? Ce qui est sûr dès lors, est que chaque chasseur revenu bredouille est aussi coupable que la Bête de l’humiliation du roi. Par ce biais, notre affaire débute comme une course contre la montre. Si la cruauté des faits semble importante, il apparaît évident que l’aspect politique de celle-ci est le point primordial qui trotte dans toutes les têtes.

Page 4 de l'album Les Griffes du Gévaudan
© Les Griffes du Gévaudan – Jean-Charles Poupard et Sylvain Runberg – Glénat

Pouvoir et contre pouvoir, croire ou comprendre.

Pour suivre notre histoire, Robert-François notre narrateur, fils du très estimé M. Antoine, retrace toutes les étapes de l’éminente chasse. De la rencontre entre son père et le roi, aux stratagèmes les plus innovants mis en place pour vaincre la bête. Issu d’une famille aisée et emprunt d’une solide éducation, notre héros se retrouve tiraillé entre raison et passion. A l’image du siècle dans lequel il s’ancre, la raison chute souvent devant interrogation. Si l’animal ne répond à aucun code de ses congénères, en est-il vraiment un ?

Grâce au récit de Sylvain Runberg, les tenants et aboutissants de cette histoire apparaissent. L’attaque d’un animal sauvage devenue mythe, se trace sinueusement grâce aux interprétations. Si le roi, humilié, souhaite qu’on terrasse le loup, l’église elle, porteuse de la divine parole, prêche aux fidèles la contrariété du divin. Quiconque écoute les sornettes de ses « Lumières » ne peut se protéger de la colère qui s’abat sur le monde.

Reste une dernière clé de voûte de l’histoire. Le peuple, première victime des Griffes du Gévaudan, s’accorde sur des récits similaires. Robert-François, homme lettré, se refuse aux divagations de certains. Mais comment remettre indéfiniment en cause autant de paroles identiques. Entre superstitions et folklore, répression et injustice, le peuple parle pourtant d’une même voix.

Page 11 du T1 des Griffes du Gévaudan
© Les Griffes du Gévaudan – Jean-Charles Poupard et Sylvain Runberg – Glénat

De père en fils.

Au travers de la chasse de la Bête, la relation entre Robert-François et son père se tisse et s’harmonise. S’il est indéniable que notre narrateur a le respect des aînés et grandit dans l’ombre de son père, il n’en demeure pas moins en pleine évolution. Si la traque est un chemin, la violence à laquelle il est confronté sème en lui de nouveaux idéaux. Si M. Antoine (le père de Robert-François), malgré la difficulté des épreuves, reste stoïque et calme, les traits que Jean-Charles Poupard prête à son jeune personnage embrassent les différentes émotions qu’il rencontre. Par opposition, ces deux représentations servent le récit. Ainsi, si l’âge mûr apprend à s’adapter et renoncer, la jeunesse, elle s’accroche avec ardeur à la justice.

Avec ce premier tome des Griffes du Gévaudan, Sylvain Runberg et Jean-Charles Poupard nous permettent de traverser l’Histoire. Dans un monde complexe et divisé, l’histoire de deux hommes nous guident au travers d’un des plus grands mystères de France. Après un premier tome qui tient en haleine juste qu’à la dernière case, une chose est sûre… L’attente du second va paraître bien long.

Page 12 du T1 des Griffes du Gévaudan
© Les Griffes du Gévaudan – Jean-Charles Poupard et Sylvain Runberg – Glénat

Chronique du T1 des griffes du Gévaudan écrite par Lola LAURENT

Informations sur le T1 des griffes du Gévaudan

  • Scénario : Sylvain Runberg
  • Dessin : Jean-Charles Poupard
  • Couleurs : Jean-Charles Poupard
  • Éditeur : Glénat
  • Date de sortie : 10 janvier 2024
  • Pagination : 64 en couleurs

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