Super Groom tome 3 : La Stratégie Gaïa

Mais quelle mouche de Palombie a, un jour, piqué Fabien Vehlmann pour le pousser à faire de l’inoffensif et sympathique Spirou un super héros ? Serait-il possible d’imaginer Gaston en homme-mouette, ou Tintin sous une armure hautement technologie ou, pire, avec une cape et un slip par-dessus son pantalon ? Et pourtant, voici que sort le troisième tome de Super Groom après quatre années d’attente depuis le deuxième.

Après sa victoire contre Spirou à la Guerre Olympique, La Centaure, femme d’affaire intraitable, a enfin eu les moyens de mettre au point son intelligence artificielle capable de résoudre les problèmes, notamment écologiques, de l’humanité, Gaïa. Un soir, Spirou reçoit une invitation pour l’immeuble de la Centaure au nom de Super Groom. Étrange puisque le jeune homme a bien pris soin de ne jamais révéler son identité, en dehors du Comte de Champignac, qui crée ses gadgets. C’est bien sûr un piège, et Spirou se retrouve, en compagnie de la Centaure et du Chasseur, cryogénisé pendant 50 ans, le temps pour Gaïa d’atteindre son objectif. La Centaure veut ainsi prouver à son adversaire qu’elle avait raison de parier sur la technologie.

Spirou is marvelous

Super Groom ne fait pas dans la subtilité. Le premier tome, en 2020, prenait la forme d’une allégorie sur la difficile survie de la bande dessinée franco-belge, et de la culture en général, face à l’omniprésence super héroïque venue des États-Unis. Un point important était également mis sur le thème de la responsabilité de ces héros face à l’influence qu’ils peuvent avoir sur les foules, notamment les enfants ou les gens désespérés. Être un super-héros ne s’improvise pas. Le second album, un an plus tard, recyclait le concept éculé de « battle royale » sur une île, à laquelle il ne peut y avoir qu’un gagnant, le tout saupoudré de valeurs écologiques, déjà au centre des préoccupations de Spirou dans le premier tome.

Deux aventures aux contextes donc vus et revus et aux déroulés peu subtils. Mais sacrément efficaces ! L’idée de placer l’ingénu Spirou au cœur de ces intrigues aux dangers inédits à ceux de sa série mère, est excellente et offre des récits diablement bien ficelés. Alors quand le troisième album plonge le lecteur dans le post-apocalypse, thème, là aussi, utilisé et usé, la confiance est de mise pour découvrir une histoire plus singulière qu’il n’y parait. Et, en effet, la magie opère de nouveau, déjà parce que l’attachement aux personnages est indéniable. Fabien Vehlmann connaît bien l’univers Spirou pour avoir déjà scénarisé plusieurs aventures du groom, il en maîtrise les codes, entre action, fantastique et humour, et démontre un réel amour pour tous ses protagonistes.

L’apocalypse est pavée de bonnes intentions

Pour cette troisième aventure, le scénariste utilise les thèmes classiques de guerre menant à une apocalypse laissant l’humanité revenir vers un style de vie primitif alors que des robots sèment la terreur, le tout avec un climat complètement déréglé. À nouveau, peu de subtilité puisque l’intelligence artificielle responsable de tout cela, dans un désir de bien faire, se nomme Gaïa, qui signifie « terre » en grec ancien et est devenu synonyme de connexion avec la nature. De même, une tribu d’humains a survécu en se constituant uniquement de clones d’un même homme politique du passé, un choix justifié car ce monsieur détestait tout ce qui ne lui ressemblait pas. Ses traits évoquent clairement une personne bien connue dans notre France, un sinistre Z, qui n’est pas Zorglub.

Si ce triste sire est très bien dessiné, il en est de même pour toute la galerie de personnages. Comme son scénariste, Yoann connaît bien Spirou, Fantasio et leurs amis et propose des protagonistes très charismatiques. On sent aussi que l’illustrateur s’est fait plaisir avec le post-apocalyptique, que ce soit au niveau des personnages, gueules abîmées et vieux habits de dix-septième main, ou au niveau des décors, des ruines de notre monde à la reprise du pouvoir de la végétation en passant par le bric et le broc des survivants humains. Les couleurs, signées Fabien Alquier, sont variées et riches, et elles donnent de superbes ambiances aux scènes.

Grâce à sa connaissance et son amour de l’univers Spirou, Fabien Vehmann parvient à rendre passionnant un récit qui utilise des contextes et des tropes maintes fois vus et lus. À l’image des deux premiers tomes, le lecteur est facilement embarqué dans l’histoire par la sympathie que dégagent ses personnages et les thèmes universels qu’ils véhiculent. La conclusion ouvre la promesse d’une suite qui s’annonce épique, malgré la grande maladresse du Spirou version super-héros.

Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard