Quelques atomes de carbone – T3 de Champignac

Le comte de Champignac n’a pas le temps de souffler à Bletchley Park et se retrouve confronté à une situation qui, dans le contexte des années 50 et 60, va tourner au tragique. La chronique de Quelques atomes de carbone qui va suivre omet volontairement le fond du problème. Béka et (le surdoué) David Etien confirment l’ampleur de leur série, à la mesure du personnage principal.

Couverture de l'album Quelques atomes de carbone
© Champignac – BeKa et David Etien – Dupuis

C’est peu dire que cette nouvelle histoire commence fort. Et mal. Pour ce troisième volume de la série spin-off de Spirou et Fantasio centrée sur le comte de Champignac, le brave Pacôme n’est pas ménagé. Ressort classique des sagas qui se veulent un « retour aux sources » de héros largement implantés dans l’imaginaire collectif, les BEKA nous présentent notre mycologue sous une lumière sombre, dévoilant un personnage affable mais dont la bonhomie coutumière dissimule le poids de douloureuses expériences.

Planche 3 de l'album Quelques atomes de carbone
La planche 3 de l’album Quelques atomes de carbone © Champignac – BeKa et David Etien – Dupuis

Basée sur le principe de l’uchronie, genre littéraire qui revisite le passé tout comme la science fiction anticipe le futur, la série nous a déjà présenté Champignac comme figure de l’ombre dans les exploits d’Alan Turing et le scandale de la Pervitine. Le fil rouge est brillamment maintenu dans cette nouvelle aventure où Margaret Sanger, fondatrice du planning familial, vient demander l’aide du Comte. La mise en contexte est remarquable : les considérations médicales ont fait l’objet de recherches sur l’avancée des connaissances à l’époque, et les scénaristes nous plongent efficacement dans un mélange de conservatisme religieux et de doctrine anti-communiste (assaisonnés de ségrégation raciale) qui caractérisaient les États-Unis des années soixante. C’est dans cette ambiance explosive que Pacôme et Margaret rencontreront un autre scientifique majeur, le Dr Gregory Pincus, inventeur de la première pilule contraceptive, lors d’une quête aux vents contraires abondants.

Planche 10 de l'album Quelques atomes de carbone
La planche 10 de l’album Quelques atomes de carbone © Champignac – BeKa et David Etien – Dupuis

Choisissant un thème tristement d’actualité, les scénaristes visent dans le mille. Malgré son public cible majoritairement jeune, l’album ne s’embarrasse pas de tabous et nomme (et montre) les choses, preuve s’il en était besoin que le Journal de Spirou ne prend pas (toujours) son public pour des lapereaux de 3 semaines biberonnés aux mangas, tout en fournissant aux adultes un second niveau de lecture bienvenu. En revanche, le côté didactique qui avait alourdi le tome 2 (voir notre chronique du Patient A) réapparaît à l’occasion d’une leçon de choses un peu aride. Cependant les auteurs ont fait le choix d’alléger le propos scientifique en détournant gentiment l’attention du lecteur sur les péripéties d’un petit lapin perdu dans le château – histoire de lui faire comprendre (au lecteur, pas au lapin) que s’il ne comprenait pas tout au cours d’anatomie, ce n’était pas d’une gravité extrême. On pardonnera par ailleurs à Béka une grosse ficelle scénaristique que beaucoup de lecteurs auront déjà vue ailleurs.

Planche 11 de l'album Quelques atomes de carbone
La planche 11 de l’album Quelques atomes de carbone © Champignac – BeKa et David Etien – Dupuis

Le surdoué David Etien illustre de nouveau cet album de manière magistrale, et ce dès la couverture, sublime. Le découpage est parfait, les décors fouillés, les personnages recherchés et animés de main de maître, le rythme est impeccable, bref, le dessinateur surdoué des Quatre de Baker Street s’avère encore être le choix parfait pour cette série parallèle qui, à l’instar du Zorglub d’un autre surdoué, ne demande qu’à devenir un classique à part entière.

Ai-je mentionné que David Etien était un surdoué ?

Chronique écrite par Philippe BARRE

Informations sur l’album

  • Scénario : BeKa
  • Dessin : David Etien
  • Couleurs : David Etien et Céline Olive
  • Éditeur : Dupuis « Grand public »
  • Date de sortie : 7 avril 2023
  • Pagination : 56 en couleurs
  • Format : 240 x 320

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