Peter Pan de Kensington

Il est impossible de ne pas connaître les aventures de «Peter Pan» de James Matthiew Barrie tant elles ont connu d’adaptations. Par contre, très peu d’entre nous savons que Peter, bien avant cela, était déjà le héros d’un roman et d’une pièce de théâtre. Avec « Peter Pan de Kensington », José Luis Munuera livre sa version de l’histoire originelle du jeune héros.

Naissance du mythe de Peter Pan

Peter Pan apparaît pour la 1ère fois en 1902 dans un recueil fantaisiste de James Matthew Barrie, « le petit oiseau blanc », qu’il développera deux ans plus tard avec une pièce de théâtre à succès : « Peter Pan ou le garçon qui ne voulait pas grandir ». En 1906 l’auteur en fera un roman dédié aux origines de l’enfant, « Peter dans les jardins de Kensington ». Considéré comme le préquel de « Peter Pan et Wendy », le livre ne sera traduit et publié correctement qu’en 2010.

C’est cette histoire, que José Luis Munuera choisit d’interpréter et d’adapter à sa façon. Il bouleverse ainsi tout ce que nous pensons savoir sur Peter Pan et ce que nous en avons vu dans ses nombreuses adaptations de Walt Disney à Spielberg sans omettre la très belle série BD de Régis Loisel. Néanmoins, son interprétation libre fait le lien par petites touches judicieuses avec le célèbre récit afin de ne pas trop désorienter le lecteur.

Qu’est ce que Peter Pan ?

Dans le jardin de Kensington, deux univers cohabitent. Le jour, les humains s’y promènent et les enfants jouent. A la tombée de la nuit le parc ferme, la nature se transforme et des êtres féeriques prennent possession du lieu. Les fleurs deviennent des fées dont la reine, entourée de sa cour, caricature à merveille la famille royale, les arbres prennent vie et les oiseaux parlent avec Peter, seul humain toléré dans ce microcosme magique.

L’arrivée soudaine d’une petite fille de six ans, Maimie Mannering, recherchée par des ombres mystérieuses et effrayantes, chamboule ce petit monde et surtout Peter. Elle s’est égarée et veut retrouver le chemin de sa maison. Peter la protège et accepte de l’aider, mais ce qu’il souhaite avant tout c’est la convaincre de rester avec lui pour devenir son amie de jeu jusqu’à la fin des temps et pour qu’elle l’accompagne dans le pays imaginaire avec tous les autres enfants perdus. Il se sent fort, plein de certitudes, il vole, mais qui est Peter ? Ou plutôt qu’est-ce que Peter ?

La magie de José Luis Munuera et Sedyas

Le trait de José Luis Munuera recrée merveilleusement l’émotion des personnages, de la mélancolie à la tristesse, de la joie à la colère, de la sérénité à la peur et de la douceur à la cruauté. Ses dessins reproduisent magnifiquement l’ambiance sombre de l’époque victorienne dans laquelle on reconnaît les monuments et quartiers emblématiques de Londres comme Big Ben, le quartier des Docks, la cathédrale Saint Paul ou encore l’Albert Mémorial.

L’omniprésence des couleurs froides posées par Sedyas, tel le bleu nuit illuminé par les scintillements des étoiles, des fées ou des enchantements, est apaisant et doux. Toutefois, quand il le faut, les teintes sont noircies pour donner une atmosphère mystérieuse, angoissante ou effrayante. Les lavis, très travaillés sur les décors et les paysages pour donner un aspect brumeux indissociable de Londres, magnifient le dessin et procurent un réel plaisir pour les yeux, surtout avec les nombreuses cases en demi, trois-quarts ou pleine page.

S’attaquer à un mythe comme Peter Pan n’est pas chose aisée car c’est obligatoirement prendre le risque de la comparaison. En livrant sa propre interprétation de cette partie méconnue de l’œuvre de James Matthieu Barrie, José Luis Munuera dépoussière Peter Pan sans le dénaturer. Drôle, émouvant, féerique est mystérieux, ce Peter Pan là est sans conteste à découvrir.