Notre reportage à l’exposition « Spirou dans la tourmente de la Shoah »
Quel est le rapport entre Spirou et la Shoah ? C’est la question que l’on pourrait se poser à l’intitulé de cette exposition « Spirou dans la tourmente de la Shoah ». Mais la réponse arrive très rapidement… La grande Histoire est liée à celle de Spirou et de son journal, cette exposition nous le démontre. Spirou, journal et personnage né en 1938, a vécu la Seconde Guerre mondiale et l’histoire de ses débuts est rattaché à cet évènement.
Plus récemment, le Spirou d’Emile Bravo, chef d’œuvre en quatre tomes, a pour ambition de raconter le passage du Spirou candide des débuts avec Rob-Vel, au Spirou plus mature avec Franquin. Car entre les deux, il y a la guerre et ses horreurs. Dans cette saga, Emile Bravo raconte de façon romancée comment Spirou aurait pu traverser cette épreuve, pour devenir à la sortie le Spirou que nous connaissons.
Mais revenons à l’exposition, Spirou l’Espoir malgré tout en est le fil rouge et comme le disent les commissaires, le fil une fois déroulé amène d’autres histoires. Des histoires personnelles puisqu’on apprend que le père d’Emile Bravo a été enfermé dans les camps de concentration du sud de la France après la Guerre d’Espagne… camp où a été aussi enfermé Felix Nussbaum, un peintre juif allemand, mort à Auschwitz qui est l’un des héros de l’histoire du Spirou de Bravo et de ce fait l’une des figures de l’exposition.
C’est aussi l’occasion de mettre en avant l’histoire réelle du journal Spirou pendant la guerre et particulièrement de son rédacteur en chef Jean Doisy, résistant qui va se servir du journal pour mobiliser subtilement la jeunesse belge contre l’occupant. On apprend aussi au cours de l’exposition, que c’est lui aussi qui recrutera Victor Martin et l’enverra enquêter du côté d’Auschwitz. Son rapport, envoyé aux gouvernements occidentaux, sera le premier à mentionner une extermination de masse des juifs dans les camps nazis. De plus, Jean Doisy recrutera Suzanne Moons, qui sauvera à elle seule plus de 600 enfants juifs… dont très probablement la mère de Didier Pasamonik, le commissaire de l’exposition. Suzanne Moons est la mère d’André Moons, marionnettiste qui mettra en scène le spectacle des Farfadet durant la Guerre, dont l’exposition des marionnettes Spirou d’époque, représente selon moi le clou de l’exposition. Récupérées auprès de la famille Moons pour l’exposition, il y a une certaine émotion à être face à ses monuments de l’histoire de Spirou.
Le parcours de l’exposition se découpe en deux salles et 12 parties. On ne va pas décrire chaque partie de l’exposition afin que vous puissiez la découvrir durant votre visite, mais chacune est organisée pour être replacée dans le contexte de la BD d’Emile Bravo. Des reproductions de planches et de vignettes ouvrent chaque partie. Ainsi, on peut découvrir la Belgique durant la guerre, de la capitulation et l’occupation. Une histoire assez méconnue en France, différente de ce qui s’est passé avec le Régime de Vichy. On découvre la réalité de la persécution des juifs en Belgique, là encore différente de l’Histoire française, faute de gouvernement collaborationniste en Belgique.
L’exposition est l’occasion de découvrir les tableaux de Félix Nussbaum et de Felka Platek (compagne de Félix et héroïne du Spirou de Bravo), dont les tableaux n’avaient plus été exposés en France depuis des décennies. Enfin, on découvrira un focus sur l’état de la bande dessinée en France et en Belgique avant-guerre et durant l’occupation. Avec des anecdotes assez comiques, on apprend de la bouche de la commissaire de l’exposition, que face à la pénurie de papier, le commissariat aux questions juives, saisit le papier des entreprises « aryanisé » comme Opera Mundi qui publie le journal de Mickey en France. Ainsi, des ordonnances contre les juifs sont publiées sur du papier avec comme entête des oreilles de Mickey.
L’exposition est assez courte, prévoir 1 heure et demi à 2 heures en prenant son temps, les organisateurs ayant préféré la qualité des informations et des objets, à la quantité. Elle se termine par un espace Jeune public, car cette exposition se veut comme la première exposition familiale du mémorial de la Shoah. Les enfants trouveront donc aussi leur compte lors de la visite.
Reportage de Adrien LAURENT
Informations pratiques :
Date : 9 décembre 2022 au 30 août 2023
Lieu : Mémorial de la Shoah – 17, rue Geoffroy l’Asnier – 75004 Paris
Entrée gratuite