NOSTROMO
Après ses très belles collaborations avec Kris sur Notre Mère la Guerre et Notre Amérique, Maël, le dessinateur musicien, revient avec Nostromo et ajoute une nouvelle corde à son arc puisque, pour la première fois, il assure aussi l’écriture. Adapté de l’un des meilleurs romans en langue anglaise du XXème siècle, Nostromo de Joseph Conrad, bien qu’étant une fiction, se veut le reflet d’une époque et de l’âme humaine. Ce premier tome de la duologie correspond aux 16 premiers chapitres du livre, les 13 derniers étant réservés au second album qui clôturera cette aventure.
© Futuropolis, Nostromo, Maël
XIXème siècle, la vieille ville de Sulaco dans la république du Costaguana, a l’apparence d’un paradis isolé des turpitudes extérieures. Mais, petit à petit, il se dévoile une toute autre réalité avec un sol hostile, des paysans pauvres et une malédiction autour de la mine d’argent de San Tomé. Ce gisement appartient à Charles Gould, personnalité anglaise devenue un véritable costaguanien pour l’aristocratie locale. L’anglais de Salaco, comme le surnomme le peuple, œuvre avec son épouse, qualifiée d’inlassable senora, et l’élite européenne pour le développement économique et le contrôle politique de la région qui se feront par la construction du chemin de fer.
© Futuropolis, Nostromo, Maël
Sur le port, des coups de feu résonnent, un cavalier sûr de lui, à l’autorité naturelle, soucieux d’accomplir sa mission d’homme de main, respecté par ses hommes et craint par les autres, s’efforce de sauver des notables et leur argent qui fuient vers le port pour échapper à une révolution. Certains le nomment Capataz ou encore Gian Battista et d’autres Nostromo.
© Futuropolis, Nostromo, Maël
Une œuvre fiction mais réaliste
Joseph Conrad est un écrivain polonais britannique né en Ukraine en 1857. Auteur de romans d’histoire, il affectionnait montrer les hommes tels qu’ils sont en situation de crise avec le plus de réalisme possible et dans le contexte de son époque où l’empire britannique, qui occupait sa Pologne natale, était à son apogée. Il s’est aussi beaucoup inspiré de sa propre vie. Le fait d’avoir embarqué pour les marines Française et Britannique pendant 20 ans, lui a permis de parcourir tous les continents, raconter et dénoncer l’impérialisme et le colonialisme des Européens, mais aussi, mettre en évidence le comportement humain qui allait de pair. C’est donc tout cela que l’auteur nous dépeint dans Nostromo, l’oppression des puissants contre le peuple qui se révolte pour sa liberté, et l’influence que cela a sur l’âme humaine. L’œuvre de Joseph Conrad est d’une telle force qu’elle à guidé de nombreux réalisateurs comme Alfred Hithcock, Ridley Scott ou Francis Ford Coppola, mais elle a aussi inspiré de nombreux auteurs de bandes dessinées comme Christian Perissin, Jean Pierre Pecau, Sylvain Venayre (qui signe la postface) et bien d’autres.
© Futuropolis, Nostromo, Maël
Une adaptation pour un premier scénario
Jusqu’à présent Maël s’était contenté du rôle de dessinateur. Aujourd’hui il signe seul pour la première fois une BD. L’adaptation est un exercice particulier car il oblige des raccourcis scénaristiques qui peuvent être reprochés, mais le format BD est totalement différent de celui du roman car il contraint l’auteur à se rendre à l’essentiel pour tout faire tenir dans un nombre de pages limité.
L’avantage de Nostromo, qui a dû grandement aider Maël, est que Joseph Conrad fait de nombreuses descriptions très précises à la fois des personnages, des paysages, des intérieurs de maison ou encore du déroulement des évènements. Maël a donc pu laisser son crayon et ses pinceaux s’exprimer au-delà de tout expliquer, évitant ainsi l’excès de texte pour en faire une adaptation minutieuse et très fidèle par le dessin. Par exemple, le portrait du révolutionnaire Garibaldi accroché au mur (Case 2, page 12) montre en une case le fanatisme de Giorgio pour cet homme avec qui il avait combattu pour la liberté et la justice en Sicile et il nous en dit beaucoup sur la personnalité du vieil homme.
Les couleurs vives des habits de l’aristocratie s’imposent sur les couleurs grises et ternes des paysans miséreux montrant ainsi l’impérialisme anglais sur ce peuple sud américain.
La narration ou les dialogues sont parfois identiques pour mieux servir le récit, et d’autres fois leur reformulation atténue légèrement le caractère des personnages ou le propos réel du livre. Enfin, il est a noter une réorganisation de la structure du récit qui montre un véritable travail de réécriture sans changer ni l’intérêt, ni l’histoire du roman.
© Futuropolis, Nostromo, Maël
Nostromo, outre le plaisir de retrouver son coup de crayon tremblant et ses couleurs au lavis, fait découvrir le nouveau talent de scénariste de Maël qui devient aujourd’hui un auteur complet. Il propose une adaptation fidèle et précise grâce à ses dessins qui retranscrivent très justement les descriptions du roman et l’auteur a su conserver les éléments essentiels de l’histoire pour reconstruire celle de la bande dessinée sans dénaturer le récit de Joseph Conrad. Maël signe une très belle adaptation, et nul doute qu’il saura nous montrer toutes les dérives de l’âme humaine dont celle de Nostromo dans le second tome qui achèvera cette aventure.
© Futuropolis, Nostromo, Maël, page 7
Une chronique écrite par : Xavier G.
Informations sur l’album :
- Scénario : Maël
- Dessin : Maël
- Couleurs : Maël
- Éditeur : Futuropolis
- Date de sortie : 21 août 2024
- Pagination : 128 pages
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