Marsupilami tome 34 : Marsu Club
Il aura fallu attendre quatre ans pour retrouver le Marsupilami dans ce 34e album de la série créée par Greg et Batem, en 1987, mettant en vedette l’animal sauvage imaginé par Franquin dans ses Spirou et Fantasio. Entre temps, les fans du personnage ont toutefois pu le retrouver dans le diptyque sombre La Bête, de Zidrou et Franck Pé, ou le one shot historique El Diablo, de Lewis Trondheim et Alexis Nesme. Retour à la série classique avec ce Marsu Club qui s’inscrit dans la continuité directe du précédent tome, Supermarsu.

© Marsupilami, tome 34 – Batem, Colman, Cerise – Dupuis, 2025
Diane, George et Hector ont dû quitter la jungle. Mais Hector a disparu. Redevenu Marsupilami, il a en effet décidé de rester avec ses amis à longues queues. Mais le territoire du Marsupilami a déjà un mâle dominant et l’animal, ainsi que son fils Bobo, ne semble pas accepter la présence de ce nouveau prétendant. Si le jeune animal est assez agressif, l’adulte va prendre en main Hector pour lui apprendre à devenir indépendant afin de créer son propre territoire.

© Marsupilami, tome 34 – Batem, Colman, Cerise – Dupuis, 2025
La loi de la jungle
Pas le temps de niaiser, comme on dit au pays de Roch Voisine, l’album s’ouvre au cœur de l’intrigue : Diane et George sont au bar-commissariat, à décrire à un agent éthylique la rousseur de l’enfant disparu. Hector est introuvable, et sa tante est folle de rage. On retrouve ensuite la jungle où le Marsupilami est tout en tristesse après le départ de ses amis humains. Il n’est pas indispensable d’avoir lu le tome 33 avant d’attaquer Marsu Club, le scénariste Colman parvenant à poser ses enjeux, assez simples il faut dire, de façon claire. L’implication du lecteur est toutefois plus importante s’il a encore en mémoire la conclusion de la précédente aventure : le départ de Diane et ses proches, suite à la fin des subventions allouées à ses recherches.

© Marsupilami, tome 34 – Batem, Colman, Cerise – Dupuis, 2025
C’est encore plus flagrant pour la suite, puisqu’on retrouve Hector à nouveau transformé en Marsupilami, comme dans Supermarsu. S’il est un peu étonnant de retrouver une intrigue similaire au tome précédent, Batem change rapidement d’angle : dans Supermarsu, Hector découvrait les capacités physiques de son nouveau corps, le régime alimentaire, des problématiques plus liées à sa physionomie animale. Ici, le scénariste centre plus son récit sur la sociologie des Marsus. Comme la plupart des animaux sauvages, ceux-ci sont organisés en territoires sur lesquels règne un mâle dominant qui y fonde une famille.

© Marsupilami, tome 34 – Batem, Colman, Cerise – Dupuis, 2025
Aux côtés de l’aventure et de l’humour gaguesque qui font partie des fondamentaux de la série, Marsu Club propose une quête d’indépendance et d’identité, un récit sur un adolescent se retrouvant avec des impératifs adultes sans y être préparé. Hector ne veut pas suivre sa tante en Angleterre mais préfère rester avec ses amis dans la jungle. Mais, à son âge, a-t-il la maturité nécessaire pour s’émanciper ? Une intrigue principale qui certes manque de surprises ou de réels enjeux, mais qui offre un air de fraîcheur et de modernité à la série, plus touchant et plus intimiste.

© Marsupilami, tome 34 – Batem, Colman, Cerise – Dupuis, 2025
Un Marsu et ça repart !
L’humour est moins présent que dans les tomes précédents. Toutefois, le talent de Batem pour les gags visuels provoquent quelques francs sourires au lecteur. Les jeux de mots sont un peu plus fins que dans les dernières aventures du Marsupilami : exit les blagues à double sens graveleux un peu gênantes ou les divinités absurdes de George ; comme Prouth le dieu du vent ; remplacées ici par un plus sage Sansèzmilh, dieu des enfants disparus (116000 étant le numéro d’urgence à composer pour aider les familles face à ce genre de drame) . Batem et Colman se font toujours plaisir avec quelques références au neuvième art, tantôt intelligemment, comme les affiches des enfants disparus sur lesquelles on retrouve, entre autres, Benoît Brisefer et Kid Paddle, tantôt en tombant dans la facilité, à l’image de cette statue d’El Pequeño Spirou complètement hors de propos.

© Marsupilami, tome 34 – Batem, Colman, Cerise – Dupuis, 2025
Une case inutile qui illustre le point faible de l’album : l’intrigue centrée autour des recherches de Diane et George pour retrouver Hector manque totalement d’intérêt, d’autant plus que le lecteur sait parfaitement qu’ils sont sur la mauvaise voie, en restant en ville, et dont les péripéties sont loin d’être passionnantes. C’est d’autant plus dommage que les personnages sont très attachants. Si le trop grand naïf George est toujours assez agaçant, Batem et Colman maîtrisent parfaitement les Marsus, Bibi est adorable, Bobo gagne en charisme alors que notre protagoniste principal a le droit à des scènes d’anthologie.

© Marsupilami, tome 34 – Batem, Colman, Cerise – Dupuis, 2025
A ce titre, la mise en scène de Batem est toujours aussi efficace. Simples et classiques, dans leurs gaufriers comme dans les plans utilisés, les planches sont lisibles et immersives. Les décors sont riches et le dessinateur offre quelques grandes cases, voire même des pages pleines, superbes et remplies de détails cachés que le lecteur ne peut qu’éprouver du plaisir à découvrir. Les couleurs de Cerise rendent justice au travail de Batem avec des tons adaptés à chaque ambiance. Rien de nouveau sous le ciel de Palombie, donc, mais il est indéniable de dire que la copie rendue est excellente visuellement, malgré quelques petites bizarreries dans certaines proportions, comme George semblant doubler de volume dans un petit taxi.

© Marsupilami, tome 34 – Batem, Colman, Cerise – Dupuis, 2025
Si cette 34e aventure du Marsupilami peut se lire indépendamment du reste de la série, elle gagne largement en intérêt, et surtout en compréhension, si on a déjà connaissance des précédents tomes, notamment les 32 et 33. Avec une intrigue assez classique et des rebondissements attendus, Marsu Club ne révolutionnera pas la saga mais ce n’est pas ce qui lui est demandé. Le rythme est soutenu, les côtés aventures et humour sont plutôt bien équilibrés, même si les péripéties urbaines de Diane et George ralentissent le récit. Les personnages, surtout la famille du protagoniste à longue queue, sont toujours aussi attachants. Un moment de lecture agréable malgré le manque d’enjeux et de surprises.
Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard
Informations sur l’album :
- Scénario : Colman
- Dessin : Batem
- Couleurs : Cerise
- Éditeur : Dupuis
- Date de sortie : Le 14 mars 2025
- Pagination : 56 pages en couleurs