Le Souffle du Diable
Fiction trouvant son origine dans un fait historique qui ne sera pas dévoilé dans cette chronique, le Souffle du Diable est un thriller fantastique imaginé par l’auteur belge Ken Broeders, surtout connu en France pour sa trilogie Une Histoire de Voleurs et de Trolls, parue entre 2019 et 2021 chez Drakoo.

© Le Souffle du Diable – Ken Broeders – Anspach, 2025
Juin 1783, dans la campagne française, Madeleine et sa bonne pâte de mari, Jean, tiennent une auberge sur une route assez fréquentée. La jeune femme, pleine d’ambition pour son établissement, a recueilli son demi-frère Benjamin, issu d’une liaison entre leur père avec une native américaine, après avoir abandonné sa famille pour partir vers le Nouveau Monde. Pleine de rancœur, Madeleine est très dure avec le garçon, lui-même très rêveur, mais elle cache surtout une profonde affection pour lui et craint qu’il ne devienne comme leur père, volage et irresponsable. Un jour, une épaisse brume envahit la campagne, transportant une odeur nauséabonde qui coupe la respiration des gens comme celle des bêtes. Certains commencent à l’appeler le Souffle du Diable.

© Le Souffle du Diable – Ken Broeders – Anspach, 2025
Je te déteste. Moi non plus.
Après deux planches d’exposition assez maladroites dans leur trop plein d’informations, le récit ralentit et prend le temps de présenter ses personnages et, surtout leurs relations. En effet, si la construction des protagonistes, relativement stéréotypés selon leur fonction dans l’intrigue, est loin d’être le point fort de l’histoire, les rapports qu’ils entretiennent sont bien construits et on se prend à s’attacher au groupe plus qu’à chaque individu. On retrouve le doux garçon rêveur qui devra s’affirmer, la sœur intraitable qui tient la maison d’une main de fer, le gentil mari qui n’élève jamais la voix mais profite du moment présent, se reposant sur sa femme pour l’avenir.

© Le Souffle du Diable – Ken Broeders – Anspach, 2025
Ces rôles-fonctions vont bien sûr évoluer lorsque la brume, au fil des jours et des semaines, refuse de partir. C’est alors que les relations entre les acteurs prennent toute leur importance. Des failles apparaissent dans le roc que représente Madeleine alors que ses hommes commencent à prendre leurs responsabilités. Les divergences de caractères présentées dans les premières planches cachaient en fait une profonde affection mutuelle et un besoin d’être ensemble. Le récit prend alors une dimension plus émotionnelle au fur et à mesure que grandissent la tension et le paranormal.

© Le Souffle du Diable – Ken Broeders – Anspach, 2025
Sous le voile de la mort
Si le lien qui unit les personnages est le cœur de l’intrigue, tout le corps autour est également parfaitement maîtrisé. Ken Broeders pose petit à petit le mystère de la brume, troublant le lecteur comme les habitants de la petite communauté qui commencent peu à peu à se laisser aller dans une panique superstitieuse. De décès multiples en phénomènes météorologiques extrêmes, la vie tranquille de ce joli coin de paradis vire au chaos et deux visions viennent s’affronter : les partisans d’une intervention divine ou démoniaque qui mènera inévitablement à la fin de toute chose, face aux pragmatiques qui promettent que la brume disparaîtra bientôt et sera même oubliée par tous d’ici deux ans.

© Le Souffle du Diable – Ken Broeders – Anspach, 2025
Et, bien sûr, qui dit conditions extrêmes, dit comportements qui le sont tout autant. La brume persistante fera ressurgir les démons enfouis au fond de chacun, les rancœurs, les frustrations… Tout ce chaos est parfaitement mis en image par Ken Broeders, qui se charge à la fois des dessins et des couleurs. On retrouve avec plaisir son trait qui n’est, parfois, pas sans rappeler celui de Régis Loisel. Les personnages ont de vraies bonnes gueules, avec des expressions très poussées qui crédibilisent l’horreur et la tension qu’ils subissent, alors que les décors sont parfaitement rendus. L’effet de brume est également très réussi et oppressera même le lecteur, notamment par un jeu de couleurs judicieux et une mise en scène classique mais efficace.

© Le Souffle du Diable – Ken Broeders – Anspach, 2025
Même si le duo principal n’est jamais vraiment attachant individuellement, la force émotionnelle de la relation entre Benjamin et Madeleine, née des drames et rancœurs qui les ont rapprochés ou, au contraire, opposés, suffit à impliquer le lecteur dans le récit.Le mystère entourant la brume, et les comportements extrêmes qu’elle fait naître chez certains, font le reste pour construire un récit oppressant et assez captivant. Avec ses planches graphiquement très réussies, sans jamais tomber dans le trop exubérant, le Souffle du Diable est une belle surprise.
Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard
Informations sur l’album :
- Scénario : Ken Broeders
- Dessin : Ken Broeders
- Couleurs : Ken Broeders
- Éditeur : Anspach
- Date de sortie : Le 29 août 2025
- Pagination : 64 pages
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