Le Serpent Majuscule
Rue de Sèvres continue son adaptation de l’œuvre de Pierre Lemaître * avec le Serpent Majuscule, roman paru en 2021. Pour la première fois, c’est l’auteur lui-même qui se charge de l’adaptation de son récit et est, pour la première fois, accompagné de Dominique Monféry au dessin et aux couleurs.

© Le Serpent Majuscule – Pierre Lemaître, Dominique Monféry – Rue de Sèvres, 2025
Paris, 1985. Ancienne résistante, Mathilde vit tranquillement avec son chien Ludo dans un mignon pavillon de banlieue. Mais la septuagénaire est également une tueuse impitoyable et redoutable. Bon, l’âge avançant, elle est surtout impitoyable… Mais Mathilde, ce dont elle a vraiment besoin, c’est une femme de ménage fiable et honnête. Après les cinq incompétentes précédentes, elle espère que la prochaine sera la bonne. Ça tombe bien, parce que l’agence intérim accepte de lui en envoyer encore une, la dernière. Mais faudrait pas confondre la fiche intérim de la bonne avec une fiche de cible à abattre. Ça ferait tache, une sacrée grosse tache de sang… Ce n’est pas comme si Mathilde commençait à perdre de la lucidité…

© Le Serpent Majuscule – Pierre Lemaître, Dominique Monféry – Rue de Sèvres, 2025
Il faut flinguer Mathilde
On ne présente plus Pierre Lemaître, l’un des auteurs les plus populaires du paysage littéraire français, dont chaque nouvelle publication crée l’événement. Il commence sa carrière d’auteur en 2006 avec des polars sombres qui rencontrent un joli succès public et critique. Mais la consécration arrive en 2013 avec l’immense Au revoir là-haut, prix Goncourt adapté au cinéma par Albert Dupontel en 2017 (carton au box-office et remportant 6 Césars), mais aussi en bande-dessinée dès 2015 par Christian De Metter.

© Le Serpent Majuscule – Pierre Lemaître, Dominique Monféry – Rue de Sèvres, 2025
Que ce soit dans le policier ou le drame historique, Pierre Lemaître cisèle ses récits avec une précision implacable. Chaque élément scénaristique a ses causes et ses conséquences et tout s’enchaîne avec logique. C’est également largement le cas dans la bande-dessinée le Serpent Majuscule. Sans aucune perte de temps ni détour, la narration entraîne le lecteur dans une valse à mille temps imparable. Une danse macabre, riche en rebondissements, dans laquelle chaque protagoniste semble un mort en sursis.

© Le Serpent Majuscule – Pierre Lemaître, Dominique Monféry – Rue de Sèvres, 2025
L’auteur aime ses personnages mais n’hésite pas à leur faire subir les pires atrocités, surprenant le lecteur à chaque événement. Malgré le peu de valeur que l’auteur semble accorder à la vie de ses acteurs, son récit possède tout de même une profonde humanité, notamment par les failles, psychologiques et/ou physiques des protagonistes qui les rendent crédibles et suscitent sans peine l’empathie du lecteur. Si Pierre Lemaître maltraite ses personnages, son lecteur aura en effet tendance à s’attacher à chacun, ou presque.

© Le Serpent Majuscule – Pierre Lemaître, Dominique Monféry – Rue de Sèvres, 2025
La tatie flingueuse
Que ce soit dans ses polars les plus sombres ou ses drames les plus poignants, Pierre Lemaître a toujours su créer des personnages d’une puissance indéniable. Même si sa Mathilde, gouailleuse et perdant sa lucidité, tranche un peu, par son côté presque humoristique, avec la galerie habituelle de l’auteur, elle n’en est pas pour autant moins captivante. Tantôt inquiétante, et même réellement effrayante, tantôt drôle en mamie râleuse et impatiente, tantôt pathétique lorsqu’elle perd la tête, la vieille dame se démarque ainsi, non seulement des tueurs habituels, mais également des personnages âgés mais redoutables qui se multiplient ces dernières années.

© Le Serpent Majuscule – Pierre Lemaître, Dominique Monféry – Rue de Sèvres, 2025
Les parcours des rôles secondaires, réalistes et assez dramatiques, qui, au début du récit, semblent menés parallèlement vont se percuter par la simple existence de Mathilde. Calvitie pour René, Petite taille pour Tev, passé trouble pour Constance, chacun a ses imperfections qui les rendent si crédibles et attachants. Il devient facile de s’identifier à eux, et la cruauté du récit crée un sentiment de crainte ultra pesant sur le lecteur. Il faut dire que le dessin aide également à rendre tous ces protagonistes aussi captivants.

© Le Serpent Majuscule – Pierre Lemaître, Dominique Monféry – Rue de Sèvres, 2025
Réaliste avec une pointe de caricature, le trait de Dominique Monféry s’adapte toujours parfaitement à l’ambiance changeante du récit : thriller sous haute tension, comédie burlesque, drame social, chaque case plonge le lecteur au cœur de l’intrigue. Déjà habitué à l’adaptation de romans**, l’illustrateur sait varier les styles graphiques au gré de ses récits et semblait donc tout indiqué pour plonger dans le mélange des genres du Serpent majuscule. Sa colorisation est également une grande réussite, notamment ses aquarelles, pleines de nostalgie, dans les flashbacks sur la jeunesse de Mathilde.

© Le Serpent Majuscule – Pierre Lemaître, Dominique Monféry – Rue de Sèvres, 2025
Avec son rythme haletant, son héroïne à la gouaille aussi redoutable que son flingue, ses nombreuses surprises mortelles, le Serpent Majuscule en bande dessinée est une grande réussite, totalement jouissive et captivante. Servie par des dessins immersifs s’adaptant totalement à l’atmosphère de chaque scène, la narration est une danse macabre, à la fois tragique, drôle et intense, qui entraîne le lecteur dans une spirale de violence implacable, jusqu’à un final en apothéose totalement inattendu, une claque à l’image de cet excellent one shot.
Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard

© Le Serpent Majuscule – Pierre Lemaître, Dominique Monféry – Rue de Sèvres, 2025
* après la trilogie les Enfants du Désastre (Au revoir là-haut en 2015, Couleurs de l’incendie en 2020, Miroirs de nos peines en 2023), la Brigade Verhoeven (Rosie en 2018, Irène en 2019, Alex en 2021), Cadres noirs (trois tomes entre 2022 et 2024), Le Grand monde (one shot, 2025)
** on doit en effet à Dominique Monféry les adaptations de La Neige en deuil (Rue de Sèvres, 2023, d’après Henri Troyat) et Une pour toutes (Rue de Sèvres, 2024, d’après Jean-Laurent Del Socorro)

© Le Serpent Majuscule – Pierre Lemaître, Dominique Monféry – Rue de Sèvres, 2025
Informations sur l’album :
- Scénario : Pierre Lemaître
- Dessin : Dominique Monféry
- Couleurs : Dominique Monféry
- Éditeur : Rue de Sèvres
- Date de sortie : Le 12 mars 2025
- Pagination : 128 pages en couleurs

© Le Serpent Majuscule – Pierre Lemaître, Dominique Monféry – Rue de Sèvres, 2025
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