Le Secret de Wabisabi – T1 de A-lan

La nouvelle série de Thomas Labourot et des BeKa, “A-Lan”, nous déplace d’une petite centaine d’années dans le futur. Si la technologie informatique y est poussée à son paroxysme, la BD révèle quelques failles qui nous sont bien contemporaines. Le premier épisode « Le secret de Wabisabi » plante le décor, ou plutôt installe le bios : un préalable à la découverte d’une série réservée aux geeks ? Pas sûr !

Couverture de l'album Le Secret de Wabisabi
Couverture de l’album Le Secret de Wabisabi © A-lan – Beka et Thomas Labourot – Dupuis

Emoji est étudiant. C’est un développeur surdoué, mais aussi un jeune garçon asocial. Il ne quitte jamais sa chambre située au cœur de l’université de Polsab. D’ailleurs, “S’il a choisi d’étudier la programmation, ce n’est pas pour voir du monde… C’est pour ne jamais devoir sortir de sa chambre.” Toutefois, sa vie d’ermite est menacée : son université l’oblige à effectuer un stage à l’extérieur “dans le monde réel”  sous peine de perdre son refuge estudiantin. Malgré son talent pour hacker les codes informatiques les plus sécurisés du monde, il ne parvient pas à pénétrer dans le programme qui lui permettrait de se débarrasser de cette obligation. Emoji n’a plus le choix : effectuer ce stage ou retourner vivre chez ses trois mères !  Ce qu’il ignore encore, c’est que cette mission l’amènera à côtoyer la célèbre et mystérieuse hackeuse Wabisabi qui lutte contre le roi du Dark Web en utilisant des langages de programmation oubliés de tous. Ceux du début de notre bon XXIe siècle.

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© A-lan – Beka et Thomas Labourot – Dupuis

Sous ses allures de série pour passionnés de technologies, usant d’un vocabulaire caricatural propre aux codeurs et autres développeurs informatique (algorithme, dark web, avatar, réalité virtuelle, etc.), le scénario des BeKa nous interroge sur différentes facettes d’une société futuriste qui se fracasse contre notre réalité contemporaine. Chacun des personnages, héros ou méchants, ayant une relation particulière – parfois même toxique – avec ses parents, qu’ils en soient les géniteurs directs ou une intelligence artificielle capable de procurer davantage d’amour et de soutien qu’un être de chair et d’os.

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© A-lan – Beka et Thomas Labourot – Dupuis

Dans cet univers futuriste, d’autres aspects nous ramènent à notre société de consommation actuelle : le robot-taxi ne démarre qu’après la diffusion d’une page de publicité et la production des robots I-Kea est délocalisée sur la lune : “ Les matières premières y abondent, et les contrôles sont moins fréquents que sur la terre.” L’avantage des robots de la célèbre marque , c’est qu’ils sont facilement personnalisable au point de leur faire aimer la série “Virtual Walking dead”. Autre référence: on y apprend que le Coinbit est la monnaie la plus utilisée en Europe et que seule la Grand-Bretagne utilise l’Euro depuis qu’elle l’a adoptée en 2097, soit presque un siècle après sa création.

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© A-lan – Beka et Thomas Labourot – Dupuis

Côté dessin et couleur, le travail de Thomas Labourot est faramineux. Il passe allègrement d’un univers à un autre, entre les différentes réalités, qu’elles soient virtuelles ou non, nous embarquant dans des ambiances parfois en totale opposition. Les couleurs jouent un rôle essentiel dans ce récit où les tonalités criardes de succèdent, symbolisant différents lieux : le magenta du laboratoire du Grand Troll, le jaune prédominant dans la maison de la célèbre Wabisabi. Les scénaristes ont donné du pain sur la planche à Labourot en l’envoyant dessiner des scènes dans les deux mondes, de la tranquille petite chambre d’étudiant aux décors futuristes des grandes surfaces, aux enseignes incompréhensibles pour les humains de notre époque. Même les fonds des gros plans sont travaillés avec des formes géométriques évoquant un univers digital omniprésent.

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© A-lan – Beka et Thomas Labourot – Dupuis

Avec plusieurs niveaux de lecture, A-Lan est une série grand-public. D’ abord, elle semble un peu “simpliste”, comportant quelques poncifs faciles. Le lecteur qui aura une approche attentive des textes s’apercevra que le récit est beaucoup plus subtil. Sans totalement dénigrer l’omniprésence d’une technologie qui présente quelques bons côtés, l’histoire dénonce l’absurdité et les mauvais côtés d’une société ultra-connectée et de ses dérives qui trouvent ses fondements dans la virtualisation excessive et rapide de nos vies au cours de ce premier quart de XXIe siècle.

Chronique écrite par Bruce RENNES

Informations sur l’album

  • Scénario : BeKa
  • Dessin : Thomas Labourot
  • Couleurs : Thomas Labourot
  • Éditeur : Dupuis « Tous publics »
  • Date de sortie : 1er juillet 2022
  • Pagination : 64 en couleurs
  • Format : 218 x 300

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