Le pasteur Sanglant

9 ans qu’on n’avait pas eu d’album inédit de SODA, 18 ans que Bruno Gazzotti n’y avait pas mis les mains, Olivier Bocquet (FRNK) prend la relève du regretté Philippe Tome… trois raisons pour faire de l’album Le pasteur Sanglant – Soda un événement de taille dans le petit monde de la BD.

© Soda – Olivier Bocquet et Bruno Gazotti – Dupuis — © Soda – Olivier Bocquet et Bruno Gazzotti – Dupuis

David Solomon, lieutenant de la police de New York, se réveille régulièrement en sueur après des rêves inavouables où il tue sa mère. Soda n’y prête pas plus de cas : la mascarade à laquelle il se livre depuis des années pour épargner le cœur fragile de sa mère devait bien finir par affecter son psychisme. Cependant, la même nuit, la broche crucifix de son costume de pasteur a disparu. Quand le même lieutenant Soda se fait accuser par la victime d’une agression dont il est chargé de l’enquête, le doute n’est plus permis : il y a quelque chose qui cloche.

Le pasteur Sanglant - Soda – Olivier Bocquet et Bruno Gazotti – Dupuis — © Soda – Olivier Bocquet et Bruno Gazzotti – Dupuis

Après un album numéro XIII paru en 2014, dessiné par Dan Verlinden (le Marie-Ange Nardi de la BD), et le décès subit de Tome en 2019, les éditions Dupuis ont clairement soigné le retour de cette série classique du polar noir dont la qualité ne s’est jamais démentie. Au scénario, une étoile montante du journal de Spirou, au parcours atypique, met la main à la pâte : Olivier Bocquet, fort du succès de sa série préhistorique Frnk, forge un bijou de scénario aux multiples rebondissements et infiniment respectueux de la bible rédigée par Tome. De fait, tous les ingrédients, même plus ou moins attendus ou déjà-vus, sont réunis de façon très habile, des personnages secondaires aux pièces de puzzle disséminées innocemment tout au long de l’histoire pour se rassembler au dénouement. Bocquet prend en outre le parti de renvoyer le personnage à la genèse de la série, dans les années 80. Il prend le temps de planter le décor, ne brusque jamais le rythme, et laisse le lecteur s’imprégner de l’ambiance sordide d’un New York glauque et poussiéreux agrémenté de tubes cathodiques, de téléphones à cadrant et de machines à écrire à ruban.

Comme pour mieux faire le lien entre la précédente époque et la nouvelle, Gazzotti reprend les rênes de la série qui l’a rendu célèbre, après avoir été accaparé de nombreuses années par le succès retentissant de Seuls (sc. Fabien Vehlmann). Son trait fin caractéristique à la plume tranche avec le style plus épais et nerveux de Dan, et renvoie directement les nostalgiques aux grandes heures de la série, quand il a pris la suite de Luc Warnant. Toute éventuelle réticence sur le nouveau scénariste s’en trouve instantanément reléguée aux oubliettes.

Réjouissante de bout en bout, cette nouvelle cuvée (présentée par l’éditeur comme une sorte de « reboot » qui annule le tome 13 – ??? – mais pourtant dépourvue de numérotation) signe le retour gagnant d’un personnage et d’un univers exceptionnels, et constitue le plus bel hommage possible à un créateur non moins exceptionnel.

Chronique écrite par Philippe BARRE