La Bête le T1 du Marsupilami par...

Un Marsupilami noir, une ambiance glauque, un contexte de misère sociale, des trafics sordides… Et pourquoi pas ? La Bête, est une revisite franchement fascinante, quoique très peu humoristique, d’un personnage mythique qui ne peut que fasciner ou rebuter.

Couverture de l'album La Bête — © La Bête – Frank Pé et Zidrou – Dupuis

La couverture donne le ton : on reconnait bien la bête, sa fourrure jaune tachetée et sa queue interminable ne laissant aucun doute, mais son expression est sombre : dans une semi-pénombre, il a l’œil noir et l’attitude défensive. Zidrou et Frank Pé, déjà familiers de l’univers de Spirou et Fantasio depuis la maintenant classique « Lumière de Bornéo » (2016), nous annoncent d’emblée le concept : une Histoire du Marsupilami revisitée, bien loin des canons fantastico-comiques de son créateur, Franquin.

Planche de l'album La Bête — © La Bête – Frank Pé et Zidrou – Dupuis

Arrivant à Bruxelles par un paquebot rempli d’animaux exotiques divers, vraisemblablement produits d’un trafic, le Marsu s’échappe pour être recueilli par François, un petit garçon au grand cœur qui recueille des animaux perdus ou malades. Curiosité pour ses camarades de classe et pour M. Boniface, l’instituteur, « Longue-Queue » (en Wallon dans le texte) n’en reste pas moins un animal sauvage au comportement imprévisible…

Situant l’action dans la Belgique de l’après-guerre, Zidrou tisse une toile de fond dramatique à son histoire : du trafic d’animaux aux origines franco-allemandes du petit François, les 2 protagonistes ont ceci de commun d’avancer au milieu de vents contraires. Le traitement, jamais larmoyant et non-dénué d’humour, est en revanche d’une douceur irrésistible et l’attachement du lecteur à ce petit univers – François, sa maman, Boniface, les animaux… – est immédiat. Nul besoin de vanter les mérites du dessin de Frank : trombines savoureuses et mise-en-scène souple et aérée, tirant parti de l’épaisseur du volume (155 pages). On souligne toutefois avantageusement la qualité de la colorisation, où le sépia, le gris pale, l’orange clair et le vert d’eau dominent, rendant à merveille l’ambiance pluvieuse et poussiéreuse de la Belgique après la tempête.

Même s’il ne mettra pas d’accord les « progressistes » et les « conservateurs » en ce qui concerne ces héros légendaires remaniés et/ou modernisés, tendance accrue ces dernières années chez les éditions Dupuis, le lecteur ne saurait bouder son plaisir à la lecture d’une belle histoire émouvante qui a le mérite de renouveler notre regard sur un personnage emblématique.