Kernok le pirate
Déjà adapté en mai 2024 par Frédéric Brrémaud et Allessandro Corbinetti chez Glénat, le roman Kernok le Pirate d’Eugene Sue (1804-1957) a déjà le droit à une nouvelle allitération dans le neuvième art, chez Oxymore. Et, là aussi, un auteur de grand renom est à la barre, en la personne de Riff Reb’s.

© Kernok le pirate – Riff Reb’s – Oxymore, 2025
Poussé par sa femme superstitieuse, l’impitoyable capitaine pirate Nicolas Kernok consulte une sorcière bretonne qui lui prédit qu’il mourra sous treize jours, avec sa belle. Pourtant, à son retour sur mer, la fortune sourit au capitaine puisqu’un navire marchand, relativement vulnérable, croise la route maritime de sa terrible Hyène, nom de son bateau. Victoire facile de Kernok et de son équipage qui découvrent des cales bien fournies en or. Une grande fête, alcoolisée évidemment, s’impose toute la nuit suivante mais au matin, un autre navire, beaucoup plus menaçant, est en vue.

© Kernok le pirate – Riff Reb’s – Oxymore, 2025
« Jurer sur la Bible de ne jamais croire en Dieu »
Bien que mort, en exil, à l’âge de cinquante-trois ans, Marie-Joseph Sue, dit Eugène Sue, a écrit plus d’une cinquantaine d’ouvrages, aussi bien des romans d’aventure que des essais politiques, des pièces de théâtres et plus encore, tout en ayant été chirurgien militaire et député républicain socialiste. Libre penseur et dandy, ce filleul de l’impératrice Joséphine est devenu une figure incontournable du roman populaire, principalement connu pour ses feuilletons historiques Les Mystères de Paris et Le Juif errant. C’est pourtant le premier roman d’Eugène Sue que Riff Reb’s a décidé d’adapter en bande dessinée. Écrit en 1830, Kernok le Pirate dépeint les derniers jours de la carrière de flibuste d’un grand capitaine fictif, un court récit riche en humour noir et scènes sanglantes et cruelles.

© Kernok le pirate – Riff Reb’s – Oxymore, 2025
En dehors de quelques mésaventures, dont un changement de navire pour Kernok, Riff Reb’s garde l’essentiel du récit de Sue, ainsi que son ton férocement ironique, tout en développant l’aspect destin et fatalité du pirate. L’auteur n’édulcore en rien la cruauté de l’intrigue, ne cherchant jamais à faire du capitaine un glorieux et romantique libre penseur des mers. Non, Kernok, lui, il massacre aussi bien ses ennemis que les membres blessés de son équipage lorsqu’ils deviennent d’inutiles bouches à nourrir et, surtout, à hydrater. Et pourtant il les aime, ses fidèles matelots. Pour eux, il organise même un grand feu de joie en incendiant un navire anglais capturé, sous les cris des Britanniques que le pirate avait pris soin de laisser dans leur bateau… Dans cette scène, Riff Reb’s se permet une petite fantaisie en ajoutant l’explosion de feu d’artifices depuis les cales du navire perdu.

© Kernok le pirate – Riff Reb’s – Oxymore, 2025
« Moi aussi je sais plomber l’atmosphère »
Après avoir travaillé au début des années 80 sur la célèbre série animée Les Mondes Engloutis, Dominique Duprez, alias Riff Reb’s, pseudonyme qui symbolise son amour pour le rock et le punk (les riffs de guitare de cette musique rebelle), a publié sa première bande dessinée en 1985, avec Le Bal de la Sueur. Puis, peu à peu, il a multiplié les prix et acquis une jolie notoriété, notamment grâce à Le Loup des Mers, en 2012, et au diptyque Le Vagabond des Étoiles, entre 2017 et 2020, deux œuvres adaptées de l’écrivain Jack London. Avec son amour des récits marins sombres et sa grande capacité à adapter des œuvres littéraires, Riff Reb’s était incontestablement fait pour rencontrer le terrible pirate d’Eugène Sue.

© Kernok le pirate – Riff Reb’s – Oxymore, 2025
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le one shot édité par Oxymore, dans sa collection Noctambule, tient toute ses promesses. Le récit originel était riche en humour noir et en violence brute, les planches de Riff Reb’s le sont tout autant. Découpée en chapitres, la narration est drôle, émouvante même parfois, et toujours captivante. La mise en scène, généreuse et dynamique, parfaitement ancrée dans des gaufriers pourtant très classiques, propose des moments de bravoure impressionnants dans les combats, épiques dans les vues marines, intenses lors des scènes de haute tension, mais aussi souvent burlesques ou d’une simplicité touchante, comme lors de certains dialogues désespérés ou, au contraire, pleins d’une tendresse et d’une complicité trop rares dans la vie de ces pirates.

© Kernok le pirate – Riff Reb’s – Oxymore, 2025
Avec ses superbes planches dynamiques que la colorisation sublime, chaque chapitre ayant sa teinte dominante, Kernok le Pirate version Riff Reb’s est un magnifique album. Les tronches des pirates sont ultra charismatiques et les scènes maritimes de toutes beauté. Même les paysages terrestres sont particulièrement soignés. Ce graphisme abouti se met au service d’un récit captivant et très rythmé qui fait de cette nouvelle version BD du roman d’Eugène Sue une des œuvres les plus intéressantes dans le domaine, très riche ces dernières années, de la piraterie du Neuvième Art.
Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard
Informations sur l’album :
- Scénario : Riff Reb’s, d’après Eugène Sue
- Dessin : Riff Reb’s
- Couleurs : Riff Reb’s
- Éditeur : Oxymore
- Date de sortie : Le 22 octobre 2025
- Pagination : 116 pages en couleurs
Consultez la liste de nos librairies partenaires pour vous procurer l’album Kernok le pirate









