Journal de 1985

Le roman 1984 de George Orwell, publié en 1949, décrit les conséquences d’une société totalitaire où la surveillance de masse est devenue réalité. En 2021, Xavier Coste a brillamment adapté cette dystopie en BD. Il se lance cette année, en compagnie de Philippe Börgn, dans le pari audacieux d’imaginer une suite à l’histoire imaginée par George Orwell.

24 janvier 1985, an I du nouveau régime. Un individu cagoulé tague un visage géant sur le mur d’un immeuble de Londres. L’ayant repéré par une caméra, la milice essaie de l’appréhender. L’homme fuit. Dans la précipitation, un livre tombe de sa poche : le « livre de Winston ».

Big Brother is back !

Londres est sinistre : les militaires patrouillent, la ville est en ruine, la population appauvrie et résignée. La neige tombe, les bombes aussi. C’est la guerre et l’attentat du 8 décembre 1984 (un acte de sabotage commis contre le ministère de l’abondance) a permis à Big Brother de concentrer encore plus ses pouvoirs.

La découverte du Livre de Winston contrarie le régime et particulièrement O’Brien, le haut fonctionnaire qui tortura Winston Smith dans 1984 et qui sera finalement victime de ses propres consignes.

Dans 1985, l’idée qu’une résistance existe et qu’une révolte serait possible émerge avec le personnage de Lloyd qui vit et travaille dans le Londres de Big Brother mais qui est également membre d’une organisation secrète de résistance. Nous suivons son quotidien, ses peurs, ses doutes, ses actions. Un système narratif de journal intime nous fait également découvrir sa famille, son passé, ses erreurs et ses regrets.

L’ignorance, c’est la force

Dès les premières pages, l’ambiance anxiogène étreint le lecteur pour ne plus le quitter. Les scènes de vie quotidienne avec toujours en fonds, cette présence, ce regard de Big Brother qui semble omniscient, oppresse : un leader à la fois omniprésent par l’image, mais totalement invisible aux yeux de son peuple.

Le traitement de l’architecture est spectaculaire, tout particulièrement les monuments de style soviétique qui incarnent le culte forcé de la personnalité propre aux dictatures.

Xavier Coste a su imposer un style graphique qui joue un rôle crucial dans l’incarnation du totalitarisme grâce à des pleines pages superbes et froides ou encore des doubles pages noires pour laisser au lecteur le temps de digérer une atrocité. Toujours au bord de l’esquisse, tout en bichromie, le trait de Xavier Coste est acéré, froid et coupant, mais totalement en phase avec l’univers sombre d’Orwell.

Avec cet album de 270 pages au format carré, Xavier Coste et son co-scénariste Philip Börgn nous proposent avec talent une suite puissante mais terriblement pessimiste au 1984 de George Orwell.