Interview d’Élodie Garcia, autrice du Pêcheur de rêves
Les Amis de la Bande Dessinée ont choisi le Pêcheur de rêve d’Élodie Garcia comme album «coup de cœur » du mois de juin 2024. A cette occasion, Élodie a aimablement accepté de nous accorder un entretien le jeudi 13 juin 2024 pour nous parler d’elle et de son travail.
Les Amis de la bande dessinée : Bonjour Élodie et merci de nous donner un peu de ton temps pour Les Amis de La Bande Dessinée, ça tombe à merveille car ton album le Pêcheur de Rêves est notre coup de cœur du mois de juin !
Élodie Garcia : Oui !! mais je connaissais un peu le site des Amis de la Bande Dessinée, j’avais vu rapidement deux – trois trucs passer et j’étais étonnée, contente, je me suis dit «Wahouuu !!! trop bien».
Les Amis de la bande dessinée : Pour la chronique j’espère ne pas avoir dit trop de bêtises (rires)
Élodie Garcia : Ah non c’est bien j’étais là Wahouuu !! ah ok, ça c’est une chronique sympa dis donc, très bien.
Les Amis de la bande dessinée : Alors dis nous, d’où te vient ce goût pour la bande dessinée, quelles ont été tes influences et quel a été ton parcours ?
Élodie Garcia : Le goût de la bande dessinée ? alors en fait je n’avais pas du tout prévu de faire de bande dessinée. J’ai toujours aimé ça, je vais dire un petit peu comme tout le monde, sans réelle passion vraiment. C’est quand j’ai commencé à écrire ma première histoire, Le Silence de l’Ombre. Au début, je voulais en faire un album jeunesse et c’est un auteur que j’ai rencontré un petit peu par hasard, qui m’a dit «mais tu devrais essayer en BD», et je me suis dit «mais non je ne sais pas faire». Et finalement de fil en aiguille, j’ai beaucoup réfléchi et je me suis dit «bon je vais le tenter».
J’ai présenté mon projet au festival jeunes talents d’Angoulême en 2020, je crois et c’est de là que j’ai commencé à faire de la BD, mais c‘est plus ou moins par hasard quand même. Donc des influences je n’en ai pas vraiment techniquement, enfin il y a beaucoup d’auteurs que j’aime, mais en terme d’influences pas vraiment finalement.
Les Amis de la bande dessinée : Tu avais déjà fait des albums jeunesse avant ?
Élodie Garcia : Non, rien du tout, en fait je travaillais en tant que graphiste, j’ai eu un diplôme de communication visuelle, même si j’ai toujours dessiné et il y a un prof qui m’avait dit pendant ce BTS «mais pourquoi tu ne partirais pas en illustration», parce qu’il y avait une classe d’illustration. J’ai refusé en me disant que je ne trouverai jamais de travail dans l’illustration, et je voulais du travail avant tout.
Les Amis de la bande dessinée : Oui d’autant plus que ça paie bien la bande dessinée !! (rires)
Élodie Garcia : Oui ça paie très bien et puis on est tellement certain d’avoir du travail en plus, c’est génial (rire). Donc non, j’avais trop peur, on me disait que c’était très dur de rentrer, ce qui est vrai, donc je me suis dit «quitte à avoir un diplôme autant qu’il me serve quand même». Donc j’ai passé mon diplôme, et après j’ai travaillé sur Paris pendant 3 ans car je ne trouvais pas de boulot sur Bordeaux.
Après ces 3 ans, je me suis rendue compte que je n’étais pas très heureuse dans ce que je faisais, même si c’était sympa, et puis j’ai voulu me lancer dans le dessin en me disant «voilà maintenant il faut que je tente». Comme entre temps j’ai déménagé sur Bordeaux pour suivre mon conjoint, c’était l’occasion de le faire car je n’avais plus de boulot. Je me suis dit «soit je recherche du travail dans le graphisme, soit je me prend un an, je dessine et je fais ce que j’ai envie de faire pour moi pour une fois», donc c’est ce que j’ai fait.
Les Amis de la bande dessinée : Donc c’est une activité à plein temps ?
Élodie Garcia : Oui tout à fait.
Les Amis de la bande dessinée : Les retours du Pêcheur de Rêves sont comment ?
Élodie Garcia : Franchement ça va, l’album se vend bien, bon c’est pas un best-seller non plus mais il se vend bien, mon éditeur est content, donc tant mieux, même si pour le moment une suite n’est pas encore envisagée.
Les Amis de la bande dessinée : Tu avais imaginé une histoire en plusieurs tomes ?
Élodie Garcia : Au début c’était en one-shot, et une idée de suite m’est venue un peu avant de terminer l’album, je l’ai proposé, mais un peu tard, donc c’est un peu de ma faute. Bon après on verra, rien est définitif, il faut encore attendre un petit peu pour savoir.
Les Amis de la bande dessinée : Tu abordes avec le Pêcheur de Rêves le sujet du deuil avec une part de fantastique, pourquoi à nouveau ce thème ?
Élodie Garcia : Pour mon premier livre, le thème du deuil est venu quand j’ai commencé à dessiner, quand j’ai pris mon année et suite au décès de ma tante, j’ai eut le déclic de me dire «bon la vie est un peu courte …», voilà c’est cliché, mais c’est vrai, c’est ce que je me suis dit et j’ai commencé à dessiner un peu ce que je ressentais à ce moment là, c’était vraiment une envie très très forte. J’avais pas l’idée de faire un livre, c’était d’abord vraiment pour moi, donc c’est comme ça que c’est arrivé. C’est vraiment venu de quelque part, c’était pas juste «Ah tiens je vais faire des livres!!».
Et le Pêcheur de Rêves, alors c’est marrant parce que moi je l’ai pas vraiment vu, enfin je sais pas comment dire, quand je parlais du deuil, moi je savais que le grand-père n’était pas mort, que c’était davantage une disparition, donc forcément Maël est perturbé, il cherche des réponses, mais c’est un deuil sans en être un, oui c’est quand même un deuil mais je sais pas comment dire, expliquer ce que je dis …
Les Amis de la bande dessinée : En tant que lecteur il y a les deuils du grand-père et de la sœur, les deux sont disparus. Pour moi disparus en mer j’interprète qu’ils sont morts donc je fais la référence au deuil.
Élodie Garcia : Oui, non c’est vrai, mais moi le deuil c’était plus par rapport à Naya, c’est marrant. Oui parce que effectivement les parents ont quand même perdu leur fille, c’est horrible.
Oui oui, mais c’est vrai que c’est un thème que j’aborde beaucoup, même dans une histoire que j’avais commencé à écrire, bon que j’ai présenté nulle part, mais j’en parle aussi. Je pense que c’est plus inconscient pour le coup, je pense que c’est plus ça.
Les Amis de la bande dessinée : En lisant la chronique tu as du voir que je me suis amusé à chercher les références que tu as dissimulées tout au long de ton scénario, dis nous c’est un jeu, c’est un plaisir, c’est inconscient ?
Élodie Garcia : Ah oui c’est conscient, c’est fait exprès, j’avoue que je m’amuse beaucoup à faire cela. En fait, j’aime donner un sens à tous mes personnages, à tout. C’est-à-dire que j’aime bien écrire des histoires mais j’aime bien que ça veuille dire quelque chose. Par exemple Naïa c’est par rapport aux naïades.
Les Amis de la bande dessinée : Oui et Naïa est un prénom basque je crois aussi, il y a également le nom de la cité d’Hilerria qui veut dire cimetière en Basque et qui nous indique le lieu où se passe l’histoire ?
Élodie Garcia : Oui le lieu j’ai pas trop réfléchi mais c’est un peu le sud oui c’est ça, j’ai cherché comment on dit cimetière en basque et j’ai trouvé le mot super, j’ai fait « ok super on continue ». Et tous les noms comme ça, y a aussi Ernest qui est le nom d’un écrivain, il y a Sedna en référence aux esprits de l’eau, tout ça, enfin je me suis bien amusée, ça m’éclate trop de faire ça. C’est comme dans mon premier livre, j’ai fait un peu la même chose. L’héroïne s‘appelle Aïko, en japonnais ça veut dire enfant de l’amour, et en fait comme elle a perdu sa mère, voila c’était par rapport à ça enfin bon bref, c’est un truc il y a que moi qui l’ai vu mais c’est pas grave (rire).
Les Amis de la bande dessinée : Oui mais c’est bien car ça offre une deuxième lecture.
Élodie Garcia : Oui c’est ça, il y a aussi des petites références visuelles très discrètes.
Les Amis de la bande dessinée : Le petit côté «défense des océans» c’était un souhait de départ ?
Quand j’ai commencé à l’écrire j’avais pas la volonté de faire un message écologique mais c’est venu tout seul et finalement je me suis dit que se serait intéressant d’en parler mais de manière assez douce et soft. Je ne voulais vraiment pas taper sur les doigts des pêcheurs et je ne voulais pas que ce soit moralisateur du tout pour juste dire «les humains c’est des méchants et l’eau c’est gentil» parce que c’est un peu facile. Donc, c’est pour ça que Sedna, est un peu le personnage ambigu dans l’histoire quand même et pourtant elle n’est pas mauvaise, c’est un animal qui a été maltraité et tout ça mais voila, je trouvais intéressant de faire réfléchir sur l’écologie mais d’une autre manière.
Les Amis de la bande dessinée : Comment t’est venue l’idée générale de l’histoire ?
Élodie Garcia : Réponse bizarre, sous la douche (rire). En fait je me raconte tout le temps des histoires, j’en écrit beaucoup beaucoup beaucoup, souvent des très nazes, et celle là elle est venue un peu toute seule j’ai envie de dire. Moi je suis pas loin de la mer, donc c’est toujours un environnement qui m’a attiré, j’y vais tout le temps, même en hiver, et c’est vrai que j’avais envie de raconter un truc sur l’eau, de parler de l’eau, je sais pas, c’est venu comme ça. Plusieurs idées qui se mélangent, les premiers jets c’était le bazar ça aurait été dur à lire.
Les Amis de la bande dessinée : Pour les dessins tu fonctionnes comment ?
Élodie Garcia : Les dessins je fais tout à la main, par contre je ne travaille pas sur une planche traditionnelle, c’est à dire que une case ça va être sur une feuille. En général je dessine ma case sur du A4, si c’est une pleine page je fais sur du A3, Après je scanne tout et je mets en page sur mon ordi.
Par contre je colorise à l’ordi. J’aimerai trop coloriser à la main. Je vois un auteur que j’aime beaucoup, Davide Tosello qui fait des dessins superbes avec Blue au Pays des Songes. J’aimerai trop réussir à faire des dessins en couleurs comme lui, mais je n’y arrive pas. J’essaie, mais le problème de coloriser c’est dès que l’on rate bah faut tout recommencer, tout refaire et c’est chaud. Et moi, comme je dessine tout en noir, pour coloriser à la main, franchement, c’est pas évident. Le numérique laisse une marge de manœuvre, si je rate je n’ai pas à tout recommencer. Cela permet de gagner beaucoup de temps.
Les Amis de la bande dessinée : Tu aimes bien les hachures aussi ?
Élodie Garcia : Oui j’aime bien (rire). Je saurais pas l’expliquer, c’est mon dessin des fois j’essaie d’en faire moins mais ça revient, alors je laisse.
Les Amis de la bande dessinée : Pour le Pêcheur de Rêves tu as tout fait toute seule alors que pour le Silence de l’Ombre tu t’étais fait aider ?
Élodie Garcia : Oui là j’ai fait tout toute seule. Le silence de l’Ombre j’ai commencé à l’écrire à la base, j’ai écrit la trame de l’histoire. Mais bon, j’avais pas le milieu, et c’est là que Xavier Bétaucourt est intervenu et aussi pour écrire par rapport à des dessins que j’avais fait, donc c’était assez marrant de travailler comme ça. Pour le Pêcheur de Rêves, au départ, je voulais retravailler avec Xavier, je m’étais dis que ça pouvait être sympa, mais pour le coup j’avais trop écrit, j’avais toute l’histoire, donc il m’a dit lui même «oui moi je peux t’aider mais pour faire le script-doctoring», donc à corriger, à enlever des choses inutiles par exemple, par contre non, il n’a pas scénarisé du coup. Après c’est moi qui ai fait le découpage et les dialogues. C’était un accompagnement un peu différent, mais c’était quand même long et fatiguant. Donc pour le prochain je ne fais pas ça.
Les Amis de la bande dessinée : Donc oui le prochain ?
Élodie Garcia : Alors je peux le dire maintenant parce que j’ai eu une réponse positive il y a deux jours, je suis trop contente !!! On va faire l’adaptation du roman de Serge Brussolo Peggy Sue et les Fantômes
Les Amis de la bande dessinée : Il y a de quoi faire une belle série avec Peggy Sue.
Élodie Garcia : On va commencer par le premier livre et si ça marche et bien on va continuer. Nous on est partantes pour quatre premiers tomes, mais bon, il faut voir si ça marche. Nous, nous sommes prêtes, je vais travailler avec Véronique Grisseaux (Adopted Love, Filles au chocolat, …) qui sera au scénario.
Les Amis de la bande dessinée : Tu ne feras donc que les dessins.
Élodie Garcia : Oui et je ne vais même pas faire la couleur d’ailleurs.
Les Amis de la bande dessinée : D’accord donc tu vas prendre plaisir à faire du noir et blanc car je crois que tu aimes ça ?
Élodie Garcia : Oui voila c’est ça ? Et puis pour tester aussi un peu de travailler autrement.
Les Amis de la bande dessinée : Et un projet de BD en noir et Blanc ?
Élodie Garcia : Et bien le tout premier à la base je voulais le faire en noir et blanc. Mais mon éditrice, comme c’était pour les enfants et que c’était le thème du deuil, tout en noir et blanc elle a trouvé ça peu hard donc on a mis de la couleur. Mais j’aimerai bien et je voulais même le faire muet d’ailleurs, noir et blanc et sans texte et ça j’aimerai vraiment un jour le faire. Mais ça va demander beaucoup de pages et donc il faut un éditeur qui me suive et si il y en a un qui m’entend, je suis là !!! (rire)
Les Amis de la bande dessinée : Tu restes toujours sur le créneau jeunesse, c’est un choix, un concours de circonstances ? Ou le public adulte pourquoi pas ?
Élodie Garcia : Alors c’est vraiment un concours de circonstances franchement adulte moi ça me tenterait bien, là c’est juste que le premier ça c’est fait comme ça, le Pêcheur de Rêves c’était pour les enfants, Bon bah là Peggy Sue ça va être pour les ados, mais si un jour un scénariste arrive ou si moi j’ai une idée, je serai partante. J’ai pas envie de rester bloquée dans une case, oui ça, ça me fait un peu peur et j’ai pas envie.
Les Amis de la bande dessinée : Quelle est la dernière BD que tu as lue ?
Élodie Garcia : Alors la dernière BD que j’ai lue, j’en ai lues plusieurs dernièrement, Attends je vais regarder (rires) Ah si !!! Je suis en train de lire Lighfall de Tim Probert j’adore, ça j’aime beaucoup. Heu, sinon la dernière que j’ai lue elle s’appelait comment ? attends la dernière j’ai oublié le nom, j’en ai pas mal. Attends je cherche dans ma pile, j’arrive !! (rires). Je recommence à en lire pas mal mais bon vu le prix je peux pas en acheter tous les quatre matins non plus. Du coup j’ai lu Dans la Forêt (Lomig) et j’ai fini l’Arabe du Futur (Riadh Satouf)aussi y a pas longtemps.
Les Amis de la bande dessinée : Si tu étais un personnage BD ?
Élodie Garcia : Oh c’est dur ça !! un personnage BD, je serais …. ah si !! John, le détective dans Blacksad (Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido), j’adore parce qu’il est trop cool, il est badass quand même, c’est une panthère en plus, il est cool, j’adore.
Les Amis de la bande dessinée : Avec qui rêverais-tu de collaborer ?
Élodie Garcia : OH LALALA !!! c’est surtout que c’est compliqué car j’ai un problème j’ai du mal a retenir les noms, j’ai vraiment un problème avec ça c’est une catastrophe. J’aime bien Davide Tosello, ce qu’il fait je suis trop fan, par exemple.
Les Amis de la bande dessinée : Pour conclure, y a t’il quelque chose que tu voudrais dire aux amis de la BD ?
Élodie Garcia : Merci déjà d’avoir choisi mon livre en coup de cœur parce que je ne suis quand même pas une grande autrice donc c’est quand même très très chouette et continuez car y a du boulot quand je vois tout ce qui est publié tous les jours vous êtes supers actifs, c’est assez impressionnant.
Les Amis de la bande dessinée : Bon et bien Les Amis de la Bande Dessinée te remercient beaucoup d’avoir joué le jeu de l’interview et nous allons attendre avec impatience ton ton prochain Album. A bientôt.
Élodie Garcia : Merci à vous à bientôt.
Propos recueillis par Xavier G.
Vous pouvez discuter de l’interview d‘Élodie Garcia sur notre groupe Facebook des Amis de la bande dessinée.
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