Les fans de bandes dessinées classiques gardent tous dans leur cœur quelques séries terminées, parfois un peu oubliées, mais qui les ont marqués et ont une place importante dans leur propre histoire. 421 fait partie de celles-ci, et l’intégrale 3 était donc largement attendue des amateurs. Elle reprend les 4 derniers albums de l’agent anglais, publiés à la période rude et charnière pour le 9ème art qu’est la fin des années 1980.

Couverture de l'Intégrale 3 de 421
Couverture de l’Intégrale 3 de 421 © 421 – Stephen Desberg et Eric Maltaite – Dupuis

Le changement perçu à la fin de la 2ème intégrale, dirigeant la série vers plus de réalisme et de sérieux, va s’affirmer encore davantage dans les 4 aventures composant ce 3ème tome. Ainsi « Falco » traite d’un sujet qui sera largement repris dans les années 90 et 2000, celui d’un nationalisme américain, empreint d’une nostalgie malsaine et d’un complexe de supériorité. La dernière aventure, « Le seuil de Karlov » narre la poursuite d’un terroriste assassin assumé ayant franchi le pas vers le Mal. Entre ces 2 histoires figure un dyptique inoubliable où, contre presque tous les codes de la BD classique issue de l’après-guerre, les auteurs nous racontent tour à tour le passé de leur héros et ensuite, celui de celle qui, en exhumant les secrets bien cachés de Jimmy Plant, va lui faire connaitre l’échec de la dégradation. Dans « Les années de brouillard », on suit donc l’enfance aventureuse mais dramatique de celui qui n’était pas encore 421 dans une Asie profonde, dangereuse et menaçante où la mort rode sans cesse. L’album « Morgane Angel » du nom de celle qui a enquêté sur le héros dans l’album précédent, suit le passé de cette dernière, tout aussi sombre et dans lequel notre héros montrera lui aussi un aspect vengeur de sa personnalité.

Page de l'Intégrale 3 de 421.
© 421 – Stephen Desberg et Eric Maltaite – Dupuis

Si, à l’origine de la série, 421 était une sorte d’espion léger, plein d’humour, évoluant dans un univers fantaisiste et très imagé, la fin de sa carrière est toute autre. Un peu désabusé tout en restant charmant et adepte d’un certain humour « so Bristish », Jimmy Plant devient dans cette dernière intégrale un homme au passé flou, seul, sans véritable moteur dans une vie qu’il traverse de façon fataliste. Cet aspect de la personnalité du personnage est renforcé par des scénarios aux thématiques plus adultes, entre ouverture sur le monde et géopolitique réelle. Le langage des histoires est plus cru, les images et situations   une étonnante évolution par rapport au côté rigolard des débuts. On peut ainsi voir dans ces dernières aventures des exécutions brutales  la solitude des personnages, la face morbide de l’existence et même la mort violente d’un enfant. Cette évolution est semblable à celle de S. Desberg qui, en cette fin des années 80 quitte tout doucement la BD classique et semi-réaliste pour aller vers des thèmes plus durs destinés à un public plus averti.

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© 421 – Stephen Desberg et Eric Maltaite – Dupuis

Le dessin d’E. Maltaite poursuit aussi une certaine évolution. Tout en restant dans les canons de l’école de Marcinelle, le trait devient plus rigoureux, précis et assuré. Il devient aussi plus mûr, notamment en illustrant les jolies femmes,   par Morgane Angel, pétillante, charmante en diable et aussi attirante que le dessin de son créateur. Le travail de Maltaite est mis en lumière par l’atmosphère   à chaque planche, renforcée par des couleurs parfaitement , comme dans les scènes de pluie londonienne.

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© 421 – Stephen Desberg et Eric Maltaite – Dupuis

La force d’une intégrale Dupuis est de proposer un dossier ultra complet et passionnant, et celui   en début de volume ne fait pas défaut en la matière. Didier   y explique avec pédagogie et détails le crépuscule de cette série devenue culte. Les nostalgiques du fameux Spirou Magaziiiiine et les amateurs d’histoire de la BD ne croiraient jamais que 421, aujourd’hui mythique, ait été mal aimé de la rédaction du journal et du management Dupuis en général. A  cheval entre réalisme et fantaisie, la collection n’entrait plus dans les critères d’un Spirou qui, en cette période sans pitié de la fin des années 80, luttait pour sa survie quand ses concurrents directs, Tintin et Pilote, vivaient leurs dernières heures.

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© 421 – Stephen Desberg et Eric Maltaite – Dupuis

Dommage que la fin de cette belle série ait été si abrupte. Le dessinateur, sur une impulsion, décida de stopper 421 suite à une séquence lorgnant un peu trop sur James Bond. Maltaite, toutefois, gardera toujours en tête et dans ses crayons l’épopée de Jimmy Plant, comme en témoignent les tentatives de reprise de la série présentées en fin d’intégrale. Celles-ci ont toujours été infructueuses et non suivies par l’éditeur, préférant classer 421 dans les archives de l’histoire de Dupuis. Mais qui sait si l’agent secret britannique ne réussira pas, un jour, un come-back ? Qu’elle ait un possible avenir ou qu’elle se soit terminée sur des albums devenus légendaires, l’aventure de Jimmy Plant dans les années 80 / 90, magnifiée par cette intégrale, n’en restera pas moins un souvenir fort et heureux pour tous ses lecteurs.

Chronique écrite par Mathieu DEPIT

Informations sur l’album

  • Scénario : Stephen Desberg
  • Dessin : Eric Maltaite
  • Couleurs : Eric Maltaite
  • Éditeur : Dupuis « Patrimoine »
  • Date de sortie : 16 septembre 2022
  • Pagination : 264 en couleurs
  • Format : 218 x 300

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