Guerres & dragons tome 3 : Le Kongamato
Après avoir fait intervenir des dragons durant les deux conflits mondiaux, le duo Nicolas Jarry et David Courtois nous font découvrir la guerre civile qui a embrasé l’Angola de 1975 à 2001, bien moins connue du grand public. Ce nouvel album se déroulant en Afrique nous fait donc changer de point de vue d’autant plus qu’il aborde le thème des enfants soldats qui ont été très nombreux sur ce continent marqué par les guerres civiles et interethniques.

Imprégnée des légendes de dragons protecteurs de sa tribu, le destin de la jeune Anica se voit bouleversé quand elle est capturée et engagée de force dans le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA). L’adolescente de 13 ans doit non seulement subir un rude entraînement la préparant aux brutalités de la guerre mais aussi la terreur qu’inspire le général Kassembe avec son dragon. Elle devra faire preuve de résilience pour ne pas perdre son humanité et retrouver sa famille et son village.
Contrôler son dragon intérieur
Le duo de scénaristes choisit de faire du protagoniste à la fois une victime et un acteur de la guerre, les deux étant souvent dissociés dans de nombreuses fictions. À peine la guerre est-elle déclarée qu’elle est directement enlevée par des soldats qui comptent bien faire d’elle une combattante de leur cause. L’album adopte donc le point de vue de l’adolescente pour nous faire découvrir son entrainement et son vécu d’enfant soldat avec toute la sévérité et la brutalité des officiers qui la commandent, elle et les autres guerriers de son âge. Dans ces épreuves difficiles pour un enfant, elle développe des liens avec plusieurs d’entre eux mais le récit ne parvient pas à nous faire ressentir la moindre émotion. Ce manque est d’autant plus marqué dans les scènes où certains compagnons d’armes meurent ou subissent des châtiments.

Comme dans les précédents albums, les dragons ne sont pas nombreux, deux seulement, peu présents, et ont principalement une fonction narrative. Ces reptiles volants évoquent en effet la volonté et la force de caractère d’Anica et de son antagoniste, le général Kassembe. La bête liée à ce guerrier tyrannique n’est autre qu’un instrument de terreur qu’il utilise pour traquer et punir les soldats désobéissants et n’est jamais utilisé à des fins militaires. Celui d’Anica n’intervient qu’au moment où elle développe sa détermination et s’en servira pour pour protéger et libérer. L’affrontement entre ces deux monstres devient inévitable mais il est rapidement expédié sans avoir d’impact émotionnel ou narratif marquant.
À l’inverse des albums précédents, une explication du lien entre humains et dragons est discrètement amenée en mobilisant une vague religiosité et mystique africanisante. Ce point n’est cependant pas très développé, ce qui entretient le mystère du lien et évite aussi de tomber dans l’imagerie clichée de la magie et du mysticisme africain.

Guerres & dragons tome 3 : dans la jungle, terrible jungle
Le réalisme est un parti-pris graphique on ne peut plus pertinent de la part de Paolo Antiga au dessin et d’Arif Prianto à la couleur. En effet, il permet de dépeindre la réalité de la guerre et des environnements, que cela soit les villes ravagées par les conflits, les jungles luxuriantes ou encore la vaste savane. Il en ressort une ambiance très immersive et le lecteur en ressentira l’atmosphère et la chaleur du continent africain. Le trait réaliste des personnages est de la même facture et les rend d’autant plus crédibles et humains.
Cependant la disposition des cases gâche régulièrement le rendu visuel en superposant celles-ci l’une sur l’autre au lieu de les aligner. Cela donne l’impression qu’elles veulent s’interposer visuellement l’une par rapport à l’autre et empêche de profiter pleinement de ce que chaque case peut offrir à l’œil. Seule une grande vignette sur deux cases n’est pas encombrée par d’autres vignettes, devenant ainsi l’unique plan vraiment contemplatif de l’album.

©Soleil – Guerres & dragons tome 3 : Le Kongamato – Courtois, Jarry, Antiga et Prianto.
Déjà présent dans les épisodes précédents, il y a de nombreux textes dans les cases retranscrivant la pensée-voix off de la protagoniste. Ils sont cependant surabondants dans cet épisode au point de distraire l’attention du lecteur, et ce au détriment de l’image, surtout si elle se suffit à elle-même avec un texte redondant.
Explorant le continent africain et une guerre peu connue, ce nouveau tome de Guerres & Dragons fait découvrir au lecteur le parcours d’un enfant soldat cherchant à échapper aux horreurs de la guerre et à la terreur d’un chef militaire tyrannique. Ils finiront par s’affronter avec leurs dragons respectifs, émanations de leurs pensées et volontés mais qui ne seront pas mobilisés sur le champ de bataille. La surabondance de textes, de cases superposées empêchent de profiter de la richesse visuelle de l’album et l’impact émotionnel ne se fait pas ressentir tout au long du récit exposant pourtant le point de vue des victimes et acteurs du conflit.

Une chronique écrite par : Stéphane Triquoit
Informations sur l’album :
- Scénario : Nicolas Jarry et David Courtois
- Dessin : Paolo Antiga
- Couleurs : Arif Prianto
- Éditeur : Soleil
- Date de sortie : Le 30 octobre 2024
- Pagination : 56 pages en couleurs