Food Truck War tome 1 : Fuck the Wankers
Quand on a un concept aussi fort et décalé que des Food Trucks justiciers nocturnes, autant pousser tous les curseurs à fond, non ? Alors c’est parti pour une folle virée sur fond de courses poursuites, d’une drogue qui transforme les gens en véritables zombies affamés, de guerre territoriale mafieuse, de complot politico-financier, de traders as de la gâchette, d’un tueur à gages en mode Big Lebowski, de bonnes grosses bastons décomplexées, de gros camions dangereusement trafiqués et de tacos bien gras. Avec le défi que tout ce méli-mélo déjanté s’assemble dans un récit qui se tient. Bon appétit, les frites sont servies !
© Food Truck War – Jarry/Audino/Cerutti – Oxymore, 2025
New York 1984. Eddie Reed a fui son ancienne vie pour devenir Edgar Palmer, une caricature du trader arriviste. Belle gueule, égoïste et nombriliste, l’homme a des valeurs plutôt aléatoires mais une réussite indéniable. Tout bascule quand son patron le piège afin d’en faire le coupable d’une malversation financière sur le point d’être dévoilée. Laissé pour mort par son ami et collègue Bob, Edgar reprend sa réelle identité, et revient à son ancienne vie de Food Truck Boy. Son ex Brooke, journaliste, le croit mort mais tente tout de même de prouver son innocence. Elle tombe rapidement sur un complot politico-financier en rapport avec une drogue faisant des ravages à New York.
© Food Truck War – Jarry/Audino/Cerutti – Oxymore, 2025
« Des friteuses à l’arrière, des calibres à l’avant »
Nicolas Jarry est un auteur des plus prolifiques. Si ces œuvres les plus connues lorgnent plutôt vers la fantasy premier degré, avec des titres issus de l’univers des Terres d’Ogon (Elfes, Nains, Guerres d’Arran…) ou de mythes et légendes (Brocéliande, l’Anneau des Nibelungen, Troie…) sans oublier des séries cultes comme les Brumes d’Asceltis ou le Crépuscule des dieux, le scénariste n’en est pas à son premier concept un peu fou. On lui doit, en effet, Guerre et Dragons, chez Soleil. Pour ce nouveau titre, il délaisse les créatures mythiques pour des monstres faits d’acier, les food trucks.
© Food Truck War – Jarry/Audino/Cerutti – Oxymore, 2025
Plaçant son récit dans les années 1980, il imagine un New York dans lequel la mafia règle ses comptes à coup de camions de hot dog ou de tacos, sous la bénédiction de la police. En effet, les food trucks sont confiés à ceux que l’on surnomme les « Fry Sheriffs », cuistots le jour, justiciers la nuit, qui font respecter la loi dans les rues de la grosse pomme pourrie. Un concept fun rapidement expliqué mais très facilement acceptable tant le contexte de l’album est jouissif, avec ses affrontements à pleine vitesse et ses véhicules customisés façon Agence Tous Risques.
© Food Truck War – Jarry/Audino/Cerutti – Oxymore, 2025
« Vous avez fait chier le mauvais trader »
Food Truck War, ce ne sont pourtant pas que des courses poursuites nocturnes. Nicolas Jarry tisse un New York crédible autour de son concept, avec ses traders impitoyables, ses politiciens véreux, ses mafieux qui tissent leur toile et ses habitants qui tentent de vivre ou survivre, en oubliant plus ou moins leur conscience à la maison. Et côté personnages, ce premier tome est un régal, surtout pour ce qui est des rôles secondaires. Assez caricaturaux, peu crédibles, ils offrent la galerie parfaite à l’absurdité du monde de Food Truck War avec leur gouaille riche en fameuses punchlines et leur grande facilité, aussi bien technique que morale, à dézinguer tout ce qui dérange. Pas crédibles donc, mais jouissivement jusqu’au-boutistes !
© Food Truck War – Jarry/Audino/Cerutti – Oxymore, 2025
Hélas, Palmer paraît assez peu captivant à côté des autres acteurs. Un anti-héros classique mais dont l’évolution est un peu trop radicale. Difficile d’imaginer Eddie, blessé et en fuite, devenir sans vergogne ce trader insupportable et arriviste, bien que le retour en arrière soit mieux construit. Même si la narration, faite de ses pensées, montre un certain cynisme chez lui, ce n’est pas suffisant à rendre son changement intéressant ou attachant. Finalement, le protagoniste semble bien lisse face à ses camarades ou adversaires, et c’est surtout Yu, une jeune asiatique qu’Eddie a sauvée des Zombs et prise comme second aux fourneaux, pour les combats, et Brooke, pour l’avancée de l’intrigue qui tiennent le devant de la scène avec brio.
© Food Truck War – Jarry/Audino/Cerutti – Oxymore, 2025
« God and gun bless America, compagnons ! »
Tous ces personnages, déjà hauts en couleurs, sont, en plus, sous la menace, des Zombs, des personnes qu’une drogue transforme en infectés dignes de 28 jours Plus Tard. Parce que, non, des bastons au sabre, des fusillades, des poursuites à 100km/h en plein New York, ça ne suffisait pas à Nicolas Jarry. Tous ces concepts ne se dispersent pourtant pas façon puzzle. Au contraire, l’intrigue est dingue mais cohérente, les différents enjeux se mettent en place logiquement, petit à petit, se croisant ou se réunissant parfois même : l’innocence d’Eddie, son passé familial et sentimental qui refait surface, le complot politico-financier, les relations entre les mafieux, la culpabilité de Bob, la drogue…
© Food Truck War – Jarry/Audino/Cerutti – Oxymore, 2025
Food Truck War est la première bande dessinée parue en France, après deux titres dans son pays natal, du jeune dessinateur italien Edoardo Audino. Et quelle entrée en matière ! Si les yeux des personnages peuvent, au début, troubler le lecteur, avec leur aspect manga et soulignés durement au mascara, les bonnes tronches qu’il propose font très vite oublier, et même accepter volontiers, ce détail. Sa mise en scène ultra dynamique et cinématographique fait mouche à chaque phase d’action et il maîtrise tout autant les moments de tension entre les personnages, tous plus charismatiques les uns que les autres. Avec des décors superbes, mis encore en valeur par le travail impeccable de Laura Cerutti aux couleurs, Food Truck War est un régal pour les yeux.
© Food Truck War – Jarry/Audino/Cerutti – Oxymore, 2025
D’un enchevêtrement d’idées folles qu’on dirait sorti d’une soirée trop arrosée, Nicolas Jarry tire un premier tome captivant au sérieux goût de reviens-y, d’autant que l’album se termine sur un rebondissement prometteur, à défaut d’être réellement surprenant. Avec ses planches dynamiques aux dessins et couleurs magnifiques, Food Truck Warentraîne le lecteur dans une valse à mille temps qui ne s’interrompt que pour construire des personnages attachants. Une série Z assumée, totalement pop et jouissive.
Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard
© Food Truck War – Jarry/Audino/Cerutti – Oxymore, 2025
Informations sur l’album :
- Scénario : Nicolas Jarry
- Dessin : Edoardo Audino
- Couleurs : Laura Cerutti
- Éditeur : Anspach
- Date de sortie : Le 17 septembre 2025
- Pagination : 128 pages en couleurs
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