Deuxième Bureau tome 1 : Le Magnétron

Dans les coulisses de situations géopolitiques explosives, les services de renseignements mènent une lutte de l’ombre acharnée afin de donner un avantage à leurs camps respectifs. C’est dans un contexte tendu à la veille de la Seconde Guerre mondiale que les agents Chacma et Brice Goepfert nous emmènent dans un récit d’espionnage impliquant ledit Deuxième Bureau, le service de renseignement militaire français.

1936, Maryse Maréchal exerce officiellement comme aviatrice mais est en réalité un agent de renseignement travaillant pour l’Armée française. Quand l’Allemagne nazie décide de s’emparer de la Rhénanie occupée par les armées françaises, elle se voit confier une mission qui pourrait donner un avantage certain à la France en cas de guerre. Cependant son passé et son parcours d’espionne l’amèneront à faire des choix difficiles, allant même jusqu’à trahir.

Double jeu pour un MacGuffin

Vu le contexte très particulier dans lequel se déroule l’intrigue, cette bande dessinée très bavarde fait beaucoup parler ses personnages afin d’aider le lecteur à comprendre tous les enjeux sous-jacents. Que cela soit pour les aspects politiques ou techniques, ces expositions sont correctement amenées sans être lourdes et ne nuisent ainsi pas au rythme du récit.

Ledit contexte se révèle en effet essentiel pour l’intrigue car Maryse et tous les autres protagonistes y seront directement confrontés, ce qui permet de bien poser l’ambiance de l’époque. Pour les lecteurs qui voudront en savoir plus, Chacma a même mis à disposition un dossier en fin d’album qui nous présente à la fois les faits historiques exploités, les enjeux technologiques ainsi que des fiches des véhicules.

Vu qu’elle est directement impliquée dans ce contexte, la principale protagoniste qu’est Maryse Maréchal se voit obligé d’accomplir des actes qu’elle réprouve mais que personne ne lui laisse le choix de faire autrement. Ceci a pour conséquence qu’elle devra mentir systématiquement même aux personnes auxquelles elle s’est attachée en cours de route. De ce que Chacma révèle au fur et à mesure la concernant nous fait comprendre qu’il y a un enjeu émotionnel sous-jacent, ce qui rend le personnage attachant.

Quant à l’objet qui sert d’enjeu et de titre à ce premier tome, il n’apparaît qu’à la moitié du récit et restera un motif narratif de second plan. Loin d’être un défaut, le fameux Magnétron remplit à la perfection le rôle de MacGuffin, cet objet qui, selon Alfred Hitchcock, est l’élément déclencheur de l’intrigue et mais qui se révèlera en fin de compte totalement secondaire voire oublié.

Des lignes pas toujours très claires dans Le Magnétron

En plus du contexte et de la documentation mise à disposition, la patte graphique de Brice Goepfert nous immerge davantage dans l’époque avec des décors et des véhicules avec un trait clair et bien tracé. On appréciera d’autant plus le choix des couleurs et effets de lumière pour retranscrire les ambiances chaleureuses et nocturnes.

Cependant, la qualité graphique est un tant soi peu aléatoire avec les visages qui semblent changer quelque peu d’une case à l’autre. Tout cela est le plus souvent dû à la mise en scène ou d’un trait en plus sur la figure, ce qui donne l’impression que ce n’est pas le même personnage ou qu’il a rapidement vieilli en une seule case. Ce constat est d’autant plus marqué pour le personnage de Maryse, qui semble être une jeune parisienne chic dans une case et une vieille bourgeoise dans l’autre. Seuls les personnages avec barbe ou moustache échappent à ce petit défaut vu que leur pilosité faciale suffit à les caractériser et à les rendre aisément reconnaissables.

Le choix des cadres et des points de vue parvient très bien à retranscrire à la fois les décors d’époque ainsi que le ressenti émotionnel des personnages. Pour les premiers, ils bénéficient de plans d’ensembles qui les mettent en valeur et servent à bien poser le décor dans lequel s’inscrit le récit. Quant au second, l’usage de plans plus rapprochés vers les visages permet de bien voir et donc de ressentir les émotions des personnages, surtout quand ils sont en larmes ou sous le choc.

Les quelques situations où la mise en scène est cependant moins convaincante sont les scènes d’actions ou de bagarres, car elle n’en fait pas ressentir les effets impactants. Ces situations sont cependant ponctuelles et ne nuisent pas à l’ensemble du récit qui se focalise sur d’autres éléments plus importants.

Avec ce premier tome, Chacma et Brice Goepfert ont réalisé un bon récit d’espionnage qui nous plonge dans l’ambiance d’une époque troublée qui va jusqu’à impacter la principale protagoniste. Même si les traits de certains personnages et les scènes d’actions sont moins aboutis, cette bande dessinée part sur de bonnes bases qui donnent envie de lire la suite des aventures secrètes de Maryse Maréchal.

Chronique écrite par Stéphane Triquoit

Informations sur l’album :