Le Patient A le T2 de Champignac

Le très réussi spi-off de Pâcome Hégéssippe Adélard Ladislas (le fameux PHAL – heureusement qu’il n’est pas américain, sinon il serait le PHAL US) continue dans un tome 2, intitulé Le Patient A, qui choisit de mettre en lumière un aspect méconnu de la deuxième guerre mondiale. Divertissant, dérangeant, pédagogique, le parti pris des Beka et David Etien tient sur un équilibre fragile.

Couverture de l'album Le Patient A. — Couverture de l’album Le Patient A. © Champignac – BeKa et David Etien – Dupuis

Nous avions laissé le Comte de Champignac dans ses vertes années, à la fin du tome 1 où il s’était avéré – forcément – indispensable à Alan Turing pour décrypter les messages allemands. L’épopée continue avec un nouveau volet de l’histoire de la seconde guerre mondiale : un message crypté (mais magistralement décrypté – forcément) fait état du kidnapping de deux scientifiques dont Champignac est très proche, par les allemands. De Bletchley Park, au nord de Londres, voici donc Pacôme, sa dulcinée germanophone Miss Blair et le mathématicien Black, le dernier du quatuor de scientifiques, partis pour Berlin afin de savoir comment, et surtout pourquoi, un biologiste et un chimiste ont été ainsi « réquisitionnés » par le 3ème Reich. Et accessoirement, les faire s’évader.

Page 3 de l'album Le Patient A. — Page 3 de l’album Le Patient A. © Champignac – BeKa et David Etien – Dupuis

Le tome 1 avait été une merveille scénaristique, l’implication de Champignac dans l’opération Enigma ayant été très habilement organisée selon des éléments historiques vraisemblables (que l’on retrouve dans l’excellent film « Imitation Game » et la biographie d’Alan Turing dont il est inspiré). L’idée de poursuivre sur l’usage généralisé de la Pervitine (drogue dérivée de la méthamphétamine) par les allemands, non seulement dans l’armée mais aussi dans la population générale, afin de préparer des machines de guerre humaines, est excellente et fonctionne parfaitement. Le scénario est solidement construit et documenté, approfondit ses personnages, et présente l’avantage pédagogique de lever le voile sur un aspect de la Guerre qui n’est que rarement mentionné dans les manuels scolaires.

Page 4 de l'album Le Patient A. — Page 4 de l’album Le Patient A. © Champignac – BeKa et David Etien – Dupuis

Ce deuxième scénario des BéKa souffre cependant la comparaison avec le premier en ce qu’il n’évite pas les séances didactiques un peu arides, à grand renfort de schémas, qui auraient pu être intégrées à l’histoire de façon plus fluide et moins professorale. D’autres facilités de scénario apparaissent également dans certains passages clés, où de grosses ficelles s’avèrent tantôt frustrantes, tantôt gênantes (quand le côté De-mon-temps-les-héros-étaient-des-exemples-pour-les-jeunes auquel on s’attend dans cette publication est mis à mal de manière audacieuse ou carrément inconsidérée – selon les goûts).

Page 5 de l'album Le Patient A. — Page 5 de l’album Le Patient A. © Champignac – BeKa et David Etien – Dupuis

Une constante inébranlable : le dessin du surdoué David Etien (Les Quatre de Baker Street avec Jean-Blaise Djian) qui a parfaitement su s’approprier ce personnage mythique ainsi que son univers. Ses planches dynamiques, cohérentes, bien découpées et rythmées, et son trait élégant et précis, font merveille, avec une mise en couleur à l’avenant.

Page 6 de l'album Le Patient A. — Page 6 de l’album Le Patient A. © Champignac – BeKa et David Etien – Dupuis

Cette série initialement classée dans les « Spin-off » de Spirou et Fantasio (terme ne rendant pas forcément justice à la qualité ni à la sincérité du travail) s’avère avoir l’envergure d’un incontournable, tout comme l’excellent Zorglub de Munuera.