Le Jour d’avant
«Ce travail est admirable», ce sont les mots de l’écrivain journaliste Sorj Chalandon pour l’adaptation de son roman Le Jour d’Avant en bande dessinée par les auteurs Romain Dutter et Simon Géliot. Cette fiction très réaliste, située dans le bassin minier du Pas de Calais à la fin de son âge d’or et marquée par la catastrophe de Saint-Amé, met à nu le cœur et l’âme des mineurs et de leurs familles.

27 décembre 1974, le coup de grisou à la fosse 3bis de Saint-Amé de Lievin, à 700 mètres de profondeur, se conclut par 42 morts, 40 veuves et 116 orphelins. Michel, 16 ans, vit le drame de sa vie. Son frère aîné, Jojo, meurt après 30 jours de coma et ne sera donc pas reconnu comme une victime de la mine. Son père, rongé par le chagrin, mettra fin à ses jours en confiant une dernière volonté à l’attention de Michel : «Venge-nous de la mine».

À ses 18 ans, le jeune garçon, ne voyant plus son avenir à l’ombre des terrils de Loos en Gohelle, part à Paris où il construira sa vie d’adulte. Il ne sourira plus et vivra, tout comme Etienne Lantier, rongé par la colère et le désir de vengeance. Il faut faire payer le vrai coupable, le porion (responsable sécurité) qui a été seulement condamné à 10 000 francs pour la mort de 42 mineurs et celle de Jojo.
40 ans plus tard, après le décès de son épouse, Michel est de retour à Liévin, et même si les mines ont fermé et que les terrils ont verdi, il est encore temps de se venger et de dénoncer la vérité.

Une véritable peinture sociale des mineurs.
Outre le récit de la catastrophe de la fosse n° 3 bis, cette histoire est une peinture sociale du monde ouvrier et de la mine qui se déroule un peu plus d’un siècle après celle d’Émile Zola dans Germinal. Nous retrouvons tout ce qui les représente, de la galerie minière au chevalement en passant par les corons, le vocabulaire, le syndicalisme et la bonne mousse de fin de journée.

Les auteurs nous font ressentir ce sentiment de fierté d’être une gueule noire malgré la dureté de cette vie dans la poussière du charbon imposée à toute la famille et surtout, malgré la certitude que la mine les tuera, soit d’un accident, soit de la silicose. C’est ce qu’ils nomment «la Fatalité», tout en ayant conscience que le vrai coupable est la compagnie des houillères qui ne recherche que le profit.

Un style en forme de plaidoyer pour les mineurs
L’usage d’expressions telle que «t’iras pas au charbon, t’iras au chagrin», de mots pour définir l’ouvrier de la mine comme «courage» ou «fier», et du verbe «aider» qui se substitue au verbe «travailler», font percevoir l’âme et le cœur de cette «armée de simples gens» que sont les mineurs ainsi mis en métaphore par l’auteur.
Le poids du texte est renforcé par le minimalisme des dessins crayonnés d’un trait épais imprécis, lui-même valorisé par un jeu de teintes monochromes pastels et sombres, différentes à chaque chapitre.

L’âme du bassin minier est omniprésente avec le choix récurent de la couleur ocre de la brique et de celle du charbon qui accompagne le lecteur du début à la fin avec des lavis gris et noirs apposés sur les visages, les vêtements et les murs. On pourrait même croire qu’ils ont été réalisée avec une gaillette.

Le Jour d’Avant restitue l’histoire du plus grand drame minier français et dresse l’exposé de la pénibilité de la mine pour le mineur et sa famille. Grâce à Michel, victime sans blessures apparentes, l’auteur rend la dignité à ces sacrifiés pour chauffer la France et dénonce les responsables de leur sort malheureux. Au même titre que le roman de Sorj Chalandon, la bande dessinée rend un hommage émouvant à l’âme de ceux qui avaient la gueule et le sang noir.

Chronique écrite par Xavier G.
Informations sur l’album
- Scénario : Romain Dutter
- Dessin : Simon Géliot
- Couleurs : Simon Géliot
- Éditeur : Steinkis
- Date de sortie : 1er mai 2024
- Pagination : 223 en couleurs
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