Les Yeux d’or
Derrière ce titre mystérieux, quel monde nous dépeint Lucie Quéméner ? Pour ceux qui ne connaissent pas l’œuvre de Marie Desplechin dont s’est inspirée l’autrice, la couverture de cette BD parue chez Delcourt nous intrigue par son évocation d’une nature aussi bien terrestre que céleste, source d’énigmes.
S’inspirant d’un roman jeunesse de Marie Desplechin paru en 2008, Lucie Quéméner fait éditer chez Delcourt un album empreint d’une grande sensibilité. L’intrigue a beau se baser sur une œuvre préexistante, Les yeux d’or en BD est un vrai travail d’adaptation, de dessin et de mise en couleur qui donne vie à une nouvelle création.
La solitude et la tête dans les étoiles
Les yeux d’or nous plonge directement dans la vie nocturne et solitaire d’une jeune femme, Edmée, qui regarde le ciel dans un observatoire. Son métier, opticienne astronome ! D’autres personnages solitaires font progressivement leur apparition, comme la jeune Violette, toujours laissée à la maison avec des gens qui ne l’inspirent pas, et son père, qui travaille tout le temps, et qui a perdu sa femme voilà quelques temps.
La magie infuse lorsque petit à petit, ces âmes isolées se rencontrent. Tout commence en effet quand Edmée se met à s’occuper de sa cadette, Violette, et en devient une bonne amie, malgré la différence d’âge. Des petits cœurs chagrins finissent par se réchauffer, certaines émotions ressortent et peut-être, vont devoir guérir. Mais une fugue menace de mettre tout ce petit monde à nouveau en émoi… Les protagonistes ont-ils tant la tête dans les étoiles qu’ils ne savent pas gérer leurs relations ou est-ce plus compliqué que ça ?
Un dessin entre microcosme et macrocosme
Ce qui séduit énormément dans Les yeux d’or, ce n’est pas seulement l’impression qu’a le lecteur d’avancer à pas feutrés dans des relations qui se tissent subtilement entre les personnages. C’est aussi ces jeux presque symboliques entre le microcosme et le macrocosme. L’intrigue tire toute sa force du lien qu’elle entretient aussi bien avec l’observation du ciel et d’une mystérieuse substance dorée, qu’avec un magnifique jardin oublié.
Le style de Lucie Quéméner ne ressemble à aucun autre. Elle n’hésite pas à faire des plans resserrés sur des éléments en apparence anecdotiques, mais qui viennent renforcer l’impression de solitude des personnages. À plusieurs reprises, elle démultiplie les cases qui montrent la même chose, avec seulement quelques variations, ou insère en marge de toutes petites cases, avec de tous petits détails presque décoratifs. Tout ceci n’est jamais fouilli ou en trop, au contraire, ça participe au dessein de l’autrice, nous mettre dans une certaine ambiance, nous faire errer quelques secondes avant que n’éclate une vérité cachée. Les personnages, eux, ne sont pas toujours très détaillés, mais leurs petits yeux timides expriment à eux seuls énormément de choses.
Les yeux d’or est une BD un peu exigeante, dû à son style qui sort du lot, mais elle est aussi pleine d’humanité. L’auteur nous fait nous plonger dans le mystère des relations et de notre lien avec les autres autant qu’avec une nature qui toujours nous dépasse ! Par cette belle adaptation, Lucie Quéméner nous invite à de grandes remises en question, dans une grande douceur !
Chronique de l’album Les Yeux d’or écrite par Aurélie DORCHY
Informations sur l’album Les Yeux d’or
- Scénario : Lucie Quéméner
- Dessin : Lucie Quéméner
- Couleurs : Lucie Quéméner
- Éditeur : Delcourt « Mirages »
- Date de sortie : 4 octobre 2023
- Pagination : 152 en couleurs
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