Interview de Libon, à l’occasion de la sortie de Spirou chez les fous

Les Amis de Spirou : Beaucoup de nos lecteurs vous connaissent, parce qu’ils lisent le journal et connaissent vos séries qui y ont été publiées. Pouvez-vous vous présenter rapidement pour les autres ? Quelques mots sur votre parcours, vos œuvres, vos influences ?

Libon : J’ai un diplôme de concepteur graphique, mais j’ai bifurqué juste après l’école pour aller travailler comme graphiste-animateur dans les jeux-vidéo pendant quelques années, et puis j’ai encore pris un autre chemin parce que j’avais envie de raconter des histoires.
Je suis auteur de bd depuis une vingtaine d’années. Je publie principalement des histoires pour la jeunesse (« Jacques le petit lézard géant », « les cavaliers de l’apocadispe » ou « Animal Lecteur » avec Sergio Salma chez Dupuis, « Tralaland » chez Bayard),  mais aussi un peu pour adulte (comme « Hector Kanon » ou « Un petit pas pour l’homme, un croche patte pour l’humanité » chez Fluide glacial) et parfois un peu d’illustration (comme dans « Sam et le Martotal » avec Luise Mey à La ville brûle).

J’ai grandi en lisant ou regardant principalement Asterix, Gotlib et Gaston Lagaffe ou les Monty Python, ce sont mes petits piliers !

Photo de Libon
© Chloé Vollmer Lo

Les Amis de Spirou : D’auteur publié dans le magazine Spirou à auteur d’un « Spirou de … », il y a néanmoins tout un monde. Pouvez-vous nous expliquer comment ce projet a vu le jour ?

Libon : Tout ça s’est passé le plus simplement du monde : Jul avait écrit une histoire et cherchait quelqu’un pour la dessiner. Mon nom a fini par passer et ils m’ont envoyé un mail pour savoir si je serais partant. J’ai dit ok, on y va. Et voilà !

Les Amis de Spirou : Comment s’est passée votre collaboration avec Jul ? Avez-vous participé à l’écriture du scénario ?

Libon : Non non, je n’ai touché a rien ! Mon travail a été d’essayer de retranscrire au mieux le scénario que j’avais dans les mains !

Couverture de l'album Spirou chez les fous
Couverture de l’album Spirou chez les fous © Spirou chez les fous – Jul et Libon – Dupuis

Les Amis de Spirou : Jul et vous avez-vous pensé cet album en prenant en compte la prépublication dans le magazine ? Est-ce que vous avez pensé l’histoire en terme d’épisodes ?

Libon : Ah ça, il faut lui demander à lui !! Je pense qu’il a dû y penser à un moment, mais moi je n’ai pas compté les pages, j’avais du travail !

Les Amis de Spirou : Vous êtes habitué à dessiner des personnages qui ont l’air fous. Vous sembliez donc prédestiné à dessiner cet album. En revanche, Spirou n’a pas l’air fou, ce qui est assez inédit chez vous : est-ce que ça a été difficile ?

Libon : Spirou a eu plusieurs versions. Dans les premières, il avait une tête beaucoup plus proche des personnages que je dessine d’habitude, mais je n’étais pas convaincu, il ne collait pas avec le rôle qu’il a dans l’histoire. Je l’ai un peu assagi, pour le rendre moins caricatural. Mais chaque personnage a eu son petit traitement personnel. Fantasio, lui par exemple, est resté avec cette tête un peu intense, ça lui allait bien, il est plus impulsif, plus sanguin. Et Spip j’ai tout lâché, il est petit, souvent dans un coin de case, j’ai poussé les curseurs à fond pour le rendre le plus expressif possible. Le directeur, lui, devait être d’un abord sympathique et bonhomme mais pouvait devenir inquiétant imperceptiblement.

Page 3 de Spirou chez les fous par Libon et Jul
Ouverture de Spirou chez les fous © Spirou chez les fous – Jul et Libon – Dupuis

Les Amis de Spirou : Sur le groupe « Les Amis de Spirou », votre album déchaîne les passions, entre les lecteurs qui apprécient votre trait et votre humour, et ceux qui s’insurgent de voir leur héros repris par un dessinateur au trait si éloigné de leur référence (en général le Spirou de Franquin). Est-ce que ces jugements de valeur vous touchent ? Quel rapport entretenez-vous avec le travail de vos prédécesseurs ?

Libon : C’est quelque chose que je mets de côté (parce que sinon autant tout arrêter), mais je comprends tout à fait que ça râle, c’est le jeu !
Pour ma part, même si j’ai été (et que je suis encore) un gros consommateur de vieux livres/films/jeux/etc, je déteste la nostalgie, essayer de faire revivre une sorte d’âge d’or un peu abstrait. C’est séduisant mais c’est quelque chose que je trouve un peu vain, dans plein de domaines. Je n’ai surtout pas envie de regarder du côté de Franquin ou d’aller chercher des trucs dans des albums anciens, faire du vintage tout neuf : ça n’aurait aucun intérêt dans le cadre d’un « vu par », et je pense que je serai mort d’ennui au bout de trois pages (ce qui n’est pas mon but dans la vie).
Après, on peut aimer ou pas la façon de raconter ou de dessiner d’un auteur, mais quoi qu’il arrive j’ai bien peur que Franquin soit définitivement indisponible pour de nouveaux albums…

Les Amis de Spirou : Plus généralement, cet album sonne comme une déclaration d’amour à la bande dessinée franco-belge. Êtes-vous vous-même un grand lecteur de bande dessinée ?

Libon : Je l’ai été ! Depuis que j’en fais, je n’en lis presque plus du tout. Ça a tendance à me parasiter. Si je lis un documentaire ou une autobio, ou un drame ou n’importe quoi, en fait, je vais me dire « mince, c’est ça qui est bien, ce que je devrais faire » et pareil pour à peu près tout ce que je lis en BD. C’est épuisant, je ne lis plus de BD !

Couverture du tome 3 des Cavaliers de l'apocadispe par Libon
Couverture du tome 3 des Cavaliers de l’apocadispe © Les Cavaliers de l’apocadispe – Libon – Dupuis

Les Amis de Spirou : On a l’impression à la lecture, que Jul et vous, vous êtes beaucoup amusé sur cet album : est-ce que c’est le cas ?

Libon : Oui c’est le cas ! Le scénario était vraiment rempli de scènes et de personnages super, ça donnait envie de dessiner !

Les Amis de Spirou : Avez-vous de nouveaux projets en préparation ?

Libon : Je suis en train de dessiner des nouvelles histoires pour le tome 4 des « Cavaliers de l’Apocadispe », et je continue « Tralaland » dans J’aime Lire Max et « un petit pas pour l’homme » dans Fluide.

Propos recueillis par Marie ENRIQUEZ

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