U.C.C. Dolores, tome 6 : Les Yeux du Sans-Peur

En 2019, Didier et Lyse Tarquin créaient l’événement en lançant leur propre série science-fiction, UCC Dolores. Après une première trilogie, puis une histoire complète en un tome, le cinquième épisode entamait un nouveau cycle, sombre et désespéré, sur la planète désertique de Tishala, où le Dolores est bloqué. Afin de payer les réparations, Mony met ses compétences de flingueuse au service d’un groupe de mercenaires alors que sa fille Lune souffre horriblement des vents acides de la planète.

©Glénat – U.C.C Dolores tome 6 : Les Yeux du sans-peur – Didier Tarquin et Lyse Tarquin

Après avoir traversé le désert, les mercenaires menés par l’impétueux Sharkis s’approchent du territoire des Wassaï et de sa terriblement dangereuse végétation, constituée de racines vivantes attaquant sans pitié tout intrus. Sharkis, le Sans-Peur, a un plan : assassiner la « Wazili », celle qui lie les autochtones à leur flore. Pour cela, le chef des mercenaires compte se servir du talent de tueuse de Mony. Mais celle-ci, se rendant compte de la véritable nature de la Wazili, va devoir faire un choix : la loyauté envers son employeur afin de sauver sa fille Lune et de réparer son vaisseau, ou la cause des Wassaï.

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Lost on Tishala

Le second épisode d’une trilogie à intrigue suivie est toujours délicat à mettre en place. Le récit commence alors que les enjeux sont déjà installés et il ne peut trouver sa conclusion en fin d’album. Il faut également imaginer de nouveaux rebondissements, qui seront exploités lors du dernier acte, et ne pas faire de redite par rapport au premier. Dans cet exercice d’équilibriste, Didier Tarquin s’en sort avec les honneurs en proposant, notamment, une scène de combat épique en milieu d’album, avec son lot de drames et de moments de bravoure, dont un duel intense entre Mony et Sharkis, au dénouement impressionnant. Et même si ce qui découlera de cet affrontement est relativement prévisible dans ses grandes lignes, l’auteur parvient toutefois à amener un souffle presque tragique au sort de Sharkis, le fameux Sans-Peur.

L’une des grandes forces de la série, qui se confirme encore dans ce sixième épisode, c’est, en effet, le talent de Didier Tarquin à construire et faire évoluer des personnages forts. Sharkis, qui était déjà menaçant dans le tome précédent, se révèle un antagoniste d’une dangerosité folle après son duel perdu. Mony, loin d’être manichéenne, grandit d’album en album, s’assombrissant de plus en plus, au risque parfois de susciter un peu de lassitude ou d’exaspération au lecteur, dans ce rôle de mère prête à tout pour sauver son enfant. Prête à tout, vraiment ? Le scénariste lui a réservé une surprise qui la fera douter de ses propres limites et sera l’un des éléments déclencheurs de la réorientation du récit, point central nécessaire à tout bon second épisode d’une trilogie.

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La planète pas sage

Une autre des grandes qualités de UCC Dolores se trouve dans la richesse des planètes visitées. Certes il y a de nombreux points communs avec des environnements et des populations autochtones tirés d’autres licences. L’aspect désertique et l’exploitation Minérale de Tishala fait penser à Dune tandis que les Wassaï, inspiration d’une peuplade amérindienne vivant en harmonie avec la nature, peuvent rappeler Avatar. Cependant Didier Tarquin parvient toujours à saupoudrer intelligemment ses diverses influences d’une touche de personnalité indéniable. Il faut dire qu’être à la fois le créateur narratif et visuel de ces divers paysages, et de leurs faunes, flores et cultures, peut offrir une grande liberté à l’imaginaire. Didier Tarquin peut, en effet, se permettre tout ce que son trait pourra transmettre, en termes de grandiosité, de danger ou même de poésie.

Le dessin de Tarquin est, ce n’est pas une surprise, superbe. Des trouvailles malines, originales et parfois déstabilisantes, loin des standards du genre, donnent un charisme indéniable aux personnages principaux comme secondaires. Le lecteur appréciera ainsi les yeux vairons de Tuco, le design bricolé du bras mécanique de Mony et, tout simplement, sa tignasse rousse qui rappelle celle de Pélisse dans La Quête de l’Oiseau du Temps. La mise en page de Didier Tarquin est d’une grande richesse , à l’image de la bataille, traitée en longues bandes s’étendant sur les deux pages contiguës. Les cases, souvent chargées, bénéficient de la mise en couleurs, toujours superbe, de Lyse Tarquin. Que ce soit pour faire ressentir la chaleur ambiante ou la poésie d’une scène forestière, la palette de la coloriste est totalement immersive.

©Glénat – U.C.C Dolores tome 6 : Les Yeux du sans-peur – Didier Tarquin et Lyse Tarquin

Dès sa première trilogie, UCC Dolores prouvait que Didier Tarquin n’a pas besoin d’un scénariste pour mener un récit de science-fiction captivant et riche. Si on pouvait craindre que la série finisse par tourner en rond au fil des aventures de Mony, qui apparaissait d’abord assez monolithique. L’auteur a, toutefois, su renouveler ses intrigues et faire évoluer son héroïne vers des nuances plus sombres au gré de ses déboires et des risques encourus par elle, ses amis, son vaisseau et, surtout, sa fille, Lune. Avec ce tome central d’un troisième cycle, plus intense que les précédents, le couple Tarquin parvient à maintenir tout l’intérêt du lecteur pour le mener vers une conclusion qui s’annonce épique et dramatique.

Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard