Wyoming, 1863 tome 1 : Cinq jours pour mourir
Prévue en trois tomes, la série Wyoming, 1863 dégaine une première fois avec cet album à la couverture qui transpire le charisme. Deux personnages aux regards durs, quatre flingues et un fusil, des ruines, le scénariste Jean-François Di Giorgio, un habitué des récits historiques intenses, et le dessinateur italien Fabrizio Des Dorides vous souhaitent la bienvenue dans un western impitoyable.
© Éditions Soleil, 2024 —Di Giorgio, Des Dorides
Dans l’Ouest sauvage, il y a Emma, une jeune femme en mission, celle de retrouver ses deux filles enlevées par des bandits. Dans l’Ouest sauvage, il y a également Bill, jeune playboy sur le point d’épouser une riche (et peu gracieuse) héritière, mais semblant avoir une autre idée derrière la tête que celle de l’argent « facile ». Dans l’Ouest sauvage, il y a enfin Diego, chef d’une bande de voleurs de chevaux impitoyables, à la tronche aussi sale que patibulaire. Dans l’Ouest sauvage, ces trois-là vont se diriger vers le riche Creek Ranch qui sera bientôt le théâtre d’un massacre.
© Éditions Soleil, 2024 —Di Giorgio, Des Dorides
Il était trois fois dans l’Ouest
Plus que l’histoire en elle-même, c’est le trio de protagonistes qui est au centre de Wyoming, 1863, ce qui en est à la fois sa plus grande force mais aussi une source de frustration. En effet, il y a beaucoup à raconter dans ce premier tome, et les événements ne laissent que peu de place à la construction des personnages. Si Emma se pose clairement en héroïne du récit, notamment avec l’évocation de son passé, difficile de voir en Bill et surtout Diego de réels premiers rôles tant leur histoire est seulement effleurée et leur attitude presque caricaturale. Toutefois, grâce, notamment à l’écriture très cinématographique de Jean-François Di Giorgio qui multiplie les scènes d’exposition, Diego et Bill se construisent petit à petit, surtout le second qui gagne, scène après scène, en profondeur et en mystère. Ce premier tome se posant clairement en introduction d’un récit qui promet de gagner en épique et en dramatique dans ses suites, nul doute que les deux hommes auront droit à un traitement à la hauteur de celui d’Emma.
Bien que l’histoire ne semble être qu’un prétexte à la rencontre des trois antagonistes, la première planche nous plonge au cœur d’une tension qui suit une tuerie de grande ampleur. Les cadavres jonchent le sol devant le ranch et deux personnages se cachent l’un de l’autre en attendant le duel inéluctable. On ne le verra pas car la planche suivante débute sur un cartouche « quelques jours plus tôt… ». Ce procédé, bien que très généralement agaçant, prend tout son sens dans Wyoming, 1863. En effet, jamais, dans ce premier tome, on ne reverra ce moment, Jean-François Di Giorgio prend le temps de poser les enjeux, non pas de son histoire, mais bel et bien de ses personnages, et la scène d’introduction s’annonce alors comme le bouquet final d’un feu d’artifice qui devrait s’étaler sur une bonne partie du troisième tome. Loin de créer de la frustration chez le lecteur, cette « fourberie » scénaristique fait, au contraire, naître une réelle implication de celui-ci dans le récit.
© Éditions Soleil, 2024 —Di Giorgio, Des Dorides
Wyoming, 1863 : La belle, la brute et le truand
Si les trois personnages principaux de Wyoming, 1863 sont une grande réussite de ce premier tome, le mérite en revient également au talent du jeune Fabrizio Des Dorides, dont c’est la première publication en France. De la douceur de sa vie d’avant à la hargne de son présent dangereux et vengeur, des émotions intenses du drame à la froideur dédaigneuse envers les hommes, le dessinateur italien parvient à saisir toute l’évolution psychologique d’Emma et à lui créer des scènes d’une grande puissance. Bill et Diego jouent moins dans la finesse et représentent les deux faces opposées de l’archétype du western : le bandit sale au visage buriné et vêtu de fripes, collier de crânes de rongeurs inclus, face au bellâtre imberbe à la chevelure aussi impeccable que ses costumes bourgeois. Toutefois, malgré ce côté caricatural, impossible de nier qu’ils sortent du lot et on ne peut qu’attendre avec impatience leur première confrontation, que ce soit narrativement ou visuellement.
Au niveau des décors, c’est un sans-faute de l’Italien : les grands espaces sont majestueux, les intérieurs sont crédibles, du luxueux Creek Ranch au repaire sombre des bandits, en passant par la cabane dans les bois d’Emma, ou encore les différents moyens de transports très bien détaillés. Cette perfection des décors est, de plus, servie par l’indéniable talent de mise en scène de Fabrizio Des Dorides qui offre des plans cinématographiques collant parfaitement au style narratif de Jean-François Di Giorgio, entre des cadrages larges impressionnants et des plongées haletantes au cœur de l’action. Ajoutée à cela une colorisation somptueuse, réaliste et toute en nuances, ce premier tome de Wyoming, 1863 est sans doute l’un des plus beaux westerns récents du neuvième art.
© Éditions Soleil, 2024 —Di Giorgio, Des Dorides
À défaut d’être un excellent album en soi, ce premier opus de Wyoming, 1863 est une très bonne mise en bouche pour ce qui semble attendre le lecteur dans les deux prochains tomes. Avec des personnages charismatiques qui méritent plus de profondeur, l’annonce d’un final apocalyptique, un graphisme superbe et totalement immersif, le récit de Jean-François Di Giorgio et Fabrizio Des Dorides se place comme l’une des pépites de Soleil, un titre clairement à suivre de près.
Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard
© Éditions Soleil, 2024 —Di Giorgio, Des Dorides
Informations sur l’album :
- Scénario : Jean-François Di Giorgio
- Dessin : Fabrizio Des Dorides
- Couleurs : Garluk
- Éditeur : Soleil
- Date de sortie : le 2 octobre 2024
- Pagination : 56 pages en couleurs
Consultez la liste de nos librairies partenaires pour vous procurer l’album Wyoming 1863 tome 1.