Undertaker tomes 7 & 8
Avec la sortie du huitième tome d’Undertaker, le moment de délivrance est venu pour les lecteurs qui attendent la sortie du second épisode d’un diptyque avant de se lancer dans la découverte du premier ! Deux épisodes, deux couvertures, deux ambiances. Sur celle de Mister Prairie, Jonas est tout en puissance, chevauchant un majestueux destrier, l’arme en main, le regard caché dans l’ombre de son chapeau, devant un bâtiment en feu. Pour Le Monde Selon Oz, les auteurs ont opté pour un Jonas en mauvaise posture, la tête baissée, un calibre sur la tempe et, pour la première fois de la saga, en très gros plan.

© Undertaker, tomes 7 & 8 – Dorison/Meyer/Delabie – Dargaud, 2023/2025
Sombrant dans la dépression alcoolisée depuis qu’il a pris conscience de son amour pour Rose Prairie, Jonas Crow tente désespérément de la retrouver, entre deux cuites. Un jour, le croque-mort reçoit une commande de R. Prairie pour un enterrement. Son sang ne fait qu’un tour mais, une fois sur place, il apprend que R. était pour Randolph, le mari de Rose. Celui-ci, médecin, doit faire avorter une femme, Eleanor, ayant donc besoin de Crow pour le bébé, mais ce geste est fortement condamné par la morale chrétienne, notamment en la personne de la terrible Sœur Oz, représentante de la Ligue pour la Suppression du Vice, dont le fanatisme n’a d’égal que sa capacité à manipuler les foules, quitte à dégainer plus vite que son ombre.

© Undertaker, tome 7 – Dorison/Meyer/Delabie – Dargaud, 2023
La reine et l’oiseau
La galerie des personnages est à nouveau une très grande réussite du diptyque. Bien sûr, il y a Jonas Crow, toujours aussi arrogant et sûr de lui, mais aussi fidèle, déterminé, intelligent… Le croque-mort montre un sens de la justice bien à lui, prêt à risquer sa vie, ou celle des autres, pour la rendre : l’arithmétique justifie les moyens comme il le prouve lors d’une des premières grandes scènes du huitième tome. A ses côtés, c’est un réel plaisir de retrouver Rose Prairie, tant la jeune femme avait illuminé tous les tomes qu’elle avait parcourus. Forte, indépendante, à l’image de celle que Jonas avait rencontrée, aimée et quittée, tout comme le lecteur, ce n’est pas le confort de sa belle demeure qui suffirait à la changer. Elle seule est capable de tenir tête à l’undertaker.

© Undertaker, tome 7 – Dorison/Meyer/Delabie – Dargaud, 2023
Son mari Randolph est radicalement différent de Jonas, mais Xavier Dorison, loin d’en faire un personnage négatif, portrait un homme bon, intelligent, qui assume ses valeurs. Cette grande humanité qui l’habite attise la jalousie de Crow qui montre un aspect presque capricieux insoupçonné de la personnalité du croque-mort, un tempérament qu’il lui faudra bien sûr dépasser. Eleanor, la jeune femme enceinte, n’est pas réduite à l’état de « McGuffin », le scénariste lui donnant une personnalité, une histoire et des actions qui en font un personnage central, loin de l’être fragile en détresse qu’on aurait pu craindre.

© Undertaker, tome 7 – Dorison/Meyer/Delabie – Dargaud, 2023
« La miséricorde ou le glaive ? »
Face à Jonas, Rose et compagnie, monsieur Winthorp, le riche beau-père d’Eleanor se dresse comme un méchant de western des plus classiques. Aussi hautain que son tour de taille est long, il méprise tout é tout le monde, à commencer par Eleanor, cette boniche de qui son benêt de fils est tombé amoureux. Un homme viril, puissant, qui cache ses vices derrière son caractère autoritaire mais qui, pourtant, se fait complètement manger par Sister Oz, peut-être l’antagoniste la plus redoutable de toute la série Undertaker, aussi bien narrativement que visuellement.

© Undertaker, tome 7 – Dorison/Meyer/Delabie – Dargaud, 2023
Visage d’ange, non sans rappeler celui d’Audrey Hepburn, lorsqu’elle manipule les gens avec douceur, ses traits se déforment quand son fanatisme prend le dessus, lors de scènes de folie intense où Ralph Meyer joue avec le regard de la femme de façon impressionnante, à la façon de Brian de Palma dans son film Carrie au Bal du Diable. La colère s’invite aussi plusieurs fois chez la sainte femme, et les plans de contre-plongée viennent souligner son fanatisme exacerbé. C’est encore plus le cas dans le tome 8 qui voit son statut de plus en plus fragilisé par Jonas.

© Undertaker, tome 7 – Dorison/Meyer/Delabie – Dargaud, 2023
« Ceux qui vivent sans l’épée mourront en premier »
Oz ne s’attendait pas à trouver chez Crow un adversaire à sa taille, chez cet homme bourru un talent de répliques sarcastiques mais pertinentes, chez ce solitaire misanthrope un être déterminé à rendre la justice avec un sens du sacrifice aussi extrême que la foi d’Oz. Leurs nombreuses confrontations verbales rythment le diptyque et lui offrent quelques-unes des scènes les plus intenses de la série, en même temps qu’elles permettent à l’undertaker de clamer quelques punchlines dont il a le secret : « Si Dieu est à mon image, il a des soucis à se faire », « Et Dieu dit au Zélotte : Si tu veux jouer au con, tu trouveras toujours pire que toi »…

© Undertaker, tome 8 – Dorison/Meyer/Delabie – Dargaud, 2025
Il ne faudrait toutefois pas résumer ces deux tomes aux duels entre la sœur et le croque-mort. L’intrigue en elle-même est très bien menée, riche en rebondissements mais aussi dans son traitement non manichéen d’enjeux personnels jetés en pâture à la masse. A ce titre, deux scènes se répondent de façon magistrale, les secrets les plus intimes révélés d’abord par Oz pour les entraîner à elle par chantage, puis par Rose pour les en délivrer. Un effet miroir de haute voltige parmi un grand nombre de moments puissants, explosifs, ou émouvant dans lesquels le charisme des protagonistes est à son paroxysme.

© Undertaker, tome 8 – Dorison/Meyer/Delabie – Dargaud, 2025
« Réfléchis ou cogne. Jamais les deux »
Le premier tome, commercialisé le 10 novembre 2023, se concluait avec un Jonas en bien mauvaise posture. 679 jours plus tard, le lecteur découvre enfin comment le croque-mort va s’en sortir. Une attente longue mais qui se justifie largement à chaque planche tant Ralph Meyer maîtrise son art. Alternant scènes d’action à couper le souffle, dialogues plus intimes sous haute tension ou discours charismatiques presque bibliques, le dessinateur semble à l’aise dans chaque ambiance, dans chaque rythme. Les décors sont également superbes et parfaitement détaillés, et Ralph Meyer sait en tirer le meilleur parti pour leur faire tenir un rôle dans l’intrigue ou sa mise en scène. Les couleurs, qu’il assure avec Caroline Delbie accentuent encore l’immersion du lecteur en créant des atmosphères toujours justes.

© Undertaker, tome 8 – Dorison/Meyer/Delabie – Dargaud, 2025
Si Xavier Dorison sait donner de la consistance à ses personnages, Ralph Meyer leur donne littéralement vie grâce, notamment par ses personnages ultra charismatiques. Tous ont droit au même soin : Oz donc, passant d’ange à démon avec des traits et une mise en scène adaptés à chaque émotion, Jonas, toujours aussi imposant, même dans la souffrance, et Rose, plus digne que jamais dans un environnement qu’elle maîtrise, mais aussi les nombreux rôles secondaires du diptyque. Eleanor, notamment, est très émouvante, alors que monsieur Winthorp, le maire Scrooge ou encore Hagan, le bras droit d’Oz, dont la position assise sur son fauteuil roulant accentue encore l’impression de calculateur, sont des antagonistes visuellement parfaits, crédibles dans le dégoût qu’ils provoquent au lecteur. Ce diptyque, à l’image de la série, offre un pur casting de western avec son héros au visage sombre, ses jolies femmes fortes et ses bonnes gueules cassées au second plan. Rien de révolutionnaire mais une efficacité de haute volée.

© Undertaker, tome 8 – Dorison/Meyer/Delabie – Dargaud, 2025
Ce quatrième diptyque d’Undertaker fait partie des plus intenses de la série. Des enjeux à la fois intimes et universels, des personnages secondaires charismatiques, des scènes particulièrement émouvantes, le Cycle d’Oz est tout simplement aussi captivant que grandiose visuellement. Le huitième tome se conclut sur un sort inédit pour le protagoniste, une situation qui fait planer la plus grande menace que Jonas Crow aura à affronter jusqu’ici, du moins depuis qu’il est l’undertaker. Une des grandes forces de la série est d’avoir toujours su se renouveler, même si certaines histoires, du coup, paraissaient moins intéressantes que d’autres, et la prochaine intrigue s’annonce passionnante.
Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard

© Undertaker, tome 8 – Dorison/Meyer/Delabie – Dargaud, 2025
Informations sur les albums :
- Tome 7 : Mister Prairie
- Tome 8 : Le Monde selon Oz
- Scénario : Xavier Dorison
- Dessin : Ralph Meyer
- Couleurs : Caroline Delabie et Ralph Meyer
- Éditeur : Dargaud
- Dates de sortie : Le 10 novembre 2023 (tome 7), Le 19 septembre 2025 (tome 8)
- Pagination : 64 pages chaque tome