Tanis tome 1 : Les Tombeaux d’Atlantis

L’Égypte des pharaons a toujours suscité les théories les plus folles, de la construction des pyramides aux proportions, bizarrement petites, de la tête du Sphynx. L’une de ces théories évoque une civilisation pré-antique à l’origine de ces constructions, autant dire un terrain de jeu parfait pour tout auteur de l’imaginaire. Denis Bajram et Valérie Mangin s’emparent de ce concept et s’associent au talentueux dessinateur Stéphane Perger pour nous transporter 10.000 ans avant notre ère à la rencontre de leur héroïne, Tanis.

Dix mille ans avant notre ère, l’Égypte n’est pas encore l’Égypte. Au cœur de cette terre encore pleine de magie et d’interventions divines, un bébé survit à une attaque des terribles pillards Aryanas. Recueillie par l’Ancien qui la ramène dans son village, ses cheveux blancs et ses yeux clairs font d’elle une intouchable, bénie des Dieux. Une fois adolescente, Tanis se sent bien seule. Avec Sepi, l’un des rares à oser lui parler, son seul ami, elle brave les interdits et entre dans la grande pyramide. Dans celle-ci, un grand pouvoir se cache sous le masque d’Osiris, un pouvoir qui aura de terribles conséquences.

De l’antique-fantasy sauce science-fiction

Avec toutes ses inspirations mythiques et historiques, l’univers de Tanis aurait pu rapidement se transformer en un pèle-mêle indigeste de références peinant à former un ensemble cohérent. Le duo Bajram-Mangin convoque, en effet, dans son récit, aussi bien les dieux égyptiens comme Osiris, les gardiens géants des pyramides, l’explosion d’une deuxième lune, les punitions célestes, le mythe d’Atlantis, mais aussi un peuple de guerriers voyageurs barbares, vikings avant l’heure… Et pourtant, non seulement tout se tient, mais les scénaristes parviennent également à proposer un environnement crédible, mix de croyances réalistes et d’éléments fantastiques. Au-delà de ce contexte totalement immersif, l’aventure racontée se révèle captivante et pleine de mystères.

On pourrait, certes, reprocher quelques enchaînements de péripéties trop rapides ou certaines évolutions ou choix des personnages, plutôt étranges, comme la relation entre Tanis et Samudrasen, le roi des barbares Aryanas, tant il y a de choses à raconter et d’enjeux narratifs à poser. Certains rebondissements sont assez attendus, Sepi qui se laisse aller au despotisme par exemple. Les personnages ont un côté parfois relativement caricatural mais ils restent attachants, notamment Tanis, une héroïne qui manque un peu de substance mais dont l’évolution promet une suite passionnante. Malgré ces quelques défauts narratifs, il est indéniable que ce premier tome se lit d’une traite, avec un grand plaisir et le souffle régulièrement coupé par la tragédie qui se met en place pour Tanis, Sepi, l’Ancien, et tout leur peuple.

Blockbuster à l’égyptienne

La facilité qu’a Tanis à capter, et garder, l’intérêt du lecteur doit beaucoup à la grande beauté de ses planches. Stéphane Perger s’est fait connaître par ses cases sublimes en couleurs directes, généralement à l’encre ou aquarelle, dans des séries adultes telles que Sir Arthur Benton, Scotland Yard, ou, plus récemment, l’intense Luminary*. Pour sa première incursion dans la bande dessinée jeunesse, l’illustrateur alsacien étonne et frappe fort. Loin de son style tranché habituel, il propose une esthétique proche de ce que propose habituellement le Journal de Spirou dans sa collection « Grand Public ». Classiques, mais super efficaces, ses personnages dégagent tous un charisme qui comble leur écriture parfois trop simple. A ce titre, Tanis est une indéniable réussite avec ses grands yeux bleu pâle, quelque peu déstabilisants au premier abord, sa coiffure claire et son maquillage.

Comme il l’avait déjà largement démontré dans ses œuvres précédentes, Stéphane Perger est capable de livrer une mise en scène impressionnante, qui n’a rien à envier aux blockbusters de Michael Bay ou Roland Emmerich, le tout dans une parfaire lisibilité. Explosions, pluies de pierres, incendie, attaque de crocodile géant, bataille et autres joyeusetés, le premier tome de Tanis est tout simplement épique. Ces scènes ébouriffantes prennent place dans des décors tout aussi somptueux de la magnificence des extérieurs historiques à l’ambiance mystérieuse de l’intérieur de la pyramide. La vallée du Nil est également très réussie et voir le grand fleuve navigué par des drakkars est un tableau des plus impressionnants.

Avec son univers patchwork original, et intelligemment construit, sublimé par les planches somptueuses de Stéphane Perger, ce premier tome de Tanis est une superbe introduction à une aventure qui s’annonce captivante. Malgré des personnages qui manquent, pour le moment, d’un peu de consistance narrative, l’album se révèle passionnant et sa conclusion en apothéose ne peut que donner furieusement envie de découvrir la suite. Plus rien ne sera comme avant pour Tanis, une héroïne qui gagnera très certainement en profondeur dès le prochain tome.

À noter, en fin de livre, un dossier historique passionnant qui met en relation réalité historique et théories fantaisistes, afin de bien rappeler que Denis Bajram et Valérie Mangin ont écrit une histoire de science-fiction antique et non un récit historico-complotiste.

* Sir Arthur Benton, 6 tomes, avec Tarek au scénario, éditions Emmanuel Proust (dessin de Stéphane Perger sur les tomes 1 à 3). Scotland Yard, deux tomes, avec Dobbs au scénario, Soleil. Luminary, trois tomes, avec Luc Brunschwig au scénario, Glénat.

Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard

Informations sur l’album :