Retour dans le monde bizarre des Coulisses, après un premier tome coup de poing, pour la série Vermines de Mathieu Salvia et Johann Corgié, un récit d’action à l’ambiance guerre des gangs dans une Nouvelle-Orléans fantastique peuplée de créatures étranges, le tout porté par un anti-héros au passé plus profond qu’il n’y paraît. Il n’est donc pas illusoire de dire que ce T2 de Vermines était très attendu par de nombreux lecteurs pressés de reprendre les flingues pour dézinguer quelques grosses bestioles.

Couverture du T2 de Vermines
© T2 de Vermines – Mathieu Salvia et Johann Corgié – Dupuis

De plus en plus véner, le gangster Marcus n’a qu’une obsession, quitter cette réalité des « Coulisses » chelou, pleine de créatures qui re-veulent sa peau, et retrouver sa vie d’avant sa mort. « De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités », c’est pas pour lui. Marcus, c’est plutôt le genre à dégommer quelques dents, faire la promenade à quelques viscères et éparpiller façon puzzle. Entre les promesses de Grey le zarbi, et son trou dans le bide, et la rigidité de la stressée Lily, si en plus il reçoit la visite flash de souvenirs familiaux et que la guerre des gangs inter-réalités menace ses potes, Marcus va vite voir rouge pinard…

Page 3 du T2 de Vermines
© T2 de Vermines – Mathieu Salvia et Johann Corgié – Dupuis

Y A T’IL UNE MORT APRÈS LA MORT ? 

Le premier tome se concluait par un moment d’interrogation et de tension. Étonnamment, ce second épisode fait une ellipse et débute par un moment assez drôle pour présenter le monde de Vermines et les enjeux du récit, notamment ceux qui pèsent sur Marcus. Si on pouvait reprocher au premier tome d’être assez flou et compliqué dans la construction de son univers, cette intro remet les pendules à l’heure et tout devient limpide, quitte à régler le climax du premier tome en quelques cases rapides lors d’un flashback. Après ces quelques planches très fun, l’action reprend ses droits et le rythme va être haletant jusqu’à la fin d’un récit passionnant. 

Alternant scènes épiques et moments posés qui font avancer l’histoire, apportant leur lot de réponses, notamment sur le fonctionnement la magie des « clés », mais aussi de nouvelles questions, ou de flashbacks afin de donner plus de profondeur à Marcus, la narration est captivante sans aucun moment faible. L’humour est efficace, que ce soit dans des scènes burlesques ou par des dialogues parfaitement ciselés qui raviront sans doute les fans de Tarantino.

Page 4 du T2 de Vermines
© Vermines – Mathieu Salvia et Johann Corgié – Dupuis

Le réel point fort de Vermines reste, toutefois, le talent de son scénariste Mathieu Salvia à construire ses personnages, comme en témoignent ses séries actuelles comme Petits Dieux ou In Memoriam. Marcus, bien sûr, toujours aussi fun mais gagnant en émotion et en profondeur, prend, presque malgré lui, le vrai rôle de l’anti-héros dans toute sa splendeur : impatient, colérique, violent, vulgaire, sans parler de son petit penchant pour l’alcool… Au contraire, le mystérieux et charismatique Grey est un peu désacralisé dans ce second. Presque maladroit, très naïf et parfois un peu ridicule, le ventre bien troué, ce traitement plus léger, s’il est assez étonnant, ne dessert en rien le personnage qui garde toute sa splendeur dans les scènes d’action. Après de brèves apparitions à la fin du premier tome, Lily et Kane, le chef de gang masqué, sont des apports passionnants à l’histoire : charismatiques à souhait, ils font passer les enjeux du récit à un tout autre niveau.

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© Vermines – Mathieu Salvia et Johann Corgié – Dupuis

DES LARMES, DU SANG ET… DE L’ALCOOL

Après les Lumières de l’Aérotrain, le dessinateur Johann Corgié confirme son talent pour bâtir des personnages pleins de charisme, qu’ils soient menaçants ou attachants, mais n’hésitant pas à les caricaturer quand le récit le nécessite. Maîtrisant aussi bien les visages expressifs que la gestuelle de ses protagonistes, il offre dans les deux tomes de Vermines des scènes puissantes par la simple présence de ses personnages et, notamment, de la puissance évocatrice de leurs regards. Les vermines, même si elles ne sont finalement pas, pour le moment en tous cas, au centre du récit, sont originales et variées, parfois réellement menaçantes et bestiales, parfois complètement ridicules ou pathétiques (mention spéciale pour le cyclope fan de Run DMC)

Avec sa mise en scène intelligente, le dessinateur manie à la perfection les émotions transmises par chaque scène ; un gros plan en plongée pour la tristesse d’une mère en deuil, des cases brisées comme du verre pour les flashbacks, des gaufriers tantôt anarchiques pour montrer le bordel ambiant, tantôt absents dans des scènes d’actions haletantes ou, au contraire, des moments d’ambiance immersifs. A ce titre, les décors apportent un réel plus à l’histoire, rendant l’univers de Vermines crédible, entre le réalisme de notre monde et le grotesque de la réalité des Coulisses. 

Page 6 du T2 de Vermines
© Vermines – Mathieu Salvia et Johann Corgié – Dupuis

Coloriste sur une vingtaine d’albums (dont le Roy des Ribauds, Trappeurs de Rien ou encore le Triomphe de Zorglub), avant de passer à l’illustration, Johann Corgié utilise toute son expérience pour intensifier encore la force de son dessin. Chaque scène, chaque ambiance, possède une teinte dominante, d’un terne gris verdâtre à un rose flashy, en passant par un vaste panel chromatique selon les besoins du récit, offrant une cohérence visuelle indéniable par la sobriété apparente des couleurs dans des cases assez folles. Même dans les scènes sanglantes, Johann Corgié sait faire preuve de retenue alors qu’il aurait pu être tentant de sortir les seaux d’hémoglobine.

Si ce second tome laisse un peu songeur quant à sa continuité avec le premier, tant la futilité de la résolution du climax de celui-ci et l’évolution radicale de certains personnages pourraient laisser penser que les auteurs ne savaient pas vraiment où ils allaient avec ce deuxième épisode, le doute laisse rapidement la place à un réel plaisir de lecture. Drôle, violent, intrigant, émouvant, toutes les promesses du premier tome sont tenues et plus encore grâce à un récit qui sait également prendre le temps de construite un univers cohérent et des enjeux importants. Riche en scènes d’anthologie portées par des personnages parfaitement construits, Vermines est une série jouissive dont on a hâte de découvrir la suite !

Page 7 par Mathieu Salvia et Johann Corgié
© Vermines – Mathieu Salvia et Johann Corgié – Dupuis

Chronique écrite par Cédric SICARD.

Informations sur l’album

  • Scénario : Mathieu Salvia
  • Dessin : Johann Corgié
  • Couleurs : Johann Corgié
  • Éditeur : Dupuis « Grand public »
  • Date de sortie : 7 juin 2024
  • Pagination : 78 en couleurs

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