T2 de Tête de Chien

Oyez, oyez, belles damoiselles et gentils damoiseaux, venez ouïr les secondes aventures des nobles chevaliers Jehan à la Tête de Chien et Josselin au Chevron d’Argent au gré de prestigieux tournois du Royaume de France. Accompagnés des seigneurs Brugeas, conteur émérite, Toulhoat, peintre aux mille talents et Guillo aux pigments magiques, vous y découvrirez en 132 tableaux un récit plein de suspense, de rebondissements et d’émotions proposés au palais Dargaud en l’an de Grâce 2024.

Couverture du T2 de Tête de Chien
© T2 de Tête de Chien – Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat – Dargaud

Attention : cette chronique évoque plusieurs révélations du premier tome de la série.

La fin du premier tome avait laissé Jehan et Josselin triomphants presque malgré eux lors d’un tournoi leur ayant apporté un nouvel allié et un nouvel ennemi. Le second tome démarre dans une nouvelle ville alors que s’apprête à commencer un nouveau tournoi. Le duo de chevaliers, toujours accompagné par le fidèle et ingénieux écuyer Paulin, va donc retrouver la poussière et le fer lors de nouvelles joutes, pimentées cette fois par une menace plus personnelle lorsque Paulin entend discrètement qu’une femme sera assassinée sur le lieu des combats. Le secret de Jehan aurait-il été découvert ?

Page 3 du T2 de Tête de Chien
© T2 de Tête de Chien – Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat – Dargaud

LA GESTE DE CHEVALIERS SECRETS

Si son récit reste assez classique pour une histoire de chevaliers et de tournois, ce sont bien les personnages et leurs relations qui font principalement la réussite narrative de Tête de Chien. Dès le premier tome, Vincent Brugeas montrait son talent pour créer des protagonistes profonds et attachants. Jehan, dont le surnom donne le nom à la série, n’en est pas pour autant complètement le personnage principal puisque c’est bien le duo qu’elle forme avec Josselin qui est au centre du récit et de ses enjeux. La jeune femme est de plus en plus à l’aise dans son rôle de chevalier et commence à rêver que ses prouesses pourraient la faire accepter dans ce milieu en tant que femme, même si cela reste une utopie, la série évoquant avec intelligence la place de la femme au Moyen-Âge. De son côté Josselin reste fidèle à ses valeurs malgré les déceptions qui se suivent dans une chevalerie qui a perdu ses idéaux pour laisser place à l’appât de la gloire personnelle et du gain. Le chevalier au Chevron d’Argent commence petit à petit à livrer ses secrets qui seront certainement exploités dans les prochains tomes.

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© Tête de Chien – Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat – Dargaud

Comme dans le premier épisode, Paulin est l’élément comique du récit mais pas seulement, son rôle étant primordial dans les enjeux de cette seconde aventure et il se révèle de plus en plus malin et clairvoyant, pouvant laisser présager une place de plus en plus importante dans les prochains tomes. Au rayon des personnages secondaires, à part Gaucher de Joigny en pur méchant, le manichéisme n’est pas au rendez-vous et les nombreuses figures du premier tome à revenir ici gagnent tous en profondeur, à commencer par le chevalier Noirci et surtout le violent mercenaire Oddard auquel il devient rapidement impossible de ne pas s’attacher. Bien entendu, de nouveaux personnages font également leur apparition, parmi lesquels le génial Thibaut, frère de Josselin, et une passionnante dame qui n’a clairement pas livré tous ses mystères.

Finalement, la menace qui pèse sur Jehan devient plus un élément perturbateur des joutes mais aussi de la relation au quotidien entre les protagonistes, que l’enjeu principal du tome. Les rebondissements un peu prévisibles du scénario ne viennent en effet gâcher en rien le plaisir de lecture tant Vincent Brugeas soigne son univers et ses acteurs. C’est, à ce titre, un réel plaisir de retrouver les pages bichromatiques centrées sur les pensées et les doutes des personnages, elles sont à la fois une originalité et une force du récit, apportant encore plus de profondeur aux protagonistes, principaux ou secondaires, en montrant ce qu’ils ne peuvent ou ne veulent pas dire, ou parfois même leurs erreurs d’interprétation rendant logiques leurs réactions.

Page 5 du T2 de Tête de Chien
© Tête de Chien – Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat – Dargaud

AU CŒUR DE LA MÊLÉE

Pour mettre en image son récit, Vincent Brugeas retrouve son compère Ronan Toulhoat avec qui il a déjà publié le Roy des Ribauds, Bomb X, Cosaques, Ira Dei et la République du Crâne. Son talent pour les scènes d’action et les personnages charismatiques n’était déjà plus à prouver, il en démontre encore toute l’étendue dans Tête de Chien, et notamment dans ce tome 2 où chaque protagoniste gagne en épaisseur et dans lequel la tension est omniprésente. Chaque personnage est parfaitement caractérisé, les émotions sont limpides, avec une mention spéciale aux regards, et chacun possède une gestuelle qui lui est propre. Chaque case est un régal, servie par des décors superbes et les couleurs toujours somptueuses de Yoann Guillo qui, lui non plus n’en est pas à son coup d’essai. De ses collaborations avec le duo Toulhoat-Brugeas sur Bomb X ou Cosaques à son travail impeccable sur Goldorak, FRNCK ou Louca, le coloriste apporte à chaque scène une ambiance adéquate. La gestion des lumières, comme dans ses couchers de soleil plus vrais que nature, le réalisme des coloris des tissus ou des décors, la lisibilité qu’il donne à chaque scène d’action : son apport à la réussite de Tête de Chien est indéniable.

Page 6 du T2 de Tête de Chien
© Tête de Chien – Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat – Dargaud

Dans les scènes d’action, le dessinateur Ronan Toulhoat livre également une copie sans faute. La tension et le danger sont palpables, chaque coup se ressent, chaque chute fait mal, et le découpage de ses planches apporte un dynamisme rarement atteint dans les scènes de combats médiévaux, notamment grâce à ses instantanés zoomés sur un élément précis (arme, partie du corps, expression d’un cheval…) qui se superposent aux cases du combat, mais aussi à un gaufrier régulièrement penché qui permet d’accélérer le rythme. Certains effets de mise en scène jouent également un rôle narratif, plongeant le lecteur non seulement au cœur du combat mais également dans les sensations du protagoniste, rendant la tension encore plus oppressante. Mais si les combats sont impressionnants, Ronan Toulhoat maîtrise également les scènes du quotidien ou de repos, que ce soit dans ses cadrages ou, là aussi, la gestuelle ou les expressions des protagonistes.

Page 7 du Livre 2
© Tête de Chien – Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat – Dargaud

Avec Tête de Chien, le neuvième art a trouvé son hérault moderne qui se joint aux cultes Bois-Maury, Valiant ou encore Vasco. Un récit classique mais passionnant, un contexte original, des personnages charismatiques et attachants, la série du trio Brugeas-Toulhoat-Guillo est une réussite à tout point de vue et parvient, en seulement deux tomes, à déjà se positionner comme un incontournable de la bande-dessinée médiévale. Et son ultime planche va clairement rendre impatients de nombreux lecteurs quant à la sortie d’un troisième tome qui promet un joli renouvellement de la série.

Chronique écrite par Cédric SICARD

Informations sur l’album

  • Scénario : Vincent Brugeas
  • Dessin : Ronan Toulhoat
  • Couleurs : Yoann Guillo
  • Éditeur : Dargaud
  • Date de sortie : 31 mai 2024
  • Pagination : 136 en couleurs

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