Yveline – T1 des Vents ovales

Se remémorer le passé entraîne inévitablement une certaine nostalgie. Travaillés étrangement par le pouvoir de la mémoire, les souvenirs vivent leur propre vie, s’édulcorent et donnent parfois l’impression que l’existence était plus douce, plus simple, engendrant l’idée commune que « c’était mieux avant ». Mais cette pensée généraliste fait oublier que, quelle que soit la période vécue, les bonheurs, mais aussi les difficultés ou les contrariétés sont universels dans le temps et que les êtres humains, dans leur diversité, choisissent d’avancer dans la marche du progrès ou de s’accommoder de ce qu’ils vivent. Yveline, premier tome du triptyque des Vents Ovales explore ce terrain en nous faisant voyager dans le sud-ouest de la France de la fin des années 60.

Couverture du T1 des Vents ovales
© T1 des Vents ovales – Horne, Aude Mermilliod et Jean-Louis Tripp – Dupuis

Les petits villages de Larroque et Castelnau sont en liesse en ce printemps 1967 : le voisin Montauban vient d’être sacré champion de France de rugby. Tous les habitants de ces deux communes reliées par un pont enjambant la Garonne fêtent comme il se doit cet évènement, eux qui vivent la passion du ballon ovale de la façon la plus intense qui soit. Dans cette campagne du sud-ouest, la vie semble couler paisiblement en ces « Trente Glorieuses » où chacun semble occuper sa place sans en demander davantage. Dans les deux villages, les jeunes font du rugby, sans saisir le sens réel du jeu. Et ce ne sont pas leurs entraîneurs, le curé et le chef de la briqueterie locale, vivant dans la tradition la plus totale, qui vont prendre le temps de leur expliquer les valeurs du sport. On fait du rugby, « parce que c’est comme cela ». Dans cette ruralité séculaire et sans histoire, une certaine modernité pointe cependant, alors que le monde change et s’ouvre, en cette fin des 60’s. Yveline a 18 ans et va partir faire ses études à Nanterre, tandis que Monique, décidée à devenir professeur, a été nommée à Béthune. Résolument ouvertes sur un certain progressisme pas toujours compris, les deux jeunes femmes veulent construire leur avenir, à une période charnière de leur histoire et de l’Histoire.

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© T1 des Vents ovales – Horne, Aude Mermilliod et Jean-Louis Tripp – Dupuis

Les anonymes, acteurs majeurs d’une France profonde

Les régions françaises composées de villages, construits autour de l’église, de la mairie, des commerces de proximité et peuplés d’habitants parlant avec l’accent du coin sont un sujet souvent exploré par la fiction, notamment audiovisuelle, mais assez peu en bande dessinée. Les Vents Ovales, en menant le lecteur dans le sud-ouest de la France, réussit ce pari. En décrivant la vie de deux villages typiques de la ruralité des années 60, les scénaristes Jean-Louis Tripp et Aude Mermilliod arrivent à initier un voyage dans le quotidien d’anonymes qui vivent une vie en apparence simple. A travers le destin de quelques personnages forts, le lecteur est immergé avec bonheur dans un climat, une atmosphère, une histoire tantôt tendre, tantôt dure, mais qui ne laisse pas indifférent, tant elle parle à chacun. C’est l’histoire, sans cesse renouvelée, d’hommes et femmes différents qui vivent ensemble. Certains sont dans la tradition et veulent y rester, d’autres veulent faire perdurer un monde qu’ils acceptent et où ils ont tout bâti, d’autres encore voudraient tout changer, portés par de grandes idées. Cette divergence est encore plus poussée dans le monde des plus jeunes, divisé entre ceux qui acceptent une continuité sans se poser de questions, car ils sont finalement heureux, et les autres, ouverts, guidés par l’éducation ou une certaine utopie, portés vers le progressisme. Les scénaristes décrivent l’ambiance et l’arrivée d’un certain changement, sans jugement ni leçons de morale et chaque acteur est décrit tel qu’il est avec ses bons et ses mauvais côtés. Dans ce premier tome des Vents Ovales, on suit la vie et les choix de différents protagonistes si bien racontés qu’ils donnent au lecteur l’impression de les avoir connus.

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© Les Vents ovales – Horne, Aude Mermilliod et Jean-Louis Tripp – Dupuis

Une chronique visuelle et attachante

Les Vents Ovales, s’ils s’appuient sur les destins de personnages attachants, sont cependant portés par les décors et la géographie des paysages où se situe l’action. Les deux villages de Larroque et Castelnau théâtres de la bande dessinée, sont indispensables à son histoire. Petits commerces, écoles communales, campagne verdoyante et terrains de rugby apportent une authenticité, une vérité et une poésie indispensables à l’album. Le trait réaliste, animé et attractif d’Horne apporte toute sa lumière et se marie agréablement au scénario. Sans entrer dans des détails ou une précision pointue, le dessinateur arrive à donner l’impression du temps qui passe, de la beauté fragile des moments passés, d’un monde qui n’a pas tout à fait disparu. En ouvrant les Vents Ovales, le lecteur ressent le même doux pincement qui le traverse lorsqu’il regarde des photos anciennes. Les couleurs de Delf sont à l’image du dessin : rassurantes, un peu passées, et renforcent l’impression d’un voyage vers un monde lointain qu’on a le sentiment d’avoir pourtant connu.

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© Les Vents ovales – Horne, Aude Mermilliod et Jean-Louis Tripp – Dupuis

Le premier tome des Vents Ovales fait voyager le lecteur dans une chronique visuelle, attachante et bien faite. Tout en décrivant les bonheurs et malheurs de la campagne française des années 60, ce premier opus d’une trilogie évite l’écueil d’une nostalgie passéiste. En suivant le chemin des différents personnages du volume, le lecteur est convié vers une belle évasion et attend déjà le deuxième tome, qui va emmener le lecteur jusqu’en mai 1968, sur les traces d’Yveline et ses amis.

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© Les Vents ovales – Horne, Aude Mermilliod et Jean-Louis Tripp – Dupuis

Chronique écrite par Mathieu DEPIT

Informations sur l’album

  • Scénario : Aude Mermilliod et Jean-Louis Tripp
  • Dessin : Horne
  • Couleurs : Delf
  • Éditeur : Dupuis « Aire Libre »
  • Date de sortie : 17 mai 2024
  • Pagination : 124 en couleurs

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